La jeune humaine

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/!\ Il y a deux chapitres /!\

La jeune humaine dansait avec son époux devant la cour toute entière. Ses mouvements étaient des plus gracieux, sa beauté n'avait d'égal : chaque homme se perdait dans ses grands yeux bleus, bleus comme l'océan. Son sourire, plein de gentillesse et de tendresse, rendait bon le cœur du plus cruel monstre. Ses longs cheveux semblaient onduler comme la mer à sa surface. Vêtue d'une robe nacre, elle ressemblait à une Vénus sortie d'un coquillage, mettant pied sur une plage pour rejoindre le monde des Hommes.

Son époux, le prince, se plaisait à la comparer à ce célèbre tableau du peintre Botticelli. Comme cette Vénus, sa femme était apparue nue, près d'une plage, couverte par ses longs cheveux. Il n'avait jamais compris les circonstances autour de son apparition car la jeune fille ne pouvait parler : pour voix, elle n'avait que ses yeux pour s'exprimer. Certes, après leur mariage, il lui avait appris à écrire. Mais comment pouvait-il croire que sa femme était une sirène qui avait renié son origine pour lui, comme elle le lui avait écrit?

La robe cachait les longues jambes de la future reine de ce royaume, ces mêmes jambes pour lesquelles elle avait dû tant sacrifier : renier sa nature, remplacer sa queue de poisson, perdre sa voix si angélique, afin de vivre aux côtés du prince.

Mais encore, son sort n'aurait été si cruel si la sorcière des Mers n'avait pas imposé qu'il lui semble marcher sur des lames aiguisées et du verre tranchant au moindre de ses pas.

L'ancienne sirène avait pensé qu'après avoir acquis l'amour du prince en l'épousant, la douleur disparaitrait. Mais cela n'était pas arrivé. Des mois s'étaient écoulés depuis le jour qui aurait dû être le plus heureux de sa vie et elle souffrait toujours, même plus. En effet, jusque-là, la peur de se transformer en écume en n'obtenant pas l'amour de son prince lui avait fait oublier son tourment. Qu'est-ce que cela pouvait faire de souffrir si celui qu'elle adorait venait à l'aimer ? Mais à présent, son souhait le plus cher atteint, la douleur la poursuivait toujours.

Alors elle tentait de l'oublier : le sourire que son mari lui adressait pansait ses blessures invisibles pour quelques secondes. Mais dès qu'il détournait les yeux, la souffrance revenait. Alors valser était l'une des solutions pour l'apaiser : certes, le sol de marbre de la salle de bal lui semblait fait en verre brisé, certes, ses pieds fendaient la terre bien plus rapidement, mais dans l'étreinte du prince, lorsqu'il ne voyait qu'elle le temps d'une danse, elle était bien.

La dernière note s'estompa et le prince la ramena à la table royale où trônait le roi veuf.

— Mon enfant, comme toujours, vous êtes la plus belle, la complimenta son beau-père tandis que la jeune fille s'asseyait.

Pour toute réponse, elle sourit et son sourire ravit la cour entière, tant que personne ne fit attention à ses grands yeux bleus, bleus comme la mer chagrinée lorsque des nuages cachent le soleil. Personne ne fit attention aux larmes qui menaçaient de couler, tous concentrés sur les paroles du prince inconscient de la douleur de sa bien-aimée.

Celle-ci n'entendait pas les éloges qu'il lui adressait : tous ses sens n'étaient réduits qu'au toucher. Elle ne sentait que ses pieds contre le sol. Quand bien même elle ne le touchait pas, ses pieds continuaient de saigner sans qu'aucune goutte de sang n'en tombe. Elle ferma les yeux et une unique larme roula le long de sa joue : elle souffrirait en silence, comme toujours.

Des serveurs arrivèrent et l'on servit à la riche assemblée les plats les plus raffinés : la viande était certes au rendez-vous mais le roi ne manqua pas de montrer sa richesse avec des esturgeons, des poissons rares ou encore des crabes cuisinés de la meilleure des façons.

Et si la petite sirène avait épousé son prince ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant