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Ne pouvant en supporter davantage, je me levais avec difficulté et courrus hors de la salle, essayant vainemant de ne bousculer personne. Je poussais les lourdes portes en bois de cette pièce dans laquelle je ne pouvais rester. Je sentais un poids sur mes épaules et la tête me tourner. Dehors, il pleuvait, l'air était lourd et un léger brouillard pesait sur cette petite ville. Les passants me regardaient tandis que de lourdes gouttes vinrent se meller à mes larmes. Je ne pouvais que remercier ce temps qui camouflait ma tristesse, ma peine, ma colère et -même si j'avais du mal à l'admettre- ma culpabilité. Avec le revers de ma veste, je m'essuyais le nez avec la classe inexistante que j'avais. Plus rien ne traversait ma tête et je laissais mes jambes me guider je ne savais où.

Moi qui détestais pourtant que quiconque aperçoit chez moi un signe de faiblesse et qui voulait faire croire que je me foutait de tout, j'étais à l'instant en train de courir dans les rues presque désertes de ma ville, pleurant comme jamais je ne l'avais fait auparavant. Mes jambes pas vraiment musclées continuaient de se mouver, sans moi, comme si une autre personne dirigeait mon corps qui était tremblotant.

Je fixais mes pieds où se trouvaient habituellement mes Vans mais où j'avais occasionnellement mis des chaussures à talons noires. J'avais froid, c'est vrai mais je m'en fichais, plus rien n'aurait d'importance maintenant qu'Izéa était partie. Partie pour toujours. C'était dur de l'admettre, je refusais de faire face à cette réalité. Cette réalité dure et impitoyable qu'est la vie sans ma meilleure amie, mon pilier, mon tout, ma sœur de cœur.

Quand je relevai la tête, lentement comme si cela me demandait un effort phénoménal, j'équarquillais mes yeux rougis et gonflés par les larmes en remarquant l'endroit où je me trouvais. Ma course folle m'avait emmené au parc Bailey, plus précisément sous notre saule pleureur, à Izéa et à moi.

Je m'assieds alors sous l'arbre où ma meilleure amie et moi avons passé tant de bons moments. Mes cheveux habituellement attachés en queue de cheval mais que j'avais détaché et bouclé étaient plaqués dans mon dos et sur mon visage par la pluie. Ma robe noire me collait à la peau ce qui me donnait encore plus froid et me faisait grelotter.

Je me pris la tête entre les mains et sans que je ne le veuille, tous les souvenirs que j'avais avec Izéa refirent surface : notre rencontre sous cet arbre lorsque nous avions cinq ans, nos jeux de dinettes, nos barbies, le jour où nous avons inventé notre tchèque légendaire, le jour où nous stressions pour notre rentrée au collège, nos discussions sur les potins, les activités sportives ou artistiques que nous faisons ensemble, nos discussions sur les garçons, nos préparations du brevet, du bac, de l'université et il était inévitable que je me rappelle de cette préparation de soirée, le dernier souvenir que nous avons passé sous le saule, quelques heures avant sa mort.

Pour le saule pleureur qui ne reverrait jamais Izéa et pour nos souvenirs qui ne devraient vivre que par moi, j'étais désolée.

𝑺𝒐𝒓𝒓𝒚 | ᴺᵒᵘᵛᵉˡˡᵉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant