Chapitre 2

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Elle était partie. Elle s'était enfui de la plage. L'étranger n'avait pas essayé de la retenir. Il n'avait même pas jeté un coup d'œil dans sa direction comme s'il s'attendait à ce qu'elle s'en aille.

Elle n'avait pas pris la peine de lui répondre. Elle voulait absolument savoir de qui il s'agissait.

Son pied se posa sur le plancher en bois de la maison. Il grinça sous son poids, la réprimandant presque d'être encore parmi les vivants. Elle se rappela alors qu'elle n'était pas censée revenir dans cette maison. Ou revenir tout court. Seulement, cet inconnu occupait tout son esprit. Elle ne prit pas le temps de diverger sur le sujet et grippa dans la mezzanine. Ses yeux cherchaient en quatrième vitesse une chose en particulier. Elle attrapa une feuille, la regarda rapidement puis la jeta en arrière. Elle répéta l'opération une nouvelle fois, puis une nouvelle fois, puis encore, et encore, sans succès.

Elle s'écrasa au sol, désespérée. Ses mains tremblantes se joignirent devant son visage mais aucune larmes ne coulaient de ses yeux. Elle avait bien trop pleuré tout à l'heure. Elle ne comprenait pas. Que cherchait-elle ? Pourquoi était-elle encore de ce monde ? Pourquoi cherchait-elle à éviter l'inévitable ? A repousser l'échéance ?

L'image de l'homme de tout à l'heure lui revint alors à l'esprit. Pourquoi était-elle si obnubilée par cette créature ? Qu'avait-elle de si spéciale pour l'empêcher de se laisser aller dans les bras de Morphée pour l'éternité ? Elle ne savait pas. Mais elle voulait le savoir.

Elle regarda autour d'elle. La mezzanine était sens dessus-dessous. De nombreux papiers logeaient au sol comme si le destin en avait décidé ainsi. Des cahiers étaient ouverts où se suivaient quelques mots, parfois quelques phrases, qui lui paraissaient lointains et qui appartenaient au passé. Un passé qu'elle avait laissé tomber en lui tournant le dos il y a bien longtemps.

Soudain, ses yeux azur se posèrent sur un livre en particulier. Il était recouvert d'une toile couleur lavande où étaient inscrits les mots "Photos souvenirs". Elle l'attrapa d'une main hésitante et l'ouvrit. Au fil des pages, des souvenirs lui revinrent, pour certains oubliés jusque-là et pour d'autres qu'elle ne connaissait pas. Elle redécouvrit peu à peu la joie, le bonheur, l'amour que lui portaient certaines personnes. Des personnes importantes à ses yeux. Des personnes qui tenaient à elle, qui la soutenaient, la conseillaient, l'aimaient : sa famille. Voilà ce qui comptait le plus pour elle. Pourtant, elle l'avait oublié, ou plutôt sa mémoire l'avait inconsciemment effacé.

Alors, une nouvelle fois, des larmes coulèrent sur ses joues sans qu'elle ne puisse les arrêter. Elles étaient incontrôlables. Elles glissaient le long de son visage et touchaient le sol en bois laissant des cercles plus foncés sur le plancher. Elle continua de tourner les pages jusqu'à tomber sur un dessin d'enfant. Visiblement cet enfant ne dessinait pas très bien. Cet enfant, c'était aussi elle. Elle se rappela alors de ce dessin qu'elle avait involontairement abandonné dans sa mémoire. Elle le prit dans la main et glissa ses doigts fins sur les traits de crayon.

Elle sourit.

Elle avait compris.

Ses pieds nus s'enfonçaient dans le sable blanc lorsqu'elle arriva sur le bord de mer. L'étranger était toujours là comme s'il l'attendait. Elle s'assit à nouveau à ses côtés et pencha la tête vers lui, un sourire remerciant se dessinant sur ses lèvres gercées. Il se retourna vers elle et lui sourit à son tour.

- Merci, dit-elle dans un souffle.

Il fit un signe de la tête et se retourna vers l'horizon, toujours son sourire bienveillant dessiné sur le visage.

Alors, elle se tourna à son tour vers l'horizon qui lui faisait face, un dessin à la main. Un dessin d'enfant. Un dessin qu'elle avait oublié. Un dessin qui lui était cher.

Chacun avait un passé douloureux qui le faisait souffrir, mais alors que certains le combattaient, d'autres préféraient l'éviter, le renier de leur mémoire. Mais ce faisant, ils oubliaient pourtant des choses qui pouvaient s'avérer être utiles et les aider à surmonter leurs épreuves difficiles. Ils oubliaient parfois ce qu'était que sourire, jouer, rire, s'amuser, s'aimer. Ici, un simple dessin avait réussi à ranimer des souvenirs heureux et avait aidé une personne à se retrouver. Pourtant, il ne représentait qu'un triton assit au bord d'une plage. Seulement, lorsque l'imagination prenait place, plus rien ne pouvait l'arrêter.

Peut-être cette jeune femme n'aurait-elle pas été ici, à se rappeler de tous ces merveilleux souvenirs si cet étranger du bord de mer ne l'avait pas sauvé ? Pourtant, il n'était rien d'autre que le fruit de son imagination. Le fruit d'un dessin d'enfance. Une représentation concrète de son esprit, et parfaite à ses yeux.

- Merci. Merci de m'avoir sauvé.

Un coup de vent glissa sur le visage de la jeune femme et dissipa la jolie créature à ses côtés. Bientôt, l'étranger du bord de mer ne fut plus que poussière. Et dans un souffle, il lui répondit.


                            Je n'ai rien fait.

                                                                                C'est toi qui nous a sauvés.


Mais ça, elle ne le comprit qu'à ce moment-là.

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Hey ! Non, je ne publie pas du tout ce chapitre à 23:17... pourquoi ? :x

L'étranger du bord de merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant