Prologue

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La pâleur du jour commençait à poindre à l'horizon, découpant la silhouette des arbres un à un sur un ciel dans lequel les étoiles s'estompaient lentement. La chouette qui se faisait entendre la veille ne chantait plus, de même que les grattements des écureuils dans les arbres avaient disparu. Les flammes du petit foyer s'étaient éteintes et avaient laissé des braises encore tièdes d'où s'échappait une légère odeur de fumée. Un sombre contour se détacha lentement de la forêt encore noire de la nuit, une masse noire, recroquevillée sur elle-même et qui se soulevait et s'abaissait au rythme de sa respiration.

La silhouette poussa un long soupir, puis se déplia. C'était un homme d'âge mûr, approchant de la cinquantaine, vêtu d'une large cape de voyage dont il s'était emmitouflé dans son sommeil et qui couvrait une tenue sombre qui luisait pourtant aux premières lueurs du jour. Il se releva pour observer l'aube naissante de ses yeux marron en amande d'une grande douceur. Ses cheveux noirs mi-longs étaient retenus en catogan et ne laissaient point deviner son âge, seule sa barbe drue commençait à se parsemer de blanc. De son pied, il recouvrit les braises de terre et reprit sa route, solitaire.

Duncan avait eu un pressentiment et il fallait qu'il le vérifiât par lui-même. Il les avait entendues. La Chantrie leur enseignait que c'était l'orgueil des hommes qui jadis avait créé les engeances. Les mages avaient aspiré à conquérir le ciel... et ils l'avaient anéanti. En châtiment, les dieux leur avaient infligé la souillure de leur propre corruption. Ils s'étaient tournés en monstres : les premières engeances. Elles avaient engendré un Enclin, une force implacable et destructrice. Les royaumes nains avaient été les premiers à tomber, et depuis les Tréfonds, les engeances les avaient harcelés encore et encore, jusqu'à les acculer au bord du gouffre.

Alors étaient nés les Gardes des Ombres. Hommes et femmes de toutes races, guerriers et mages, barbares et rois, ils ne reculèrent devant aucun sacrifice pour repousser les ténèbres, et ils avaient triomphé.

Depuis cette victoire, ils n'avaient de cesse de scruter l'obscurité. Ils attendaient le retour de l'engeance. Hélas, ceux qui jadis les portaient aux nues avaient oublié. Leurs rangs étaient clairsemés, et leurs mises en garde trop souvent ignorées. Duncan avait pourtant entendu leur appel. Il voulait en être sûr.

Il sortit de la forêt et s'approcha d'une petite ravine du haut de laquelle il put avoir une vue imprenable sur une horde de ces engeances qui se dirigeaient vers le Royaume de Férelden. Elles étaient toutes plus laides les unes que les autres, des ogres immenses faisaient trembler le sol de leurs pas lourds tandis que la vallée fourmillait d'engeances plus petites, armées d'épées, de boucliers et d'arc en os, toutes sorties des Tréfonds et muées par la force invisible que représentait l'Enclin. La horde semblait n'avoir aucune fin tellement le nombre d'engeances était grand.

Duncan recula lentement afin de retourner dans l'obscurité de la forêt lorsque deux engeances le surprirent par derrière. Elles étaient effrayantes, leur corps décharné et pestilentiel était recouvert d'une armure de cuir griffée et suintante de leur propre sang corrompu tandis que la mâchoire de l'un, à moitié décrochée, pendait lamentablement, allongeant sa face putride. Le second allait pousser un cri pour alerter les autres lorsque Duncan lui planta un poignard dans la gorge, étouffant son hurlement qui se transforma en un borborygme sanglant. Avec la même agilité et la même vitesse, il dégaina une longue épée d'argent qu'il portait au côté et asséna un coup mortel à la deuxième engeance qui était restée stupéfaite devant la vivacité de leur ennemi. L'engeance tomba à terre, puis Duncan, afin de ne pas alerter la horde, transperça son adversaire de sa lame en plein cœur. En silence, il essuya consciencieusement la lame de son épée et la rangea dans son fourreau, puis fit de même pour le poignard resté planté dans la gorge de la première engeance.

Duncan se releva et se retira dans l'ombre du bois en se couvrant à nouveau de sa large cape de voyage. Peut-être était-il déjà trop tard, car il avait vu de ses yeux ce que réservait l'avenir.

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L'ère du dragon - OriginesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant