Chapitre 2

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Erica avait vu juste: l'infirmerie se révéla une étape indispensable. On lui banda la cheville et elle eut droit à une poche de glace ainsi qu'à de nombreux froncements de sourcils à cause des ecchymose qui apparaissaient un peu partout sur son corps. Elle n'avait rien de cassé, mais elle aurait des traces noires et bleues pendant plusieurs jours. Pour la forme, le médecin lui posa des questions sur un éventuel petit copain, mais comme Claire pouvait, sans mentir, affirmer que non, elle n'avait pas été battue par un garçons, il se contenta de hausser les épaules et de lui conseiller d'être prudente. Il lui remit également une dispense de cours,des antalgiques et lui dit de rentrer chez elle.
Il était hors de question qu'elle retourne au dortoir. De toute façon, elle n'avait pas grand-chose dans sa chambre.
quelques livres, des photos, des affiches... Elle n'avait même pas encore pas eu le temps de téléphoner à ses parents.
Pour une raison inexplicable, elle ne s'était jamais sentit en sécurité sur le campus. Elle avait toujours eu l'impression d'être dans une sorte de... Garde-meuble. Un endroit dont on finissait systématiquement, pour une raison ou une autre, par partir.
En boitant, elle rejoignit l'esplanade: une immense dalle de béton avec de vieux banc instables et des tables de pique-nique, flanquée, sur les quatre côtés, de bâtiments sinistres qui ressemblaient à des boîtes percées de fenêtres. Sans doute le résultat d'un concours d'étudiants en architecture. Elle avait entendu dire que l'un de ces projets s'était effondré quelques années auparavant, mais le bruit courait également qu'un gardien s'était fait décapiter dans une salle de chimie et que des zombies envahissaient le campus la nuit, elle avait donc du mal à accorder beaucoup de crédit à ses rumeurs.
L'après-midi était déjà bien entamé, et peu d'étudiants traînaient sur l'esplanade qui n'offrait pas d'ombre, intéressant pour un endroit où les températures dépassaient encore les trente degrés en septembre. Après avoir récupéré un journal de la fac dans un distributeur, Claire s'installa sur un banc chauffé à blanc par le soleil et l'ouvrit à la rubrique Logement.
Elle exclut d'emblée les dortoirs: Howard Hall et Lansdale Hall étaient le deux seuls à accepter les filles de moins de vingt ans. Elle n'avait pas l'autorisation de résider dans un bâtiment mixte. Le règlement devait dater de l'époque où les filles portaient encore des jupes à crinoline. Elle parcourut les petites annonces jusqu'à arriver à la partie intitulée Hors campus. En théorie, elle n'était pas censée le quitter: ses parents feraient une attaque s'ils l'apprenaient. Pourtant, entre Monica et la crise cardiaque, elle choisissait la seconde option sans hésiter. Après tout, l'essentiel était de trouver un endroit où elle se sentait en sécurité, où elle pourrait travailler sereinement, non ?
Elle extirpa son téléphone portable de son sac à dos et vérifia qu'il y avait du réseau. De ce point de vue-là, Morganville était loin d'être au top, étant perdue au milieu du désert du Texas, autrement dis au milieu de nulle part. Seul le coeur de la Mongolie devait être pire, et encore. Deux barres. Pas terribles, mais ça ferait l'affaire.
Le premier interlocuteur de Claire lui répondit qu'il avait déjà accepté quelqu'un et raccrocha sans lui laisser le temps de dire merci. Le deuxième avait une voix de vieux pervers. La troisième, de vieille perverse. La quatrième... Le quatrième était carrément barré.
La cinquième annonce était libellée comme suit:
Troiscolocatairesàlarecherched'unquatrième, maisonancienne, bellesurface, intimitégarantie, loyerraisonnable, toutconfort.
D'accord, elle n'était pas certaine de pouvoir se payer un loyer - aurait davantage correspondu à ses moyens, mais cette annonce avait l'air moins zarbi que les autres. Trois comics. Autrement dit trois personnes qui prendraient sa défense si Monica et compagnie se pointaient dans le coin...ou qui, du moins, défendraient la maison. C'était un argument de taille.
Elle fut dirigée vers un répondeur, une voix masculine douce et jeune s'éleva: (Elle entendait, au loin, le rire d'au moins deux personnes).
Quand à Ève, vous la trouverez sans doute sur son portable ou au café. Sinon vous pouvez laisser un message. Et si vous êtes intéressé par la chambre à louer, passez directement, c'est au 716 West Lot Street.> Une autre voix, féminine cette fois, enjouée et ponctuée d'éclats de rire évoquant les bulles d'un soda, ajouta: < ouais, cherchez le manoir !> Puis une troisième, masculine, conclut:AutantenemporteleventetLa Famille Addams, vous serez comblés.> Des rires, de nouveau, puis un bio.
Prise au dépourvu, Claire s'éclaircit la gorge avant de lancer:
—Euh... Salut. Je m'appelle Claire. Claire Danvers. Et je... euh... J'appelais pour... Euh la chambre. Désolée.
Elle raccrocha aussitôt, paniquée. Ils avaient l'air normaux.
Mais ils avaient aussi l'air très soudés. Et, d'expérience, les groupes d'amis soudés n'étaient  pas du genre à accueillir les bras grand ouverts une fille comme elle, trop jeune, trop petite, peu assez cool. Ils n'avaient pas l'air méchants, simplement... sûrs d'eux. Une qualité qu'elle ne possédait pas, elle.
Elle parcourut les dernières annonces, et son coeur se serra.
Elle ne pouvait pas retourner au dortoir: elle devait dénicher une solution.
se demanda-t-elle en refermant le clapet de son téléphone avant de le rouvrir pour appeler un taxi.
716 West Lot Street. AutantenemporteleventetlaFamille Addams. Peut-être qu'elle leur inspirerait suffisamment de pitié pour qu'ils lui permettent de passer au moins une nuit avec eux.

Vampire City Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant