Prologue

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Un léger vent d'automne soufflait dans la petite salle isolée, par les fenêtres grandes ouvertes qui permettaient aux longs rideaux râpés par des années de bons et loyaux service d'onduler paisiblement. Quelques feuilles mortes joueuses surfaient sur la brise et pénétraient dans l'enceinte de la petite pièce, virevoltant avec joie et volupté, malgré le destin funeste qui les avaient séparées de leurs arbres nourriciers. Malgré la température fraiche qui régnait en ce mois d'octobre, le soleil avait brillé de toute sa puissance toute la matinée, assommant Séoul de ses rayons sans parvenir à réchauffer les corps de ses habitants. Maintenant qu'il se couchait, l'astre peignait les cieux de vives couleurs chatoyantes, qui baignaient la petite pièce des nuances rouges et orangées, identiques aux teintes des feuilles qui y dansaient. Pour compléter le tableau, une jeune fille se tenait accoudée à la fenêtre, ses longs cheveux noirs se balançant paisiblement au rythme de la brise automnale, son uniforme blanc se colorant des rougeoyantes lueurs du crépuscule, et son visage mélancolique fixant un point lointain à l'horizon, perdu, si distant que seule elle pouvait l'apercevoir. Elle était comme une magnifique apparition au milieu de ce cadre idyllique, telle le modèle qui frappe l'imagination du peintre au point de lui en faire perdre le sommeil. C'était une vision digne d'un film, le genre de scène de fin durant lesquelles l'amour triomphe des difficultés, ou éclot sous le regard apaisant de l'astre solaire. 

Lee Joo-woo resta longuement immobile, à la porte de la petite salle, à contempler la beauté de cette apparition éphémère. Elle imprima chaque détail de cette peinture dans son esprit, elle mémorisa chaque sensation, inscrit dans sa mémoire chaque odeur. Lentement, elle se saisit de son téléphone portable, et prit une photo, craignant probablement qu'un mouvement trop brusque ne vienne briser la quiétude de cet instant magique. La photo ne faisait pas justice à la beauté de la scène. Joo-woo en fut déçue, mais également rassurée en un sens. Car cela signifiait que personne d'autre qu'elle ne pourrait jamais vraiment comprendre la beauté de ce coucher de soleil, de ces feuilles dansantes, de ces rideaux ondulants, et de la jeune fille qui, perdue dans ses pensées, n'avait toujours pas remarqué sa présence. Le cœur de Joo-woo accéléra. Ces cheveux noirs et lisses... ces yeux de chats... ces lèvres fines... ce petit nez... ces pommettes... son menton si doux... et tout le reste de son corps... la jeune fille pouvait tout deviner, même alors que la silhouette lui tournait le dos, fixant des horizons lointains qu'elle ne pouvait imaginer. Joo-woo adorait cette facette mystérieuse. Ce regard capable de se perdre dans des rêves, comme d'échapper à la réalité. Elle adorait également sa voix, son visage, sa silhouette, la forme de ses seins lorsqu'elle les caressait avec tendresse, la douceur de ses gémissements lorsqu'elle la mordillait... il n'y avait rien de cette silhouette qu'elle n'aima pas. 

-Dan-bi! Interpella Joo-woo, brisant le silence et la magie du moment. 

La jeune fille appuyée à la fenêtre se retourna, et Joo-woo admira une nouvelle fois la douceur des traits de la fille qu'elle aimait. Elle était encore à moitié perdue dans le rêve qui la tenait occupée jusque là, elle pouvait le dire. Il lui fallait quelques secondes pour en sortir complètement. Joo-woo ferma la porte derrière elle, et tourna la clef dans la serrure. Puis, les mains dans le dos et une expression espiègle sur le visage, elle vint se glisser tout contre le corps de Dan-bi, et planta un baiser sur les lèvres de cette dernière. 

-Joo! La fenêtre est ouverte! S'exclama Dan-bi en reculant. Quelqu'un pourrait nous voir! 

-Nous sommes au troisième étage, Dan-bi. Personne ne nous voit. Et personne ne nous regarde. 

Joo-woo passa ses bras autour du cou de sa petite amie, et scella leur embrassade d'un second baiser. Cette fois-ci, Dan-bi ne résista pas. Ses bras glissèrent le long des hanches de Joo-woo, l'attirant tout contre elle. La jeune fille sentit tout son stress et tous ses ennuis s'évaporer sous la chaleur de ce toucher. Elle ne se souvenait plus le nombre de fois où elles s'étaient ainsi embrassées, dans cette même pièce isolée de l'agence YY. Tous les baisers qu'elles y avaient échangés. Toutes les photos qu'elles y avaient prises. Toutes les caresses qu'elles y avaient échangées. Elles l'avaient fait sur la petite table qui ornait le centre de la pièce. Joo-woo se souvenait encore de l'inconfort de sa position. Sur la chaise qui l'accompagnait, également. Contre la vieille armoire aussi, de laquelle un carton était tombé tant elles étaient excitées ce jour là. Et par terre, évidemment. Sur la vieille couverture que Joo-woo avait ramené de chez elle, et qu'elles cachaient à l'intérieur de l'armoire à chaque fois qu'elles partaient. C'était le meilleur endroit pour faire l'amour, dans cette petite pièce isolée et oubliée. C'était le seul où elles pouvaient avoir la sensation de dormir ensemble, également. Avoir un semblant de vie de couple normal. 

La mélodie de nos cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant