chapitre 3

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  Je commence cette journée en passant chercher un thé avant d'aller à la boutique. J'ai maquillé mes cernes de la veille. Je me suis beaucoup amusée, et fatiguée aussi. Je retrouve Victoria à la boutique, qui affiche un grand sourire.
- Oh Artémis ! C'était génial hier soir ! Il faut absolument qu'on se refasse une soirée tous les cinq ! Thomas et Ethan t'adorent déjà ! Bon, j'avoue que Damiano est un peu rude, mais il est dans une passe compliquée en ce moment.
Je hausse un sourcil.
- Ah bon ?
- Oui, mais je ne peux rien te dire. J'ai promis.
J'avoue que j'aurai aimé savoir ce que Damiano avait, je suis une incorrigible curieuse, mais ça me rassure que Victoria ne veuille rien dire. Ça prouve qu'elle est une personne de confiance.
- T'inquiète pas. J'espère juste ne pas avoir été trop dure avec lui hier...
- Oh non ! Il avait besoin qu'on le secoue aussi ! Anyway, je crois qu'il faut qu'on se mette au travail. Ma tante a déjà reçu quatre cartons, et il faut qu'on range les rayons.
Je vais poser mes affaires dans l'arrière boutique, et pose mon gobelet sur le comptoir. Nous passons la matinée à courir entre la caisse et les cartons, prenant une gorgée de thé froid quand nous avons le temps. Victoria part plus tôt qu'hier, leur programme de répétition étant très chargé. Elle n'a pas voulu me dire sur quoi ils travaillaient, me charriant sur mon statut de fan. Je n'ai pas cherché plus loin, car je déteste qu'on essaie de me tirer les vers du nez. Éric s'occupe de la boutique avec moi cet après-midi, et m'a ramené des Tagliatelle à emporter. Nous nous dépêchons de manger, et je finis de ranger les rayons le temps de passer aux toilettes avant l'ouverture. Le bon point, c'est qu'entre les clients, Éric va pouvoir m'apprendre des choses en italien. Ça fait seulement 3 jours que je suis ici, mais c'est fou comme l'obligation de parler la langue, au risque de ne pas être compris, vous fait améliorer. Je m'amuse à essayer de traduire les chansons du dernier album de Måneskin, Il ballo della vita. Cela m'apprends plein de choses, et j'aime comprendre ce que j'écoute. Je parle en italien avec les clients, Éric restant à côté de moi quand je ne comprends pas ce qu'on me dit. J'appelle ma mère pendant un trou, et apprends que tout va bien en France, et qu'elle a même reçu une prime au travail. Je suis contente que tout aille bien pour elle.

