Allongée sur le canapé, sa tête reposant sur mes genoux, elle ne peut se détacher de l'écran de télévision qui diffuse un documentaire sur la faune et la flore marine. La main dans ses cheveux, je ne suis que très peu intéressé par ce que raconte la voix off du reportage. Au lieu de regarder l'écran, je me perds dans la contemplation de son joli minois. Ses joues rebondies sont à croquées. Mais ce que j'aime le plus dans ce que j'observe, ce sont ses yeux. De magnifiques yeux en amandes aux iris d'un brun lumineux. J'aime les voir pétiller comme en cet instant. J'aime les voir même s'ils sont noirs de colère -j'avoue avoir quelque peu peur dans ces cas-là. J'aime voir la joie se peindre sur son visage. J'aime voir et pouvoir lire son indignation face à des situations qu'elle juge injustes. J'aime voir ses sourcils se froncer d'incompréhension. J'aime voir ses sourcils et son nez se froncer et se retrousser lorsqu'elle est en colère. J'aime voir ses lèvres bouger dans tous les sens quand elle s'ennuie. J'aime voir comment ses fins doigts s'agitent lors de la confection de l'une de ses complexes coiffures. J'aime voir comment ses longs cheveux tombent librement sur ses épaules. J'aime voir comment l'ébène de sa chevelure contraste avec la pâleur de ma main. J'aime voir comment ses doigts parcours le clavier du piano lorsqu'elle me joue Wyden Down de Riopy. J'aime voir comment elle s'investit corps et âme lorsqu'elle joue. J'aime voir comment elle vit. J'aime Line tout simplement.
Le générique du documentaire est en train de défiler sur une image de fond marin lorsque Line se lève. Elle éteint le téléviseur puis se rend dans sa chambre. De mon côté, je range ma tasse de thé qui traine. Une fois dans sa chambre, je fouille dans mon sac à la recherche de mon pyjama. Ce grand t-shirt enfilé, je libère ma rousse crinière de sa prison d'élastiques. Elle s'est endormie avant même que je ne la rejoigne dans son lit et je me vois obligée de la pousser légèrement pour me faire une place. Ma tête touche à peine l'oreiller que je tombe dans les bras de Morphée.
Lorsque je me réveille, je suis en sueur et un corps est collé au miens. Je sais qu'elle recherche la chaleur humaine quand elle dort alors je ne lui dis jamais rien. Et puis elle est si sereine, si calme que je ne veux pas la réveiller. Mais j'ai vraiment trop chaud ! Alors, avec la plus grande délicatesse, je l'écarte de moi et moi lève sans bruit.
Comme la machine à café est trop bruyante, je décide de simplement boire un verre de jus dans le canapé. Ayant oublié mon livre dans mon sac, je le récupère sur la pointe des pieds.
Je suis tirée de ma lecture par la bouilloire. Je me retourne alors soudainement et la voit ; emmitouflée dans son plaid, elle attend patiemment. Je la rejoins et m'installe à table, en face d'elle. Déjà pleine d'énergie, elle me raconte, à grand renfort de gestes, le rêve absurde qu'elle a fait cette nuit. Nous rions fort et beaucoup. Malheureusement, je dois partir. Je quitte son appartement à regret puis monte dans ma voiture et démarre, le moral plutôt bas. Le trajet se fait tout d'abord en silence, me laissant seule avec mes pensées. Dans cet état, il n'est pas bon pour moi de trop réfléchir alors je m'arrête sur la bande d'arrêt d'urgence. Je connecte mon téléphone à la radio et lance un mix de Bring Me The Horizon. Je redémarre et, pour évacuer ce "trop plein" d'émotion, je chante haut, fort et sûrement faux. Sur le coup ça va mieux.
Cela fait maintenant presque trois mois et demi que je ne me sens pas bien. J'ai comme un mauvais pressentiment. Il me donne envie de pleurer pour un oui ou pour un non. Au début, j'ai pensé à mes règles. Mais ça ne peut pas être que ça : je suis dans cet état depuis trop longtemps pour que ça ne soit que mes règles. Et puis elles ne me mettraient pas dans cet état-là, à ne plus avoir l'énergie pour rien, plus l'envie de rien. Même de manger. Il m'arrive de ne manger qu'une fois dans la journée et souvent, je ne mange que parce que ma colocataire Aline me force à le faire. Je passe tout mon temps libre dans le noir, en boule sous ma couette. Il arrive parfois que je n'ai pas la force de me lever pour aller à la FAC. Il m'arrive de pleurer parce que je n'arrive pas à y aller. Je n'arrive pas non plus à me mettre au travail à la maison. Je m'enfonce alors dans une spirale infernale : je vois mes notes chuter, je me dis que je n'aurais pas mon semestre et ça me démoralise. Alors je n'arrive pas à me mettre au travail et la boucle redémarre. C'est encore pire maintenant que les partiels approchent. Rien que d'y penser me donne envie de pleurer. Je ne sais même pas si je vais avoir la force d'y aller sans qu'Aline m'y pousse. Mes amis s'inquiètent, je le sais. Aline plus que les autres. Ils veulent m'aider mais ne savent pas quoi faire, et moi, je ne peux rien leur dire d'autre que "Je vais bien ne t'en fais pas." Je sais bien qu'ils n'y croient pas. Comment pourraient-ils y croire alors que je ne le crois pas moi-même ? Je ne supporte plus de voir la peine dans leurs yeux quand ils viennent nous voir alors, chaque fois qu'ils sont à l'appartement, je m'enferme dans ma chambre et attend qu'ils partent, enroulée dans ma couette. La seule que je ne peux pas éviter c'est Aline. Elle fait tout ce qu'elle peut mais j'avoue que je ne l'aide pas : j'ai annulé le rendez-vous chez le médecin qu'elle m'avait pris. De toutes façons, même si je ne l'avais pas annulé, je n'y serais pas allée : je ne sors plus que pour aller en cours. Et encore...
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Il était plein de fois
General FictionRecueil de one shot ou de nouvelles. Les genres iront de la romance à la fantasy. Je m'essairai à l'horreur et peut-être à la science fiction. Les deux premiers one shot sont les réécriture de ceux publiés sur mon autre compte. Vous pouvez très bien...