10 - Qui veut la paix prépare la guerre

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– Comment ça, nous ne faisons rien ?

Le Roi Bräm s'était redressé de toute sa hauteur — ce qui, en présence de Meridiems, de nature très grands, ne changeait pas grand-chose.

– Nous allons juste les laisser nous porter le coup de grâce ? renchérit la Reine Kori, le regard teinté d'indignation, mêlée à de la peur.

– Je vous pensai plus combattif, renifla son mari.

L'atmosphère se glaça d'un coup, alors qu'Aarin releva ses yeux vers lui. Il considéra le souverain avec l'air du professeur observant son élève. Pour la première fois, je reconnus l'arrogance meridiem dans le regard du Général. Un frisson remonta le long de ma colonne ; j'étais habituée à ses yeux pleins de douceur, de sagesse, de compassion.

Je retins ma respiration ; à tout moment, l'étincelle pouvait tout faire exploser — je doutais que les grands monarques de Tamilaris ne tolèrent se faire toiser ainsi.

Armos, à l'instar des Faucons, restait silencieux. Il fermait les yeux, visiblement las. Leven avait relevé un sourcil, et Torryn passa une main sur son front. J'avouais ne pas comprendre leur réaction ; c'était vrai, pourquoi ne nous battions pas ?

– Vous comptez m'apprendre mon métier, ou puis-je continuer ? articula Aarin, cinglant.

Silence. Leven esquissa un léger rictus, comme s'il savait d'avance ce qu'allait dire son confrère — ou qu'il appréciait le spectacle qu'était le Roi Torel se faisant rabrouer.

– La première règle en Guerre, la première leçon apprise, est de reconnaître quand il est nécessaire de combattre, et quand il est urgent de ne pas le faire.

Il marqua une pause, immobile, attentif aux réactions de ses interlocuteurs.

– Le contexte exige la deuxième situation. Nous ne disposons que de deux trois heures, peut-être cinq, ce qui représente un laps de temps beaucoup trop court pour organiser une quelconque riposte. Je vous rappelle que notre premier objectif est de mener cette guerre à terme, en minimisant au maximum les pertes et les coûts. Or, tenter quoique ce soit maintenant serait non seulement d'une stupidité immense, mais aussi, et pire encore, du suicide.

– C'est vrai, l'appuya Lenora. Estimons-nous déjà heureux d'avoir pu repérer le troupeau avant qu'il ne débarque à notre porte.

– Nous allons donc nous confiner, en conclut Torryn, les doigts autour du menton, en pleine réflexion.

Le Général acquiesça.

– Grâce à la reine Kalyra, nous avons déjà un bouclier stable qui protège Roseris. Il ne sera toutefois peut-être pas suffisant pour essuyer une deuxième offensive, et nous aurons donc besoin d'hommes et de femmes disposant de pouvoirs magiques à même de le renforcer.

– Et que faites-vous des autres villes sur le territoire ? avança un conseiller elfe. Danamore se résume à bien plus que sa capitale.

– Nous pourrions ériger d'autres Aegis, sur le reste du territoire, dis-je.

– Sur toutes les villes ? Folie ! railla le Roi Torel. Ce sort est beaucoup trop magivore, il pourrait tuer ses exécutants. Par ailleurs, cela demanderait beaucoup trop de temps. À moins que vous ne vouliez vous en charger ?

Il rit, ses conseillers avec lui.

– Je vous rappelle que vous êtes légèrement indisposée de ce côté-là, votre Majesté.

Je vis rouge. Saphir grogna, montrant les crocs. Les chuchotements n'eurent même pas le temps de se faire entendre que je ripostai, d'un ton glacial :

La Gardienne des Légendes ✷ Tome II. - L'EclipsisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant