- Cybèle -

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Noir, noir absolu. Froid. Engourdissement. Sons, odeurs, sensations, toucher, douleurs, vision, noir mais pas si absolu, étoiles.

Les couleurs sont vagues. Les images arrivent par grands étalements et trainées flous. Les lumières sont étincelantes, éblouissantes. Flashs de rouge, d'orange, de bleu, de blanc. Les sons bruissent, étouffés et lointains. La douleur, elle, est présente, tordante, insupportable, pénétrante. Pestilence et métal, acide, nausée, sang.

Réveil.
Les yeux bougent sous les paupières clauses. Ce qui frappe en premier dans ce visage c'est sa pâleur, entre le blanc et le gris. D'une tel froideur qu'elle semble être de marbre. Comme si toutes traces de sang avaient disparu de ce doux visage carré, les traits fin mais aux sourcils épais. Les paupières clause elle est sereine et cadavérique. La lumière est présente dans la pièce. Le lit au matelas défoncé et puant est chaud, d'une douce chaleur, comme un cocon. Une odeur d'azalée envahie la pièce. Les draps rêches, sous sa peau nue, l'irrite. Elle déplace ça main pour se gratter. Sa main est douce et chaude. Une légère douleur surpasse l'irritation en quelques coups de griffes. Cette sensation est étrange. Plein de choses sont étranges. A l'extérieur, des chiens aboient, des poules caquettent, une voiture démarre en pétaradant, des enfants crient en jouant au ballon. A proximité, une femme tousse pour décrocher un glaire du fond de sa gorge. Elle crache.
A droite le matelas bouge, un poids se déplace. Une main calleuse glisse du front au menton. Elle marmonne quelques mots "Garde encore les yeux fermés".
Le matelas bouge à nouveau. Un bruit de rideau qu'on tire. La lumière est moins éblouissante.
- Tu peux ouvrir les yeux maintenant, le royaume des morts n'a pas voulu de toi !
Tout doucement elle ouvre les yeux, avec précaution, hésitation. Des yeux gris, non pas que ces pupilles soient grises mais parce qu'il y a un sorte de voile qui terni son regard. Cela lui donne un regard fatigué, mélancolique presque. Ce regard est comme son
visage, glacial. Malgré la lumière vive du soleil qui arrive à traverser les rideaux percés, l'ambiance est grise. Gris de cendre, gris monotone, sans énergie, lassitude.
Des toiles d'araignées couvertes de poussière pendent dans les recoins visibles depuis le lit. Une femme vieille à la peau comme l'écorce d'un arbre se tiens assise sur le lit. Le regard dans le visage de la femme couchée dans le lit.
- Cela fait trois jour que tu dors et le monde a bien changé...
- Hum...
- Ne dit rien, tu n'es pas encore tirée d'affaires, mais des esprits puissants t'accompagnent...
Elle crache à nouveau, se lève difficilement du lit et se dirige vers la porte de la caravane en claudiquant.
- Jal va prévenir Bella "qu'elle" est réveillée ! hurle-t-elle.
Elle retourne s'assoir auprès de la femme et lui passe à nouveau la main sur son visage.

La lumière est tamisée. Il fait presque nuit. La lumière roses et violette du couchant inonde l'espace. Les odeurs ont pris une note florale, la pièce resplendi maintenant. Non pas qu'elle ait changé de couleur mais par la présence d'une nouvelle femme tout aussi vieille et ridée que l'autre. Il émane de celle-ci une énergie scintillante et vibrante qui laisse la jeune femme dans l'expectative.
- Bienvenue Ester. Ici on m'appelle Bella. Que de chemins as-tu parcouru pour venir jusqu'ici ! Ton véhicule est bien endommagé, tu devrais prendre plus soins de lui...
Ester allait pour parler, mais la vieille femme fit un signe d'apaisement pour qu'elle puisse finir.
- Non, je ne sait pas tout, tu m'en toucheras un mot si tu le trouves nécessaire, néanmoins sache déjà que je sais beaucoup de choses sur toi.
- Où suis-je ? Et vous... Parvint-elle à dire avec difficulté.
- Tu étais en bien piteux état ma belle. Tu devrais prendre plus soin de ton véhicule d'autant plus si tu as une mission à accomplir parmi les mortels... Tes blessures n'étaient pas bénigne. Avec une grande tendresse elle lui passe la main dans ces cheveux noir de geais. J'ai dû aider ton véhicule à se remettre. Par la suite il devra compter sur toi sinon il rejoindra définitivement sa place dans sa tombe. Elle fait glisser sa main sur le front de la jeune femme. Entre temps je vais continuer à l'aider à se remettre, jusqu'à ce que tu puisses prendre la suite !
Elle descendis sa main sur le visage d'Ester. Elle ferma les yeux et s'endormit.

