Chapitre 3.

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Quand j'ai réalisé que j'avais des troubles alimentaires, la première phrase que je me suis dite, c'est: "Je suis beaucoup trop grosse pour avoir ça. C'est impossible." Et je le pense encore à l'heure d'aujourd'hui malgré, que je connaisse très bien les définitions d'anorexique, boulimique ou autre. C'est dur d'admettre ça. Vraiment. Chaque jour, je me regarde dans le miroir avec, parfois, les larmes aux yeux. Je vois l'horrible fille que je suis. Je vois la chose que je hais le plus au monde. C'est aussi triste de se rendre compte qu'on ne vit plus. Qu'on est morts à l'intérieur. Que en verité, on survit. Sûrement pour rien mais on le fait quand même. 

J'aimerai quand parfois, certains comprennent que je mens parce que je ne veux pas qu'ils sachent combien tout ça me détruit. Je veux pas voir de la pitié sur leur visage. Je ne veux plus. Qu'ils sachent que l'endroit le plus sombre que j'ai jamais vu est à l'intérieur de moi et que plus rien ne me fait peur maintenant. A part, peut-être moi même. Qu'ils sachent que je sais que je suis la personne que tout le monde remplace à un moment donné. Que ma plus grande peur est que éventuellement, ils finissent par me voir de la façon dont moi même je me vois. Que je suis désolée d'être stupide au point de ne pas savoir quoi dire pour les faire rester près de moi. Que parfois, ils soient gentils avec moi parce que, de temps en temps, je deviens triste sans aucune raison. Que ça arrive que je puisse avoir peur d'être joyeuse parce qu'à chaque fois que je le suis, il y a quelque chose qui ne va pas. Que je me déteste à cause d'eux. Que je compare toujours les autres filles avec moi. Que parfois, j'hésite entre crier pour avoir de l'aide ou tout simplement, me tuer. Que c'est strictement impossible qu'ils puissent imaginer combien je me hais. Que je suis juste perdue. Que je sais que je ne suis jamais le premier choix, la personne favorite même si on me dit que je suis important à leurs yeux parce que je sais que y a toujours quelqu'un d'autre qu'ils aimeront deux fois plus. Et surtout que j'aime la pluie car les gens tristes comme moi, ne sont pas seuls à pleurer.

Je hais mon ventre et mes cuisses. Je hais mes cheveux et mes dents. Je hais la façon dont mes vetements ont l'air sur moi. Je hais ma voix. Je hais comment je parle aux gens. Je hais ma personnalité. Je hais le fait que ça soit toujours ma faute. Je hais le fait que je m'inquiète trop pour les autres. Je hais le fait que je ne suis pas assez intelligente. Je hais le fait que je ne serais jamais assez bien pour quelqu'un. Je hais le fait que je ne peux faire confiance à quelqu'un. Je voudrais juste être la fille que je ne suis pas. Même que parfois, j'aimerai me sentir différente, juste pour une personne. J'aimerai juste qu'une personne m'aime différemment. Une personne qui pense à moi en premier quand elle se lève ou s'endort. J'aimerai chambouler la vie de quelqu'un. J'aimerai être celle qui se différencie des autres. Etre celle qu'on aime parmi toutes les autres.

Je réalise qu'être adolescent, c'est se rendre compte que la vie n'est pas aussi parfaite qu'on pensait. Et c'est sûrement ça le truc le plus dur à avaler. Je sais aussi que je ne suis pas seule à avoir ce genre de problèmes. Il y a certaines filles qui n'ont mangées que 3 pommes en deux mois, que certaines prie le soir avant d'aller dormir pour espérer de ne pas se réveiller le lendemain, d'autres utilisent des couteaux, des lames ou des ciseaux et se coupent la peau chaque jour. Certaines se font battre, violer, vomissent plusieurs fois par jour pour ne plus grossir, alors que d'autres n'ont pas sourit depuis des mois. Et surtout, ces filles là ne seront plus jamais comme avant. Je suis comme elles. Ce sont comme mes soeurs et je me force à essayer de les aider, de les protéger. 

L'appel.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant