Chapitre 1

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Une Sirène à bord


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— Ohé ! Réveille-toi, tu as assez dormi comme ça !

Le retour à la réalité fut quelque peu difficile pour la Sirène échappée de sa cage. La sensation d'un corps souple soutenant son poids dans l'inconscience avait fait place à la dureté d'un parquet humide. Le soleil léchait sa peau et le contact du chanvre irritait les zones déjà endommagées de son épiderme.

Mmh...

De... l'anglais ?

Oh ! Céto !

Puisant dans les forces qu'elle avait récupérées, la Sirène ouvrit les yeux, ses paupières papillonnant plusieurs fois avant que sa vision ne s'ajuste enfin. Toutefois, lorsqu'elle découvrit sa situation, son sang ne fit qu'un tour.

Autour, il n'y avait plus trace ni des restes du galion espagnol dans lequel elle avait été retenue captive durant des mois ni du kraken qui l'avait tiré de son enfer. À la place, un jour nouveau s'était levé, béni par un soleil radieux, mais tout semblait à recommencer. De nombreux regards intrigués étaient en effet posés sur sa personne tandis que ses mouvements s'avéraient limités par un solide filet de pêche. La seule chose qui changeait manifestement se résumait à la nationalité de ses geôliers.

Sa réaction fut vive et immédiate. Battant de la queue et s'agitant en tous sens pour essayer de se libérer, elle tenta en prime de déchirer le maillage restrictif de ses griffes acérées, mais son action fut violemment interrompue par la projection d'un seau d'eau de mer qu'elle reçut en pleine face.

— Doucement, mon beau ! Nous ne comptons pas te garder prisonnier. Disons plutôt qu'il s'agissait d'une sécurité pour nous, ne sachant comment tu allais réagir à ton réveil. Et de toute évidence, nous avons été bien inspirés.

L'homme qui venait de parler, le même qui l'avait pressé de quitter les bras de Morphée s'approcha. Il était jeune, pas plus de trente-cinq ans, et immense, frôlant les deux mètres. Il se présenta d'un pas assuré à sa hauteur, posant un genou à terre et, s'accoudant sur sa jambe, demanda avec un large sourire :

— Tu comprends ce que je te dis ? Ou bien préfères-tu que je m'adresse à toi en français, ou en espagnol ?

La Sirène ne répondit que par un hochement de tête, attendant qu'il poursuive.

— Parfait ! Dans ce cas, pour la petite histoire, nous naviguions vers Saint-Domingue lorsque nous avons commencé à croiser des débris flottant à la surface de la mer. Nous n'avons plus tardé à tomber sur les restes du galion de l'amiral Juan Alvarez, le Gran Príncipe. Et au moment où nous nous demandions ce qui lui était arrivé, c'est là que nous t'avons repêché dans nos filets. La suite, tu la connais.

Toujours sur la réserve, la Sirène l'observa plus en détail et n'eut aucun mal à se faire une idée sur l'identité de son interlocuteur. Dans ses habits précieux composés d'une chemise en soie blanche ouverte sur le torse et révélant un pendentif de perroquet, d'un gilet en satin bordeaux, d'un pantalon foncé, d'un long manteau rouge et d'une riche paire de bottes en accord avec son gilet, il ne faisait nul doute que cet homme était le capitaine de ce nouveau bateau.

— Tu étais à bord, non ? continua nonchalamment ce dernier, sans se soucier d'être le seul à converser. J'ai ouï-dire que les Espagnols étaient très superstitieux, et qu'il était à la mode, chez eux, de capturer des Sirènes pour les suspendre à l'avant de leurs galions. Ils pensent que leur présence peut repousser les autres créatures des mers. Ha ! Ha ! Ils feraient mieux de se concentrer sur nous, les pirates, car ce n'est assurément pas ton joli minois qui m'aurait empêché d'attaquer ce galion s'il n'avait pas coulé avant notre arrivée.

Kêtos - Le Chant du Kraken (BL/MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant