Loup-garou

Chapitre 2

Un vote. Il ne manquait plus que ça. Décider à la place de la nature de qui resterait en vie ou non, rajouter plus de morts encore que nous n'en avons déjà. Du regard, je cherchai Olympe, Adam, Axel, Aïcha, perdue.

Je me souviens dans notre enfance à l'école, Aïcha excellait dans toutes matières surtout scientifiques. Il m'aidait beaucoup dans mes devoirs et travaux à l'époque. En cours, il s'ennuyait et dormait avant de simplement donner la réponse. Aujourd'hui il est ingénieur. Je suis tellement fière de lui, je l'aurais bien vu professeur, « mais il n'est peut-être pas assez patient. » disaient les autres, pourtant avec moi il savait l'être. Dans le village – et je suppose que c'est partout pareil, on nous choisit une profession utile aux autres. Il y a des couturiers et tisserands, des médecins et infirmiers, une milice locale, des ingénieurs, des agriculteurs...et il y a nous, ma mère et moi, à la bibliothèque. Nous sommes mal vus par le peuple comme par le comité de l'éthique pour deux raisons totalement différentes. La plupart des gens nous trouvent tout simplement inutiles et de leur côté le comité craint les savoirs que nous gardons dans les livres anciens. Beaucoup de livres du passé ont été détruits par eux et désormais il est interdit d'en écrire de nouveaux à part les livres d'Histoire validés par le comité.

Il faut dire que mon père et ma mère forment un couple inédit. Un membre du comité de l'éthique avec sa politique conservatrice mais novatrice de savoir et une membre de la bibliothèque qui voulait voir les choses changer mais aussi récupérer les anciens écrits et savoirs.

Dans la foule, Aïcha m'agrippa la main sans rien dire à part : « Lou...retourne à la bibliothèque. » J'ai avalé ma salive avant de découvrir son visage fatigué et cerné par les heures de travail et le manque de sommeil. Choquée, je n'ai rien osé dire de plus, j'ai rejoint ma mère à pied et nous avons poursuivi notre travail à la bibliothèque consistant à classer et encore classer des archives et proposer divers documents à nos rares visiteurs.

A la fin de mon service, il devait comme toujours me rester une ou deux heures avant le couvre-feu, je décidai donc d'aller chercher les autres pour faire une réunion à l'ancienne comme nous en faisions par le passé. Nous le faisions pour décider de chaque chose : les équipes de football pour dans la cour de récréation, les binômes d'exposés de lycée, si nous allions laisser la vie sauve à la sauterelle capturée...vraiment pour tout et rien à la fois. Cela faisait tellement longtemps qu'on ne s'était pas tous réunis, nous avions chacun notre rôle dans la société et nous nous étions éloignés progressivement en une bonne année. J'allai donc d'un pas décidé vers les ateliers des ingénieurs chercher Aïcha, puisqu'il travaillait tant. Hélas, cet atelier est à l'opposé de la bibliothèque mais j'étais prête à prendre le risque de braver légèrement le couvre-feu, c'était un cas d'urgence. En arrivant sur place, Olympe y était déjà, elle avait eu la même idée que moi.

Et quelle surprise avons nous eu d'y trouver aussi Axel !

- Je...je suis en mission, on m'a commandé des dessins réalistes pour les ingénieurs

L'un des rares métiers dits artistiques qui demeuraient dans le village était dessinateur, ce que faisait Axel. Il est le seul du village – son prédécesseur étant retraité et mort dévoré par les loups. Enfin, il ne manquait plus qu'Adam, mais justement, il manquait Adam. Chaque individu du groupe est une personne clé. Soudain, la première musique d'alerte du couvre-feu approchant retentit. Et mince, je n'aurai pas réussi à réunir tout le monde avec mon fichu travail à la bibliothèque. A la fois j'aime ce que je fais, mais parfois c'est redondant de trier des documents au ton de lecture édulcoré par rapport à ma pensée, est-ce que tous les gens pensent comme cela ? Finalement, comme un miracle, la milice était dans le coin et qui dit miliciens dit Adam.