Année 2024
Je vous écris de ma bulle.
Vous ne savez pas où cet endroit se trouve ? C'est normal, il est à moi, et rien qu'à moi. Je n'y emmène personne.
Voilà quelque temps que je me recroqueville dans cette bulle, quand je veux m'échapper. Le monde me fait peur, je ne m'y sens pas adaptée.
Vous avez vu tout ce qu'il s'y passe, dans le monde ?
Ça m'effraie.
Dans ma bulle, nous sommes tous sur le même pied d'égalité.
Le rêve, quoi.
Dans ma bulle, je suis une enfant qu'on écoute, qu'on comprend, qu'on ne range pas dans une case. Pas besoin de correspondre à des critères fixés par on ne sait même plus qui, où ce n'est pas normal si on n'est pas comme ci ou comme ça, parce que l'on compare chaque comportement à celui des autres.
Je suis moi-même, sans entrave.
Dans ma bulle, je suis une adolescente qu'on respecte, qu'on n'essaie pas de changer ou de faire rentrer dans un moule. Aucun critère ne définit la personne que je dois devenir. J'avance sur mon chemin de vie comme je l'entends et je m'engage vers la voie qui m'attire sans qu'on me dirige ailleurs où ce serait apparemment mieux pour moi (pour des raisons obscures).
Je suis moi-même, je m'épanouis.
Dans ma bulle, je suis une adulte qu'on ne rabaisse pas, qu'on prend en considération, une femme sur le même pied d'égalité que l'homme. Le « sexe faible » est un lointain souvenir et nous vivons en harmonie les uns avec les autres, en complémentarité.
Je suis moi, en toute liberté.
Dans ma bulle, mon corps m'appartient et on ne me juge pas sur mon apparence.
Je ne suis pas meilleure, je ne suis pas moins bien, je ne suis pas parfaite, et on m'aime comme je suis.
Dans ma bulle, je suis de toutes les couleurs, je suis unique et acceptée par les autres.
Dans ma bulle, nous sommes tous humains, sans distinction de genre ou d'origine.
Pas de plus fort, pas de plus faible, pas de système d'oppression ou de domination.
Pas de guerre pour obtenir le pouvoir, imposer sa religion ou étendre son territoire.
Dans ma bulle, tout le monde s'aime, sans discrimination. Chaque personne peut être qui elle veut.
Dans ma bulle règne la bienveillance, l'écoute, l'empathie.
Dans ma bulle, l'entraide est de mise, l'amour est partout, je peux aimer qui je veux sans avoir peur.
Dans ma bulle, nous sommes tous heureux.
La joie de vivre transparaît partout.
Dans ma bulle, je vis en Utopie. Ce pays est merveilleux et personne n'a plus d'influence qu'un autre. Le collectif prime et des groupes travaillent en concertation pour faire avancer les choses.
Dans ma bulle d'Utopie, nous vivons en autosuffisance. Terminés les supermarchés qui aspirent nos économies et nous vident les poches pour manger des choses mauvaises pour notre bien-être, tout ça pour amasser de l'argent et asseoir une suprématie.
À Utopie, la nature a repris ses droits. L'énergie est renouvelable, nous fonctionnons avec les éléments.
Dans ma bulle, je m'envole et observe ce système de plus haut.
Chaque âme rayonne et étincelle.
Dans ma bulle...
Malheureusement, je dois retrouver la réalité. Renfiler mes multiples costumes. M'oublier, parfois. Être et faire ce qu'on attend de moi. Suivre ce qui nous est imposé.
Subir.
Pour combien de temps encore ?
Hors de ma bulle, je dois m'entretenir pour rester attirante, veiller à ce que le réfrigérateur et les placards soient remplis de cochonneries industrielles, tenir mon domicile, m'occuper des enfants, satisfaire mon partenaire.
Hors de ma bulle, je dois en plus me rendre au travail, où je suis moins considérée que mes collègues masculins, alors que j'en fais parfois beaucoup plus.
Hors de ma bulle, j'ai peur de donner mon avis, de faire entendre ma voix.
Hors de ma bulle, la vie est violente, intolérante. On se bat pour tout. On se bat pour exister. On se bat pour imposer ses idées. On se bat pour montrer qui est le plus fort. Des innocents sont tués pendant que d'autres pleurent parce qu'ils n'ont pas eu le dernier gadget à la mode.
Hors de ma bulle, je ne peux pas être qui je veux. Je dois me conformer à une norme établie par quelqu'un qui veut qu'on pense comme lui. Qui est ce quelqu'un au départ ? Le mystère reste entier.
Hors de ma bulle, à Réalité, le monde va mal.
Le monde souffre, asphyxié par une entité inconnue, pas des « c'est comme ça que ça doit être », par des « c'est moi qui ai raison, ma vérité est au-dessus de la tienne. »
La planète s'engourdit, les humains la piétinent. Les plus forts s'amusent avec ce qui leur rapporte le plus, les plus faibles doivent redoubler d'efforts pour survivre.
Hors de ma bulle, les mots que j'écris vont être critiqués, avant que ma personne ne le soit aussi. Les gens aiment cracher sur les autres pour masquer leur propre malheur. Alors ces mots resteront peut-être cachés à Utopie, par peur de ce qu'on dira de moi à Réalité.
Hors de ma bulle, je dois me protéger de l'extérieur.
Je suis trop ci, pas assez ça, je dois, je dois, je dois... Il faut, il faut, il faut...
Dans ma tête, je vais mal.
Comme les gens.
Comme le monde.
Mais ce mal doit être éteint, car il fait tache.Alors, quand ma bulle éclate, j'enfile mes différents costumes par-dessus mon enveloppe : fille, conjointe, travailleuse, maman, bonne amie, exécutante, asservie à la société.
J'oublie qui je suis, je m'oublie moi.
Je bâillonne mon âme, je me terre dans le silence.
L'intolérance à ce monde me guette.
L'indigestion est permanente.
Finalement, je crois que je vais rester dans ma bulle et dans le monde auquel j'aspire.
À vous qui avez trouvé ce carnet et lu cette plainte jusqu'au bout, j'espère que la vie s'est améliorée et que vous allez bien.
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Lε ოօղძε ძε մოἶ
Short StoryBienvenue, bienvenue, bienvenue... dans mon univers et mes diverses nouvelles. Ici, je vous partage quelques unes de mes courtes créations. Prenez place et installez-vous confortablement, je vous emmène dans les méandres de mon imagination débordant...