Chapitre 31.

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« Nahori ! Bon sang, que s'est-il passé ?! »

La fillette demeurait silencieuse, les yeux figés sur l'horreur. Le vent soulevait ses cheveux, et elle aurait sans doute trouvé ça agréable si sa journée n'avait pas viré au drame. Elle ne comprenait rien de ce qui venait de se dérouler sous ses yeux de spectatrice. Ses yeux d'actrice ? Elle semblait complètement extérieure à la scène, alors qu'elle y avait pourtant pris part.

Ses petites mains tremblaient, fermement accrochées à la barrière du promontoire, comme si cette-dernière menaçait de s'envoler. Là, quelques mètres plus bas, deux corps sans vie. Inertes. La couleur du sang envahit ses pupilles, déterminée à la hanter jusque dans ses réflexions les plus profondes. Elle ne voyait plus rien d'autre, un gouffre semblait s'être formé autour de ses deux amis, et le rouge en ressortait amèrement. Il coulait le long de leurs bouches entrouvertes, créait une nauséabonde flaque derrière leurs crânes, salissait leurs beaux cheveux.

C'était un cauchemar, ils n'étaient pas vraiment tombés. Nahori allait se réveiller, et sortirait jouer avec Greg et Helena après la classe, comme tous les jours. Ils n'étaient pas écrasés, ni broyés. Leur dispute ne les avait pas précipité dans le vide. Pour quelle raison s'étaient-il disputés, déjà ? Elle n'oublierait jamais les quatre yeux vitreux, dépourvus de toute âme, qui la fixaient, sans émotions. Vides.

Exactement comme son cœur d'enfant, qui ne comprenait que trop bien ce qu'il venait de se passer, et peinait à le réaliser. Elle ne pleurait pas. Mais elle ne comprenait pas. Comment cela avait-il pu finir ainsi ? La fillette sentit deux bras venir la soulever, d'un mouvement doux. Cela ressemblait à Maman. Non, c'était Maman.

« Mon amour, tu vas bien ? » s'était-écriée la baronne, inquiète pour sa progéniture.

La foule s'amoncelait à présent autour des corps sans vie meurtris qui gisaient sur la place en contrebas.

« C'est cette gamine, là-haut ! Elle les a poussés ! »

La gamine en question n'était autre que Nahori. Le monde autour murmurait. Le murmure était si bruyant. Nahori en avait mal à la tête. Non, elle ne les avait pas poussés. Ils sont tombés tous seuls. C'était un accident. Elle ne voulait pas les tuer. De chaudes larmes commencèrent à couler le long des joues de l'enfant d'à peine dix ans, décidément au centre d'une attention très malsaine. La baronne observa sa fille d'un air grave.

« Est-ce vrai, Nahori ? »

Ses grands yeux bruns s'étaient voilés, à mesure qu'elle lisait entre les lignes dans les iris de sa fille. La culpabilité. La tristesse. L'incompréhension. La peur, aussi. La baronne se sentit fébrile. Elle s'imaginait déjà les gros titres des journaux du lendemain, et savait que son mari comme elle n'auraient pas d'autre choix que celui de se plier aux doléances des familles des deux enfants défunts, pour se faire oublier. Tout le monde sur la place l'observait.

« Eh, mais c'est la fille de Monsieur le Baron ! Regardez, la fille du baron, une meurtrière ! Vous pensez qu'elle tient ça de qui ? »

Les hypothèses fusaient, sous le regard blême de la baronne, qui serrait Nahori contre elle. La petite était complètement désorientée. Elle avait faim, chaud, et sommeil. Belle ironie pour un mois de novembre.

Mais soudain, elle eut froid. Très froid.
Froid au cœur.

« Que regardez-vous ainsi ? Cette souillon n'est certainement pas ma fille. »

Boum.

« Ce serait une honte d'avoir une descendance pareille. »

Boum Boum.

Double Jeu [Levi Ackerman X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant