- Elle n'est pas avec vous ? demanda-t-il aussitôt.
- Pardon ?
- La créature volante.
Ma poitrine se serra, enveloppée de cet exquis mélange de culpabilité et de soulagement que je n'aurais su définir, mais en lequel il ne me déplaisait de baigner. Ses yeux d'émeraude, aussi froids qu'ils étaient impériaux, semblaient m'apposer un jugement propre à ce vice invisible qui m'écrasait, et dont je peinais de reconnaître la nécessité.
Paimon m'avait toujours accompagné ; et si l'insolent optimisme de son caractère se frayait un chemin entre les us et coutumes d'un monde auquel nous demeurions tous deux étrangers, je ne pouvais partager avec elle la peine de mes conflits familiaux. D'entre nous, nul ne pouvait comprendre, mais Xiao avait pour lui qu'il se moquait éperdument de ces écarts sentimentaux : son existence était aussi immuable qu'elle m'était indispensable, car seul lui semblait détenir les réponses auxquelles il m'était douloureux de faire face.
- Je suis venu seul. Je voulais vous demander quelque chose.
À ses yeux, je devinais qu'il était accoutumé à pareille situation : l'impudence de quelques humains à l'esprit corrompu de par leurs désirs égoïstes, venu chercher à s'accorder ses faveurs. J'appréhendais son silence, le torse noué par l'infinie tristesse d'avoir rompu un lien unique, mystique, étendu par-delà la morosité d'une existence qu'il s'empressait de maudire à chaque instant. Tristement, je risquais un coup d'œil à l'encontre d'un regard que j'attendais glacial, et me figeais devant l'expression de son imperturbable impassibilité – et que je crus, un instant durant, empreinte d'un éclat d'inquiétude.
- C'est à propos de l'Ordre de l'Abîme.
Ses lèvres s'entrouvrirent, comme sous ces violentes impulsions verbales qu'il réservait au champ de bataille, mais il demeura silence : sa tête se hocha en signe d'approbation alors qu'il semblait difficilement raviser son propre opinion, sans nul doute teinté de son indéfectible colère.
Alors, m'appliquant à n'omettre le moindre détail, je lui dévoilais tout : mes retrouvailles avec Dainsleif, ainsi que la découverte d'un endroit aussi morbide qu'il m'était impossible d'y susciter sainement. Je lui décrivais la vue insoutenable d'une profanation en laquelle je revoyais Venti, à la mention duquel ses lèvres se pincèrent subrepticement : son visage se détourna, se soustrayant à la contemplation quiaccompagnait mon récit, et ses yeux se fermèrent délicatement.
- La sensation de cet endroit vous rappelait celle de ma présence. Après tout, je suis accoutumé à la proximité avec l'au-delà.
Je déglutis difficilement une vérité qui me semblait désormais évidente, mais dont une si sèche énumération me paraissait déplaisante. Tout impassible qu'il demeurait quant à mes opinions, je n'aimais l'idée de l'associer à la simple image de la mort, pas plus que de me cantonner à la recherche de mes propres intérêts.
- Je ne sais plus à qui me fier. Désormais, même les Archons...
- Morax est bien plus fiable que vous ne le pensez.
Le courant tranquille de son regard s'apparentait désormais à l'expression ombrageuse de la colère, contenue par la seule force de sa volonté : sa voix ne s'inclinait sous une émotivité qu'il aurait qualifié de puérile, mais je n'en ressentais pas moins la force d'une conviction aveugle, empreinte de tant de siècles de loyauté.
- Je suis désolé. Je ne me voyais pas confier cela à quelqu'un d'autre que vous.
Mon regard se détourna, ébranlé parla propre bêtise dont il me déplorait de faire incessamment preuve : un silence de plomb s'immisça, aussi sempiternel qu'il m'était insupportable – avant qu'un soupir ne vienne abruptement le briser.
- Ortell, Pervases, le Festival des Lanternes... à trois reprises, nous nous sommes rencontrés, et vous avez sans cesse agi dans l'intérêt d'autrui. Désormais, j'entends vous rendre la pareille.
L'ombre d'un sourire se dessina sur mon visage, mais que son expression se hâta de faire disparaître.
- Ne vous réjouissez pas. Je peux vous aider, mais là où nous allons, le moindre faux pas vous coûtera bien plus que ce que vous aspirez à retrouver.
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Alatus Nemeseos
FanfictionAprès ses retrouvailles avec Dainsleif, le Voyageur est en proie aux doutes : sa famille, si longtemps recherchée, s'avère être complice de son plus grand ennemi, l'Ordre de l'Abîme. Par ailleurs, l'histoire de Teyvat semble contester la légitimité...