Aller de l'avant

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Encore une activité proposée par la CdL, écrire quelque chose en rapport avec une image, celle en en-tête.

𓆩*𓆪

Cher Journal,

Ça fait bien longtemps que je t'ai délaissé. Je n'avais plus besoin de t'écrire.

Pourtant, aujourd'hui, alors que tout va bien, il m'arrive de regarder dans le rétroviseur. Ai-je des regrets ? J'aimerais dire que non. Seulement, je me mentirais. Mon passé n'est pourtant pas si noir, si on y fouille bien. Mais je n'y vois que la pluie diluvienne et la grisaille. Je sais que l'avenir est radieux. Face à moi, le soleil brille sur mon chemin, me plaindre serait ahurissant.

Alors, pourquoi mes remords me rattrapent, parfois ?

Quand je te lis, je retrouve tous mes délires avec mes amis, mes sorties, nos moments de franche rigolade, les garçons sur qui je craquais – mon Dieu, qu'il y en avait. Ma vie semblait plutôt belle, si on se fie à tes pages noircies d'encre. Néanmoins, il reste ce que je ne t'écrivais pas. Je me demande encore pour quelle raison je te cachais ça. Certainement pour oublier. Mais la mémoire, elle n'efface rien. Elle range tout dans de petites cases de ton âme pour te ressortir des stigmates du passé quand tu t'y attends le moins. J'aimerais tellement pouvoir faire reset et tout recommencer.

Je me sentais si invisible. Oh, pas dans le sens où on ne me voyait pas. Ça, j'aurais préféré, qu'on me laisse tranquille, qu'on ne me brise pas. Ne pas te l'avoir raconté m'effraie, je masquais la vérité pour avoir moins mal. J'en viens même à me demander si mes souvenirs sont réels, puisqu'ils ne sont pas couchés sur ton papier. Ai-je imaginé tout ça ? Ou ai-je dramatisé ?

Mais si j'ai amplifié ce qu'ils m'ont fait, pourquoi ai-je si mal ?

Si l'amitié était présente, l'amour manquait toujours au rendez-vous. Entre ceux qui ne me regardaient pas et que je scrutais dans l'ombre, ceux qui ne me choisissaient pas pour diverses raisons, ceux qui mettaient un terme à une courte relation sans nous laisser une chance et sans donner d'explication.

Être sans cesse la bonne copine, c'est épuisant. J'en ai versé des torrents de larmes silencieux, en bâillonnant mon cœur qui hurlait. Faire semblant d'aller bien épuisait mon âme.

Que pouvais-je faire d'autres ? Ah oui, je sais. Oser. Oser aller vers les autres, mais, surtout, vers eux.

Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? Je n'ai jamais été assez bien dans ma peau, tu devrais le savoir, quoi que. Des années à me formater pour me faire croire que je ne valais rien. Bravo, ça a fonctionné à merveille. Il leur fallait une tête de turc qui se laisse faire, ils l'ont bien trouvée.

Telle une intruse dans ma propre vie, j'ai avancé tête baissée pour me cacher. De toute façon, leur regard glissait sur moi pour s'arrêter sur d'autres. La pluie n'a cessé pendant des années, m'inondant sans que je ne puisse sortir le corps de l'eau. Penser qu'on ne vaut pas le coup vous écrase jusqu'à vous ensevelir.

Même lui, il n'a pas voulu de moi. J'espérais, j'en rêvais. Il y avait quelque chose, pourtant cela ne restait qu'illusion. Et moi, j'ai laissé le temps filer, sans rien tenter. La bonne copine, encore et toujours.

Et lui, aussi, que je suivais n'importe où. La pote, la rigolote, sans jamais l'envisager, je suis restée sur le carreau. En même temps, je n'ai jamais rien dit. Foutu confiance absente.

Puis, un beau jour, tes yeux se sont illuminés à mon passage. Tu t'es dit "pourquoi pas" et tu m'as conquise, me faisant oublier ma peine. Prudente, je tentais de ne pas m'attacher, des fois que tu prennes tes cliques et tes claques rapidement, comme les autres. Pourtant, tu t'es accroché, me laissant entrevoir la lumière au bout du tunnel.

Grâce à toi, j'ai abandonné la grisaille pour aller de l'avant, laissant mes tourments au loin. Tu m'as offert l'espoir, effaçant tout le noir.

Oh, tu sais, journal, les démons ne sont jamais bien loin. Ils se terrent bien au fond de toi, et resurgissent parfois des tréfonds. Faits l'un pour l'autre ou pas, nous nous sommes fait l'un à l'autre pour vivre quelque chose, même si cela ne m'empêche pas de me demander ce qui se serait passé si j'avais osé.

Quand je regarde le mauvais temps derrière moi, j'ai parfois le cœur qui se serre. Je me dis : et si ? Mais avec des si, vous connaissez la chanson. Ce qu'il faut retenir de tout ça, c'est que cette route que j'ai suivie m'a menée jusqu'à toi, je ne regrette aucun choix.

Quoi que...
Toi, tais-toi.

𓆩*𓆪

Un poème complète cette nouvelle, à retrouver dans mon recueil "POAIME".

Lε ოօղძε ძε մოἶOù les histoires vivent. Découvrez maintenant