Quatrième partie

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Léonora aimait observer les cartes de ses terres, comparer celle que ses compagnons dessinaient au fil de leur conquête et celle que les naociens avaient réalisée de nombreuses décennies auparavant, avec l'aide des peuples locaux. Un si grand territoire, dont elle serait la seule reine. Personne ne semblait pouvoir se dresser sur sa route : elle avait le pouvoir. Elle régnait déjà sur le nord, il ne lui restait que le sud... Il ne lui faudrait pas une décennie supplémentaire pour faire du continent entier le sien, Dracora. La terre des Draesar.

Quelques petits détails l'ennuyaient encore. A l'est, un peuple guerrier de cavaliers refuserait certainement de lui jurer allégeance : ils avaient déjà un roi. A l'ouest, les triviars fortifiaient déjà la plus grande ville de la région, Hélion. Au sud, le grand désert du Phelnakis s'étendait et aucun peuple ne s'y aventurait : Léonora serait la première à l'explorer. Toutefois, elle ne pouvait se lancer dans une telle quête, afin de satisfaire sa curiosité d'exploratrice, sans au préalable solidifier son pouvoir au nord.

Elle pouvait compter sur ses proches et fidèles camarades pour s'en assurer : Laurio et Edhel étaient repartis vers le nord, dans la grande ville de Borealis qu'ils avaient choisie comme première capitale du royaume. Avec eux, elle savait que les rares traîtres sévissant encore dans son royaume abdiqueraient bientôt.

Autre chose embêtait encore Léonora. Les montagnes d'Eindril, dont elle n'avait guère exploré l'est. Le peuple guerrier – des trogons, si elle se souvenait correctement – y avait élu domicile et bâti une cité du nom de Dokrafer. Dite imprenable. Elle se ferait évidemment un plaisir de grimper les hautes murailles de cette ville pour la faire sienne. Son plus grand ennui, avec les montagnes d'Eindril... étaient les créatures qui s'y cachaient.

Les hydris.

Elle savait qu'il y en avait : elle en avait vu un, le grand hydrei d'or que les peuples triviars et praimans vénéraient comme l'incarnation du soleil. Elle savait qu'il y en avait d'autres : entre celui censé protéger la forêt d'Arulna et ses pierres précieuses, celui accompagnant les morts, ou encore celui qui apportait la neige de son souffle gelé, les légendes de ces terres regorgeaient d'hydris en tout genre. Bien que les véritables dragons étaient loin de leurs fabulations, Léonora ne pouvait néanmoins nier leur existence.

Elle soupira, ennuyée. S'asseyant dans son lit, elle s'y étira et se laissa ensuite tomber, couvrant son visage d'un bras. Laurio lui manquait. Comme à chaque fois que leur route se séparait pendant quelques temps. Elle avait déjà si hâte de le retrouver... Lorsqu'elle aurait agrandi leur territoire et lui assuré son pouvoir, ils auraient de nombreuses choses à se raconter, feraient l'amour avec davantage de passion, se jureraient de nouveau fidélité éternelle. Le cœur de la reine se comprima dans un étau mélancolique et elle se pinça la lèvre inférieure, dans le vain espoir que cela l'aiderait à supporter la douleur.

Elle se redressa brusquement, secoua la tête et se tapota les joues, chassant ses pensées nostalgiques. Elle se leva finalement – de toute manière, les rayons du soleil chatouillaient déjà la terre, éclairant suffisamment la tente de la chef sans les torches. Léonora éteignit ces dernières tout en s'habillant. Son regard se posa sur la peau de l'asaroy qu'elle avait tué, plusieurs mois auparavant désormais. Cette même peau qui lui avait valu le surnom de Lionne Souveraine. Un petit sourire satisfait éclaircit le visage de la blonde ; ce surnom lui plaisait bien.

Du grabuge à l'extérieur attira son attention. Elle attacha rapidement ses cheveux, se couvrit de sa fourrure blanche d'asaroy, attrapa son arme au passage et sortit de sa hutte. Ses quelques compagnons déjà debout se tournèrent vers elle, les yeux effarés. Gethin s'approcha d'un pas rapide et pointa une ombre au nord-ouest dans le ciel.

« Il y a un flux anormal d'ansmarag par là. Nous avons aperçu des hydris voler dans le ciel, lui dit-il rapidement. Ils avaient l'air de se battre.

Depuis les ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant