Chapitre 6 - Haydan

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— Cassie ? Si ma mère appelle, dites-lui que je suis sorti déjeuner et que je ne serai pas disponible avant vingt heures ce soir.

Je marque une seconde de pause, hésitant, une moue sur les lèvres.

— Non, après réflexion, dites-lui plutôt vingt-et-une heures.

Le torse dépassant à moitié de la cloison vitrée de mon bureau, le poing enroulé sur la poignée de la porte, je m'apprête à faire demi-tour pour récupérer ma veste de costume quand Cassie me répond d'un ton amusé :

— Vingt-et-une heures ? C'est quel genre de déjeuner, ça, monsieur Brown ?

Je me fige sur le seuil de mon repaire et hausse un sourcil, surpris. Ce n'est pas dans les habitudes de ma secrétaire de poser ce genre de question personnelle.

— Pardon, se ressaisit-elle en constatant mon trouble, je ne voulais pas dépasser les bornes, ce que je peux être idiote parfois...

Le rouge lui monte aux joues et elle semble sincèrement mortifiée. Je relâche la tension qui s'est emparée de moi et me laisse basculer contre le chambranle de la porte pour m'y appuyer, les bras croisés sur le torse.

— Ce n'est pas une façon convenable de parler de mes employés, Cassie. Je vous serais reconnaissant de surveiller votre langage : quiconque traite mes collaborateurs d'idiots m'insulte au passage.

Sa bouche s'entrouvre un bref instant, puis un sourire éclaire son visage lorsqu'elle comprend la plaisanterie.

— Vous avez raison, je me montrerai plus vigilante. Et pardon pour ma question, c'est juste qu'on aurait dit que vous vouliez échapper à votre mère, et ça m'a fait rire parce que je fais pareil avec la mienne...

Son visage s'empourpre un peu plus et je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour. Cassie a toujours été chaleureuse, mais c'est rare de la voir se confier de la sorte. Il faut dire que je ne suis pas un public facile, aussi. Je suis le patron. Et l'héritier d'une des familles les plus puissantes de San Francisco. Les gens préfèrent généralement s'en tenir à des échanges cordiaux, les plus neutres possibles, pour s'assurer de rester dans mes bonnes grâces. Et moi, j'ai beau faire de mon mieux pour échanger avec chacun de mes salariés, je me dois de conserver une certaine distance en toute occasion. Un masque de rigueur et d'impassibilité qui assure leur respect. Justement parce que je suis un héritier. Cheef-Express, c'est mon bébé, le royaume que j'ai créé pour régner sans l'ombre de quiconque. Alors ma plus grande peur, c'est qu'on me prenne pour un arriviste, un gosse à qui on aurait confié un jouet trop grand pour lui juste pour calmer un caprice. Même si je suis certain que, dans d'autres circonstances, j'aurais pu m'entendre à merveille avec certains de mes collaborateurs, je ne peux pas me permettre de devenir le copain de tout le monde.

— Et c'est exactement ce que j'essaie de faire, Mademoiselle Moore.

Un léger gloussement lui échappe et elle m'envoie un regard entendu, avant de se reconcentrer sur ses dossiers en cours. Je recule dans mon bureau pour récupérer ma veste, mon téléphone et mes clefs de voiture, puis je file en direction de l'ascenseur.

— Ne croyez pas que je fais l'école buissonnière, je serai de retour d'ici deux heures, lancé-je à la jolie rousse avec un clin d'œil.

Les portes métalliques s'ouvrent et je m'y engouffre tout en ajustant ma veste sur mes épaules. Le regard doré de Cassie me suit jusqu'à leur fermeture et j'essaie tant bien que mal de refouler la vague de désir qui monte en moi. Ce n'est pas le moment de laisser libre cours à mes pensées lubriques. Je dois rester concentré sur mon objectif : trouver une cavalière pour ce fichu mariage.

Tinder Love {Tous droits réservés à Peach Miller}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant