elle aimait contempler les étoiles. elle aimait s'abreuver de tout les mystères de l'univers. elle aimait imaginer d'innombrables galaxies. la maman d'alicia ne le savait pas. sa venue était d'ailleurs la plus étonnante de toutes les venues. alors que la fille attendait encore certaines personnes, c'était la maman d'alicia qui venait, les mains vides, le regard abattu. elle regardait la fille avec énormément de curiosité, et un air constamment ahuri. la fille n'aimait pas la maman d'alicia, elle ne la connaissait que depuis le début de son cancer, et trouvait sa présence dérangeante.
-tu lui ressembles tellement dans cet état...
à qui ? une version chauve de stephen hawking ? peut-être. mais là, la maman d'alicia parlait bel et bien de sa fille.
-ah, bah... j'sais pas trop. faut dire qu'on est toutes chauves, ca porte à confusion.
-vos crânes expriment tant de douleur. vous êtes des survivantes.
non, la maman d'alicia ne parlait pas à des rescapées de la shoah, dont les cranes auraient été rasés. elle parlait des filles atteintes de cancer.
-merci beaucoup.
-tu sais, alicia est partie à ton âge. ça m'a fait tellement de peine. elle était si jeune.
un premier discours très encourageant...
-elle a tellement souffert. je n'osais même plus remettre un pied dans un hôpital jusqu'à aujourd'hui...
et de deux !
-c'est important que tu sois accompagnée durant ces dernières heures...
et de trois !
-je sais pas trop. je me trouve bizarre parce que j'ai l'impression d'être la seule à vouloir que personne ne vienne dans ma chambre, qu'on me laisse m'en aller en paix.
-ne dis pas ça... regardes cette photo. c'était quelques minutes avant qu'alicia parte, et elle était contente d'être entourée.
la fille n'était pas ta fille.
-en tout cas, elle avait bonne mine.
-oui. elle mangeait en plus des perfusions. tu manges toi ?
la gourmandise était censé être un vilain défaut, mais pas dans ces moments là.
-non, j'arrive pas.
-c'est pour ça que t'as l'air toute pâle.
la confiance en soi n'est plus un terme très important durant les dernières heures de sa vie, mais la fille aurait aimé mourir en se sentant incroyablement belle.
-c'est sûrement pour ça ouais...
-en tout cas ça m'a fait plaisir de te voir. de là haut, alicia doit t'encourager. on t'aime tous !
espèce de connasse. t'es là avec ton air jubilatoire. tu sais que je vais finir comme ta fille alors que j'étais censée être en rémission et ça te fait kiffer. tu venais vérifier quoi ? que j'étais pas aussi belle qu'elle avant de mourir, comme ça je volerai pas la vedette du plus beau cadavre ? je te déteste, t'arrives à parler de ton malheur pendant que je vis exactement le même. sauf que toi, tu le subis pas. moi si. mais t'as l'air d'en avoir rien à foutre; tant que tu peux valoriser ta petite alicia, les émotions des gens c'est accessoire. t'es un putain de poison, j'aurai dût exiger qu'on ne te laisse pas entrer.
et si elle avait dit ça ?