2. Désillusion

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CAÏ

- Installez-vous, Caï.

Le brun obtempéra et se laissa tomber dans le fauteuil sur lequel s'était assise Julia quelques minutes auparavant. Il pouvait encore sentir les effluves de son parfum, le même qui avait empli ses narines lorsqu'elle l'avait bousculé dans les couloirs un peu plus tôt.

- Qu'ai-je encore fait ? demanda-t-il.

Il sentait la remontrance qui l'attendait. Pourtant, la proviseure ne lui fit aucune remarque. Muette comme une tombe, elle prit place derrière son bureau et, après avoir déplacé quelques dossiers qui la gênaient, dont celui de Julia Swenson, elle croisa ses mains devant elle et plongea son regard dans celui de Caï.

- Avez-vous des choses à vous reprocher, monsieur Reed ?

Trop attiré par la photographie de la brune qui était épinglée à son dossier, il ne décolla pas les yeux de ce dernier. Pour la toute première fois, il avait un aperçu d'une Julia souriant gaiement et c'en était plus que troublant.

Caï était un fin observateur. Le statut de son père et la richesse de sa famille ne jouaient pas en sa faveur et avaient au contraire le don d'attiser les vautours. Loin d'être aveugle de cette comédie, son père lui avait appris dès son plus jeune âge à cerner les gens et à faire preuve de méfiance. La brune était donc, selon lui, une bombe à retardement. Son regard lui rappelait souvent celui des soldats prêts à partir au combat et son absence d'émotion lui renvoyait l'image des portraits sans visage de Gideon Rubin. La jeune fille déambulait dans les couloirs sans jamais rien laisser paraître, pas même l'ombre d'un sentiment. Julia Swenson était un véritable mystère. Un mystère que Caï comptait bien résoudre coûte que coûte. Cherchant continuellement la trace d'un quelconque indice, il lui arrivait de contempler la jeune fille durant de longues minutes avec l'espoir de pouvoir déchiffrer ses pensées.

- Caï ? l'interpella la proviseure, en rangeant dans un tiroir le dossier qui accaparait son entière attention.

Le brun se renfonça dans son fauteuil et esquissa un sourire narquois.

- Si ce n'était pas le cas, vous ne m'auriez pas convoqué dans votre bureau.

Un rictus se forma aux coins des lèvres de la directrice face à l'assurance du jeune homme.

- Je vous ai fait appeler afin de discuter de votre avenir, lui expliqua-t-elle. Ou plutôt de votre projet d'intégrer une école d'art.

Le jeune homme arqua un sourcil. Personne n'était au courant de sa décision de se réorienter, pas même sa mère et encore moins son père. C'était la raison pour laquelle il avait monté un dossier dans le but d'obtenir une bourse d'étude. Son comportement était devenu exemplaire, il avait augmenté sa moyenne générale de plusieurs points et avait postulé dans diverses facultés, tout ça, dans le plus grand des secrets.

- Comment avez-vous su ?

- Monsieur Reed. Mon travail consiste à accompagner les élèves de cet établissement. Quelle genre de proviseure serais-je si je ne suivais pas le parcourt de chacun ?

C'était une réponse comme une autre. Le visage de la jeune femme prit soudain une mine réfléchie.

- Vous allez essayer de m'en dissuader, bougonna-t-il en levant les yeux au ciel.

- Ce n'est pas à moi que revient cette décision, Caï. Je suis simplement surprise d'un tel choix. Vous avez un talent certain pour le football et une carrière vous tend déjà les bras. Beaucoup voient en vous le potentiel de devenir le nouveau Rodgers.

- On croirait entendre mon père, marmonna-t-il amèrement.

- Pourquoi changer de voie, Caï ? J'aimerai simplement comprendre.

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