Ne laisse pas la peur te restreindre

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Ça faisait combien de temps ? Je n'en avais aucune idée. Le temps s'était comme arrêté.
J'étais là, complétement immobile, incapable d'esquisser le moindre geste, avec cette femme derrière moi, juste à quelques centimètres de mon corps.
Je sentais son regard me transpercer, et des gouttes de sueur perlaient sur mon front, causées par la terreur. Je n'osais même pas respirer.
La menace qui se trouvait derrière moi était transperçante. Je sentais la mort, sa présence, prête à frapper à tout instant.
- Enfin, je ne compte pas pour autant désobéir au maître. Considère ça comme un moment de sursis pour toi.
Je sentis son corps se détacher du mien, et, la pression se relâchant, je m'effondrais à genoux en pouvant respirer de nouveau. Je n'avais jamais senti une telle menace peser sur mes épaules, tout mon être était bloqué par la peur. Ses pas commencèrent à s'éloigner, lorsqu'avec beaucoup de difficultés, je parvins à murmurer d'une voix tremblante, sans savoir pourquoi je me mettais soudain à parler.
- Ce n'était pas un idiot...
Plus aucun bruit. Rien que la brise du vent et ma respiration lourde ne venait remplir ce silence terrifiant. Elle s'était arrêtée.
- Je ne peux pas laisser quiconque dire ça... continuai-je avec terreur, les yeux écarquillés.
Arrête. Elle va te tuer.
- Je refuse que l'on dise du mal de lui. Ce n'était pas un idiot. C'était mon père. Il m'a donné l'envie sincère de vivre après tout ce qui était arrivé, sans jamais chercher à en savoir plus. Il voulait simplement que je sois heureuse...
Alors que je m'étais arrêtée pour reprendre mon souffle, je me rendis compte que le bruit des pas avait repris. Vers moi.
Ça suffit ! Tu vas mourir !
Mais les mots sortaient malgré tout, comme si dire tout ce que j'avais sur le cœur devenait vital pour moi.
- Je ne comprends pas, m'écriai-je les larmes aux yeux, Comment tout ça a pu arriver ! Comment tout s'est effondré en un instant ! Ni pourquoi tu as changé d'un seul coup ! Je voulais juste continuer à vivre heureuse... Je ne comprends pas ce qui s'est passé...
Je me tus, le souffle court. Je tournai le dos au pilier, et je ne parvenais pas du tout à la repérer, ce qui accentuait mon angoisse. Elle avait cessé de marcher, et j'avais l'impression d'avoir littéralement une lame sous la gorge tellement sa présence me terrifiait.
- Tu ne comprends pas ?
Je me figeai.
Soudain, un bruit résonna dans le silence de la nuit. Un petit bruit semblant être étouffé. Je me retournai et vit cette femme, juste devant moi, en train de rire de plus en plus fort.
C'était un rire fou, qui n'avait rien à voir avec le rire cristallin qui la caractérisait pour moi. Il alla encore en s'accentuant, ce qui eut pour effet de me terrifier plus que je ne l'étais déjà.
- Va savoir, s'exclama-t-elle avec une voix terrifiante, J'ai peut-être bien perdu la raison cette nuit-là ! Voir tous ces cadavres couplé à la douleur et à la fatigue à certainement dû me rendre folle !
- C-comment ça ? demandais-je en me redressant tant bien que mal.
Le pilier cessa de rire et se remit à me fixer.
- Tu ne t'en souviens pas ? Kibutsuji n'est pas le seul démon que nous avons dû fuir après cette nuit de massacre. La nuit suivant notre fuite, tu étais déjà pratiquement morte à cause de ta blessure, quand deux des sbires de ce monstre nous ont rattrapées. Libre à toi de te faire ta propre interprétation, mais pour moi, c'est à ce moment-là que tu es morte, ou que j'ai perdu la raison à cause du poison. Choisis ta propre version des faits.
- Le poison ?! m'exclamais-je.
Un souvenir fugace me revint alors, et je me figeai, les yeux dans le vague.
Elle était là, à essayer de me récupérer, à tenter fébrilement de me sauver, lorsque son si joli visage fut traversé d'un trait de sang, du haut de son front jusqu'en dessous de son œil gauche. Elle se recroquevilla sur elle-même en criant, pendant que je hurlais de toutes mes forces, voulant la rejoindre.
Je voulais la protéger.
Mais comment je pouvais faire, à quatre ans, face à deux monstres ?
Je ne m'étais pas posé cette question. Tous mes sentiments se sont effacés pour laisser place à une colère intense et brûlante.
Je n'avais rien pu faire. Tout le monde était mort.
Et maintenant on voulait m'arracher à elle, on la blessait devant moi, détruisant un visage qui brillait d'une telle beauté et innocence il n'y a pas si longtemps.
Je la protégerais. Personne ne la touchera plus. Je la sauverais.
Même au prix de mon humanité.
- On dirait que la mémoire t'est revenue.
Je redressai la tête, et laissai échapper un hoquet d'horreur. Le masque qu'elle portait n'était plus là, elle l'avait enlevé. Ses yeux (c/y) étaient injectés de sang, et ses cheveux (c/c) étaient coupés au plus court possible. Mais ce qui m'horrifia le plus était l'énorme protubérance qui traversait son visage, partant du côté droit de son front jusqu'en bas du côté gauche de son visage. Au même endroit que la blessure qu'elle s'était faite cette nuit-là.
- Ce n'est pas joli à voir hein ? continua-t-elle en me fixant de ses yeux injectés de sang, Et encore, si ce n'était que ça... J'ai eu de la chance, si on peut appeler ça de la chance, de ne pas mourir du poison que ce démon m'a injecté à travers cette blessure, mais la douleur ne s'est jamais dissipée et est toujours très bien ancrée dans ma tête.
Je regardais cette femme, les yeux exorbités, sans savoir quoi dire. Cette dernière remit son masque, avant de me faire face de nouveau.
- Le maître a beau dire que tu mérites de faire partie des pourfendeurs, et même de vivre, saches que je ne ressens que de la haine dès que je te vois.
Ses mots me transpercèrent la peau.
- Je respecterais son souhait de ne pas te maltraiter, continua la femme, Mais n'attends rien de moi. La seule chose que je souhaite, c'est ta mort et celle de Kibutsuji, alors ne vas pas essayer quoi que ce soit. Moins je te verrai, mieux je me sentirais. J'aurais ainsi l'impression que tu n'as jamais existé.
Et, sur ses dernières paroles, elle disparut. En un instant, la pression et la peur qui pesait sur mes épaules s'évapora, et je me recroquevillai sur moi-même, le soulagement s'accompagnant de larmes qui dévalèrent mes joues.
Papa... Je lui ai tenu tête, tu as vu ?
Je me rendis alors compte d'une chose. Au fond de moi, dissimulée derrière la peur et la pression lorsque j'étais face à cette femme, se cachait une autre émotion.
J'étais heureuse.
Heureuse qu'elle soit en vie.

KIMETSU NO YAIBA : Les liens tissés par le temps (Girl Version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant