Chapitre 3

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Après avoir vérifié deux fois que ma porte est bien verrouillée, je me précipite sur la manivelle qui referme mes volets roulants. Mon cœur bat la chamade et cela n'a rien à voir avec l'effort physique que je viens de traverser pour atteindre mon appartement. Enfin je touche au but! Depuis l'école primaire j'ai rêvé de ce moment, rêvé de pouvoir à nouveau porter des couches et à présent ça y est. J'extirpe le paquet bleu hors de mon sac de courses, je le tourne dans tous les sens, je lis chaque mot qui est inscrit dessus avant de l'ouvrir. Les doigts tremblants de nervosité, j'en retire un des changes, je le déplie et je le palpe avec curiosité. Je suis comme un jeune chien à qui on vient d'offrir un nouveau jouet, je suis fou-fou mais je ne me précipite pas dessus même si ce n'est pas l'envie qui m'en manque. Je dois jauger avant de m'en saisir. Mes doigts glissent sur l'extérieur plastifié, mon regard inspecte chaque centimètre carré du change, mon ouïe frétille devant le bruissement si particulier tandis mon odorat enregistre instantanément cette fragrance unique aux couches tout juste sorties de leurs paquets.
Je ne peux plus attendre, il faut que j'en enfile une. Ne sachant absolument pas comment m'y prendre, j'observe attentivement le schéma imprimé sur l'emballage et tout comme sur le dessin je glisse le change entre mes jambes. Ma main droite agrippe la partie arrière tandis que la gauche se saisit de l'opposée mais rien ne va comme je veux. La couche glisse avant même que je n'ai pu atteindre les adhésifs. Je recommence une fois, deux fois pour n'arriver qu'au même échec cuisant et j'enrage, c'est comme s'il me manquait une troisième main. A la quatrième tentative je finis par obtenir une certaine assurance mais le doute s'installe: lequel des deux adhésifs dois je fixer en premier? Celui du haut ou celui du bas? Je me penche pour relire les instructions et à nouveau la couche se barre. Je suis à deux doigts de crier mais je persévère. Ce n'est pas une stupide couche qui va faire la loi! J'attrape l'avant, j'attrape l'arrière, je serre les cuisses et je fixe! Cette fois ça y est, c'est un peu de travers mais au moins un coté est collé. Ensuite le deuxième n'est qu'une formalité. Une inscription sur le paquet indique que les attaches sont repositionnables alors je décide de les réajuster. Je procède avec soin, j'avais vraiment peur de déchirer le plastique, mais au final tout se passe à merveille. C'est fantastique! Enfin je porte une couche comme un bébé! La sensation est géniale et je fais les cent pas dans mon appartement pour en profiter en marchant. Punaise que c'est bon d'être libre et loin de ses parents...

C'est uniquement vêtu de ma couche que je décide de terminer la journée. Et puisque je suis de très bonne humeur, j'en profite pour ranger mes affaires. Les casseroles dans le placard, la bouffe dans le frigo et les fringues dans l'armoire. Il ne me reste plus qu'à m'occuper de mon lit et déjà une chose me paraît évidente: un canapé clic clac c'est bien, mais ça impose de défaire son lit à chaque fois qu'on veut regarder la télé et de le refaire à chaque fois qu'on veut dormir. Et ça franchement ça me saoule d'avance. Du coup la décision est prise, mon canapé restera en mode «lit» jusqu'à la fin de mes études. J'enlève donc la housse noire pour ne laisser que le matelas et je recouvre ce dernier à l'aide de l'alèse. Un drap par dessus et il n'y a plus qu'à s'attaquer aux couvertures et à mon oreiller. Jamais ranger ma chambre ne m'avait autant rempli d'enthousiasme.
Finalement la soirée arrive plus rapidement que prévu. Il faut dire qu'avec toute cette occupation je n'ai pas vraiment vu le temps passer. J'en ai presque même totalement oublié que je porte une couche. Tout en palpant mon change encore immaculé, je me laisse retomber sur mon lit en soupirant. Tout ce qu'il manque à mon bonheur c'est une vessie pleine alors je descends cul sec deux canettes de soda en espérant que ça fera avancer les choses.

Le cerveau est une machine bien étrange et ses facultés de mémorisation sont souvent totalement anarchiques. Par exemple on peut passer des heures à essayer de retenir le théorème de Pythagore pour finalement l'oublier le jour du contrôle, tandis que des détails dérisoires et totalement inutiles resteront à jamais gravés dans le fond de notre caboche. C'est ainsi que je me rappelle exactement de la première fois que j'ai fait pipi dans ma couche. Il était 21h17 et j'étais confortablement installé devant une rediffusion de «mon nom est personne». Ce western je le connaissais par cœur mais ça faisait partie des films que je pouvais revoir encore et encore sans jamais me lasser. Emporté par le jeu de Terence Hill et de Henry Fonda, j'en avais presque oublié ma tenue puérile. Du moins jusqu'à ce que ma vessie ne se manifeste. Exalté comme un gamin devant ses cadeaux de Noël, je me précipitais vers mon armoire dont la porte de droite dissimulait un grand miroir intérieur. Ce n'était pas la première fois que j'allais pisser volontairement dans ma culotte et je n'eus pas le moindre mal à me relâcher dans ma couche. Sa blancheur originelle vira presque instantanément au jaunasse et je n'en revenais pas de sentir l'urine qui coulait sous mes fesses tant en restant prisonnière. Pas la moindre fuite et surtout aucune sensation d'humidité flagrante à l'intérieur. Moi qui m'attendais à me retrouver assis sur une éponge à pisse, en réalité ça n'avait rien d'oppressant. Alors, après avoir refermé l'armoire je me réinstallais comme si de rien était sur mon lit, une nouvelle canette dans la main gauche tandis que la droite palpait cette couche encore chaude.

Truffe universitaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant