Elle a l'air heureuse. Les gens près d'elle rient à ce qu'elle est en train de raconter et ça la rend encore plus joyeuse. Leur discussion continue et elle finit par tant rire que plus aucun son ne s'échappe de ses lèvres et des larmes perlent aux coins de ses yeux. Elle met un moment à se remettre de son fou rire mais elle y parvient puis bois une gorgée de sa boisson. Elle continue de bavarder quelques minutes avant de s'éclipser pour remplir son verre, probablement. Elle se glisse entre les gens, se crée avec grâce un chemin dans marée humaine puis disparait dans la cuisine. Si j'étais un minimum courageuse, je la rejoindrais là-bas. J'engagerais une conversation et nous finirions par rester à parler juste toutes les deux pendant des heures. Peut-être qu'elle finirait même par vouloir garder contact avec moi et que ce serait le début de notre histoire.
Encore faudrait-il que j'ose sortir de l'ombre pour aller lui parler. Mais il y a beaucoup trop de gens autour d'elle partout où elle va. Et puis je pourrais dire quelque chose d'immensément stupide et les gens autour l'entendront forcément, et ils me regarderont avec leurs yeux remplis de mépris et de jugement. Alors, accablée par la honte, je repartirais me terrer dans mon coin et tenterais de me faire oublier. Ou alors j'irais même jusqu'à rentrer à la maison.
A imaginer tout ça, je finis par me demander pourquoi je suis venue à cette fête en premier lieu ! En réalité ce n'est pas un si grand mystère : je savais qu'elle viendrait. Avant de le savoir, je n'avais aucune envie de venir et même mon meilleur ami n'avait pas réussi à me convaincre. Mais il m'a juste fallut apprendre qu'elle serait présente pour que je change soudainement d'avis et soit impatiente d'y aller moi aussi. C'est un peu ridicule quand on y pense pourtant : cela doit bien faire cinq mois (hors vacances d'été) que mes yeux la cherchent chaque fois que j'entre dans la faculté ; que je me repasse en boucle nos conversations (qui ne sont qu'au misérable nombre de trois). Ce n'est pas faut d'avoir voulu lui parler et d'avoir préparer des listes mentales (certaines, pas toutes) de potentiels sujets de discussion. Sauf que je me dégonfle à chaque fois que l'occasion de lui parler se présente ou que je me prépare à le faire. Tout comme ce soir en fait.
Je n'aime pas être ici, je n'ai personne à qui parler : mon meilleur ami m'a abandonné dès que ses yeux se sont posés sur le groupe de joueur de beer-pong il y a une vingtaine de minutes. Je ferais mieux de rentrer à la maison. Je n'aurais vraiment pas dû venir, c'était la pire idée que j'ai eu depuis deux mois. Je récupère donc ma veste et mon totebag puis quitte cette maison. Il n'est pas si tard que ça, les bus circulent toujours mais je n'ai absolument pas envie d'en attendre un et de voir les gens à bord. Même si le trajet à pied jusqu'à chez moi sera long, je n'hésite pas une seule seconde. C'est la mi-octobre, l'air s'est déjà beaucoup rafraîchi mais j'apprécie la douce caresse du vent sur mon visage. Quelque chose dans l'atmosphère générale de l'automne me plaît énormément. Pour moi, l'automne rime avec vieux fauteuil, plaid, soupe, vieux films et balade en forêt quand je rentre chez mes parents. Je lève mon visage face au ciel et, les yeux clos, inspire un grand coup. Quand j'expire, j'ouvre les yeux et observe un instant les cieux : il n'y a que peu d'étoiles visible à cause de la pollution lumineuse de la ville et des quelques nuages. Je suis soudainement prise d'une furieuse envie de balade en forêt. Je veux marcher seule dans les bois, respirer l'air de la nature et écouter le vent souffler dans les branches et les animaux se balader sur le sol, dans les arbres ou dans les airs. Je cesse de penser à tout ça, ou du moins j'essaie, et me remet en route.
