Une nouvelle page, un nouveau regard sur le monde

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Ine : les filles, cinéma ce soir ?
Aika : il fait trop chaud
Hanako : trop de monde
Toi : trop la flemme
Ine : j'ai vraiment des amies de merde (¯▿¯)
Aika : on va à la piscine ?
Ine : pas mal ! en plus j'ai un maillot de bain tout neuf o(≧▽≦)o
Toi : j'ai une question à vous poser
Hanako : ???
Toi : vous connaissait un certain Ryomen Sukuna ?
Aika : c'est qui lui ? ton date ?
Toi : nah, toujours célibataire depuis le jour de ma conception, ne vous inquiétez pas
Toi : c'est un auteur
Toi : enfin, presque
Toi : je pense pas du tout
Ine : pour être en lettres, j'en ai jamais entendu parler... je peux essayer de me renseigner directement dans les archives de l'université
Ine : est-ce que tu sais de quelle ère il est ?
Toi : non, j'en sais rien de rien
Ine : tu as un titre en tête ?
Toi : « souvenir »
Toi : le livre est blanc
Aika : on s'en fiche de la couverture, non ?
Toi : fin, les pages sont blanches, il n'y a rien à l'intérieur... j'en ai vu des livres endommagés et tout, mais jamais aussi blancs
Toi : il n'y a même pas une marque d'usure, comme si les pages étaient vierges
Hanako : rien à carrer de ce sakuya là, on fait un truc du coup ou pas ?
Toi : je passe
Hanako : pourquoi ?
Toi : je suis déjà prise, désolée

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La couverture était noire en cuire, les pages jaunâtres et vides. Le livre n'avait aucun parfum : il ne sentait ni le papier, ni le vécu. Il était tout simplement insipide, fade, triste, vide. Ce soir, tu n'avais pas enregistré le livre dans les archives ; tu l'as mis dans ton sac comme si rien n'était, ni vu, ni connu, caché parmi tes notes de droit pénal. Tu aurais dû simplement appeler le blondinet sans nom, mais la curiosité te rongeait les tripes.


Lumières éteintes, porte fermée.
Porte ouverte, lumières allumées.


Ton appartement est paisible, les voisins sont muets et les lumières de la ville se reproduisent dans une danse éblouissante. Assise sur ton lit - lit qui était aussi ta table, ton bureau, ton fourretout – tu reprends en main le mystérieux livre en cuire. Ce n'est qu'un livre, tu penses. Alors pourquoi tu n'arrives pas à l'ouvrir dans le noir de ta chambre ? Tu sens une lourdeur sur tes épaules, puis sur tes jambes. La fatigue t'embrasse, te berce ; un voile de tristesse se pose sur tes paupières ; de l'amertume envahit ton palais ; de l'envie s'installe dans ton ventre.

Tu ouvres le livre à la première page et tu lis une phrase : je te faisais confiance.
Tu clignes fatiguée les yeux, et la phrase n'y est plus.

« Wow, j'avais vraiment besoin des hallucinations », tu dis avec une voix bizarrement calme. « Je devrais quitter mon job, j'en ai marre de taffer comme un chien. Et tant que j'y suis, la fac aussi. Et ce taudis. Je devrais rentrer chez ma famille, tout serait plus simple. Comment il s'appelait déjà le fils du voisin ? Yusei ? Je devrais demander à ma mère de me le présenter, me marier avec, vivre sans rien faire. Vivre sans rien faire, quel rêve incroyable. C'est pas ce que Ine fait tous les jours ? Elle et ses études de lettre. Déjà, lettres ? J'aurais pu faire ça aussi si mon père n'était pas un bon à rien. C'est la faute à eux, de toute façon. Je n'y peut rien après tout. »

Tes paroles sortent toutes seules, sans barrières mais avec conviction. Tu crois à ce que tu dis. Tu penses ce que tu dis. Le ton se lève petit à petit en un crescendo inarrêtable.

« Mais devines qui doit y remettre ? MOI. TOUJOURS MOI. POURQUOI PAS AIKA ? POURQUOI CE CORPS ? Qu'est-ce qui ne va pas en moi ? Mon visage, mes vergetures, mon sein, mon ventre, tout. Même pas de bonnes notes avec quoi compenser, rien. RIEN DE RIEN. BORDEL DE MERDE, RIEN. » Les yeux sont chargés de rage et de larmes. Tes bras serrent contre ta poitrine le livre, comme si tu chercher à compléter ce qui te manques. Tu le serres avec une telle conviction que tu as l'impression d'entendre une douce voix te consoler. Ce n'est pas ta faute, tu leur faisais confiance. Ce n'est pas ta faute, chérie. Ce n'est pas ta faute, ouvre-moi ton cœur. Ce n'est pas ta faute, écoute-moi. Fais-moi confiance, tourne la page. Tes doigts bougent doucement à la recherche de cette page à tourner. Tu y es presque ! Tu sens le soulagement arriver !

Une nouvelle page, un nouveau regard sur le monde.

Toi qui t'attendais au sommeil, tu vis désormais dans un cauchemar. C'est ta faute, te dis maintenant la voix. Des mains visqueuses serrent ta taille, une odeur nauséabonde remplit tes poumons, des lèvres décrépites et baveuses embrassent tes épaules. Tu les vois. La fatigue dans ton regard laisse la place à la peur la plus irrationnelle, si profonde qu'elle te fait trembler. Pétrifiée, tu arrives à attraper le portable et à appeler la seule personne qui pouvait t'aider. Le souffle est coupé et la voix est instable :

« S'il te plaît, aide-moi, Sukuna est – »

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 23, 2021 ⏰

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