La pièce a à nouveau changé, le plafond est composé de boiseries de diverses couleurs et épaisseurs formant une sorte de mosaïque à la géométrie désorganisée. L'odeur est florale. Le lit est chaud et ferme. Le regard d'Ester est attiré par un mouvement sur sa gauche. C'est avec difficulté qu'elle tourne la tête. Ces yeux s'écarquillent lorsqu'elle voit une femme d'une grande beauté dont le visage ne lui est pas inconnu. Elle cligne des yeux et voit celle qui se nomme Bella, vieille femme ratatinée, décrépie et sans âge mais dont une énergie formidable émane, se mirant devant une psyché. La vieille femme se retourne.
- Ha ! Ester, te voilà enfin réveillée !
Elle quitte le miroir et viens la rejoindre en claudiquant.
- Ne t'inquiète pas ma chérie, ce n'est qu'un charme pour resté au milieu des hommes. Ainsi en ai-je décidé ! Et oui c'est bien étrange que de prendre cette forme, mais à la longue ce n'est pas si mal !
- Tu sais bien des choses sur moi, mais j'en connais si peu sur toi. Qui est-tu ?
- En effet, nos présentations furent bien brèves l'autre jour. Je suis ta grand mère, en fait je suis la Grand-Mère ! La Magna Mater deorum Idaea...
- ... Cy... Cybe... Cybèle ! La stupeur se lisait sur le visage d'Ester.
- Oui mon enfant, Cybèle.
- Mais tu avais disparu depuis si longtemps, on disait que tu avais rejoint le grand tout! Depuis combien de temps es-tu ici, parmi les mortels ?
- Cela fait bien longtemps, ma chérie. Plus de 3000 ans des mortels. Bien sûr je n'ai pas toujours eu cette tête, dit-elle avec un grand sourire édenté et ses petits yeux plein de malice s'illuminaient. Elle s'assied sur le lit.
- Je pense qu'il est temps pour toi de reprendre contact avec nous et que tu te relie à ce corps. Ferme les yeux... Inspire profondément, expire doucement, ressent, écoute, sent, respire, ressent, ... Ressent la vie qui revient dans ce corps, oui c'est cela ressent les énergies de l'univers... tout cela c'est moi, c'est aussi ta mère. Et toi aussi un petit peu ! Finit-elle par dire moqueuse.
Ester tousse, écarquille les yeux, Elle est envahie par des milliers de scintillements, or, rouge, pourpre, orange. C'est comme si elle sortait d'une apnée profond.
Son corps se cabre et s'abat violemment sur le lit. Elle s'agrippe aux draps comme une bouée de sauvetage, ces membres frappent le lit et son corps avec violence. L'air afflux dans ces poumons, le lien avec l'âme défunte se rétabli comme si on avait appuyé sur un interrupteur dans une pièce noire. L'éclat éblouissant de ce lien, des souvenirs, frappe contre ces tempes. Elle crie comme si c'était son premier cri, un cri primal, de nouveau né. L'univers rempli le vide qui a été crée il y a quelques jours de cela par la mort d'Eloïza Oskary. Son corps s'affaisse dans le lit, paraissant sans vie. Bella lui passa la main dans les cheveux avec tendresse.
- Est-ce que tu sens sa présence, celle de ta mère et la mienne en cet instant ? Sens-tu que nous sommes là... Nous sommes là, présentes et en même temps je suis là en face de toi. Nous sommes infinies et à la fois nous avons choisi un corps, cela ne nous fait pas disparaître pour autant.
Ester ouvre à nouveau les yeux. Elle tente de calmer sa respiration. Elle est couverte de sueur. Son visage de marbre prend des couleurs, elle devient vivante.
- Oui voilà, nous sommes toutes là, présentes et nos histoires se croisent sur cette route. Ester toussa une nouvelle fois, grommela quelque chose de quasiment incompréhensible. Se remit à tousser, s'éclaircit la gorge, tendis la main vers la vieille femme et parla doucement.
- Merci Grand-Mère ! Merci pour ton aide, parce que je pense que je n'aurai su par où commencer dans ce monde, dans ce véhicule...
- N'oublie pas, ce corps n'est pas en vie, c'est toi qui lui donne l'apparence de la vie. Dit-elle doctement. Cela sera important lors de tes interactions avec les mortels Maintenant repose toi, nous reparlerons plus tard ! Une nouvelle fois Bella passe sa main sur le visage d'Ester. Puis l'embrassa sur le front.

Ester - ΕΣΤΕΡOù les histoires vivent. Découvrez maintenant