Ne pouvant pas satisfaire mon envie de forêt, je tente de faire passer la déception avec un bol de soupe de poisson que je bois dans mon fauteuil, enroulée dans un plaid. Et là, sans vraiment savoir pourquoi, je me mets à pleurer. Les larmes coulent toutes seules, aucun sanglot ne quitte mes lèvres. Je n'essaie pas de les faire cesser. Je n'avais pas pleuré cette semaine après tout, il fallait bien que ça finisse par couler. J'aurais été surprise d'une semaine sans pleurs. Quand j'y pense, je ne me souviens pas de ma dernière semaine sans larmes. Ma soupe en a par moment le goût salé mais je la bois quand même. Je mets un certain temps avant de la terminer et de pose mon bol sur la table basse. Une fois ça fait, je me roule en boule dans mon fauteuil et continu de pleurer.
Mon corps finit par être secoué de sanglots et ma respiration devient saccadée. Je n'ai pas l'impression que l'air entre dans mes poumons. Mes inspirations sont courtes, ma gorge pique et j'ai l'impression d'étouffer. Je me déplie, m'allonge comme je peux dans le fauteuil et essaie de m'accrocher à n'importe quelle partie du dit fauteuil ou du plaid. Par moment, je pose ma main gauche à la base de mon cou et appuie avec la pulpe de mes doigts. Après ça, je m'agrippe à mon col de t-shirt et tire dessus. J'essaie aussi de prendre de plus profondes inspirations. Mes yeux sont grands ouverts et la peur est la seule chose présente dans mon corps et dans mon crâne. Je ne sais pas combien de temps cela a duré. Deux minutes ? cinq ? Ce que je sais, c'est qu'une fois que je me suis calmée, je me suis écroulée de fatigue et me suis endormi dans mon salon.
La lumière du jour me réveille et lorsque je me lève, je regrette de ne pas avoir dormi dans mon lit : mon dos est douloureux et je crois bien que si je m'étais réveiller quelques heures plus tard, j'aurais fini avec un torticolis. Je masse donc mon cou dans le vain espoir que cela m'apaise. Alors que je mange mon petit déjeuner, mes pensées dérivent vers les évènements d'hier soir. Je les chasse comme je peux mais je sais que si je ne fais rien aujourd'hui, s'en est finit de moi. Je me lance donc dans un rangement minutieux de mon appartement. Tout y passe : la cuisine, le salon, ma chambre et la salle de bain. Je nettoie et réorganise même toutes mes étagères à livres. Deux fois, puisque je fini par être dérangée par la nouvelle organisation et décide de tout remettre comme avant. Je pense même à arroser mes plantes et à me faire à manger le midi ET le soir. J'ai même bu de l'eau quand je n'étais pas à table. Je suis maintenant exténuée et ne tarde pas à me mettre en pyjama et me glisser dans mon lit fraichement fait, sous des draps propres. Je m'installe confortablement, prête à m'endormir mais mes yeux se posent sur mon sac de cours. Je suis soudainement affreusement consciente que j'ai oublié de travailler. Je tente de me rassurer en me disant que ce n'est pas si grave, que je me débrouille bien et que ce n'est pas si important, que je n'ai que peux de cours demain, que je pourrais toujours faire ce qu'il faut après la fac. Mais certains cours de demain sont un peu plus compliqué que les autres et je vais avoir du mal à suivre sans avoir fait les exercices ou lu le PowerPoint. Je suis bête, pourquoi j'ai oublié ça !? J'aurai clairement dû faire ça au lieu de m'occuper de mes bibliothèques. Cette spirale de négativité me ramène forcément à la soirée d'hier et en plus de la tristesse que cela m'apporte s'ajoute la peur. La peur que je perde le contrôle de mes pensées et que je finisse en pleurs comme hier, à ne quasi plus pouvoir respirer. Alors, avant que cela puisse arriver, je prends mon casque et lance ma playlist spéciale pour dormir. Je monte le volume un peu plus fort que d'habitude, comme pour noyer mes pensées.
Ne pas avoir pu prendre de rendez-vous avec ma psy pendant deux mois et demi commence réellement à être fatiguant. J'ai hâte d'enfin pouvoir y retourner dans une semaine. Quand bien même cette dernière me semble insurmontable.
25/09/22
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Il était plein de fois
General FictionRecueil de one shot ou de nouvelles. Les genres iront de la romance à la fantasy. Je m'essairai à l'horreur et peut-être à la science fiction. Les deux premiers one shot sont les réécriture de ceux publiés sur mon autre compte. Vous pouvez très bien...