  Ça fait une semaine jour pour jour que je suis arrivée à Roma. Victoria a passé toute la semaine à me tanner pour fêter ça avec le groupe , étant donné que j'ai refusé de sortir avec eux quasiment tous les soirs. Je ne les ai donc pas vus depuis lundi soir, et j'angoisse un peu. Je me sens tellement insignifiante par rapport au talent qu'ils ont. Mais je me sens si privilégiée et chanceuse de pouvoir partager de tels moments avec eux. Mais j'ai promis à Vic que je sortais avec eux ce soir, car je ne travaille pas demain. Je ne sais pas où ils veulent m'emmener, aucun ne voulant me dire ce qu'ils ont préparé. J'enfile une robe en satin noire, normalement pas très courte, mais elle donne cette impression à cause de mes longues jambes. J'enfile une paire de bottes Versace noires, qui m'ont coûté trois bras. Je prends un blazer vert forêt en velours, avec un simple sac à main en cuir noir. Je glisse mon téléphone et prends ma clef à la main en sortant. Dans l'ascenseur, je vérifie que mon maquillage est on fleek. J'ai appliqué un trait d'eye liner, avec du fard à paupière très irisé à l'intérieur de ma paupière. J'ai mis du khôl noir à l'intérieur de mon œil pour accentuer mon regard, et est fait un effet "lèvres mordues" pour mes lèvres. C'est Damiano qui vient me chercher. J'aurai préféré que ces soit n'importe qui d'autre, mais je préfère qu'il m'emmène au lieu de perdre de l'argent bêtement dans un taxi. L'air frais de Rome fouette mon visage quand je sors de l'immeuble, et Damiano fume une cigarette nonchalamment, appuyé sur une Camaro de 1969 bleu électrique. J'écarquille les yeux devant ce bijou, et m'avance pour caresser la carrosserie.
- Mon dieu elle est magnifique.
- Bijou de famille.
Je lui envoies un sourire, avant que sa fumée de cigarette n'arrive à mes narines et me fasses cracher mes poumons.
- Ne vas pas empoisonner cette voiture avec ce truc, ce serait un sacrilège !
Il me regarde avec un sourire narquois, avant d'éteindre sa cigarette dans un cendrier. Je m'installe du côté passager, et admire la beauté des sièges en cuir noir. Mes poumons sifflent un peu à cause de la cigarette.
- Tu peux pas respirer plus fort ?
- Si tu ne fumais pas devant tout le monde ça ne serait pas arrivé.
Il lève les yeux au ciel, et je regarde les rues de Rome défiler devant moi. Je tombe réellement amoureuse de cette ville. Je peux voir au loin de Colisée, et les berges du Tibre. Je tape sur ma cuisse le rythme de Niente da dire, et murmure quelques paroles sans m'en rendre compte. Damiano ne m'adresse que quelques rares coups d'œil, et nous sommes rapidement devant un grand bâtiment, dans l'architecture typique de Rome. Je sors de la voiture et respire l'air, oxygénant au maximum mes poumons. Damiano me fait signe de le suivre d'un hochement de tête, et nous pénétrons dans l'endroit. Il s'agit en faite d'une boîte de nuit, les projecteurs diffusant dans tous les sens nombre de couleurs, donnant aux danseurs la forme d'ombres mouvantes se mélangeant entre elles. Je suis Damiano qui nous ouvre la foule, et nous arrivons au bar, où nous retrouvons Ethan, Thomas et Vic. Celle-ci me saute dessus en me disant combien elle est contente que je sois là pour me saluer, et je fais une bise à Thomas et Ethan. Damiano s'est déjà commandé un Mojito.
- Qu'est ce que tu veux boire ?
Je regarde Vic qui arbore un sourire en coin.
- Je sais pas, je bois pas vraiment.
- On est ici pour s'éclater ! T'as pas de parents pour te surveiller ici tu peux t'éclater !
Je sais qu'elle a raison, mais j'hésite. Je bois rarement, ma mère n'acceptant jamais. Les seules fois où j'ai bu, c'est quand j'allais encore chez mon père, et qu'il nous emmenait dans ses soirées avec des gens de son âge. Mon coeur se sert face aux souvenirs, et je secoue la tête pour les effacer. Victoria m'attrape le bras en me regardant dans les yeux.
- Ca va ? Si tu ne veux pas boire, c'est pas grave, on s'amusera sans alcool t'inquiète pas.
Je force un sourire sur mon visage.

Ils me manquent.

J'ai envie d'oublier.

- Ca va merci. Juste un verre.
Je finis par commander un Sex on the beach, et discute avec le groupe en attendant. Ils me racontent une tonne d'anecdotes sur eux, et je vais finir par mourir de rire s'ils ne s'arrêtent pas. Quand mon cocktail arrive, je sirote une gorgée. Ça fait vraiment longtemps que je n'ai pas vu d'alcool, et le goût me dégoûte au début. Vic se marre face à ma mine dégoûtée, ce qui nous fait tous rire. Sauf Damiano. Il parle encore très rarement, et a le regard perdu dans le vague la plupart du temps. Je suis entrain de rire d'une blague d'Ethan quand mon téléphone sonne. Personne ne m'appelle à cette heure là, donc ça doit sûrement être une urgence. Je blêmis quand je vois le nom du contact : Papa. La pièce tourne autour de moi et les nausées montent. C'est le même effet à chaque fois. Puis la colère arrive en vague elle aussi. Je serre la mâchoire avant de fondre la foule en décrochant. 
- Allo ?
- Coucou ma puce. Comment ça va ?
Je le déteste. Putain je le hais. Il ose me donner des surnoms.
- Ca va. 
Raccourcir la conversation. Au plus vite.
- Il y a beaucoup de bruits autour de toi...
- Ouais. Pourquoi tu m'appelles ?
- Pour te demander comment c'était l'Italie.
Mon cœur rate un battement. Je ne l'ai pas prévenu que je déménageais. Puis je me souviens. Mon père était un ami d'Eric. Putain Éric.
- C'est mieux que la France.
- Je me doute je me doute. Je peux savoir pourquoi je n'ai pas été prévenu ?
Je crois que quelqu'un est arrivé derrière moi, mais j'ai trop mal au crâne à force de serrer les dents pour chercher qui est-ce.
- Parce que je ne voyais de quelle utilité te serait cette information.
Les larmes commencent à couler sans que je le veuille sur mon visage.
- N'oublie pas que je suis toujours ton père. Et que j'estime que j'ai le droit de savoir quand ma fille...
Je le coupe avant qu'il ne puisse finir sa phrase.
- Non non non. Ca fait des années que tu t'es trouvé ta famille, et que j'étais le mouton noir, celui que tout le monde dérange. Tu me faisais venir juste pour m'enfoncer un peu plus après.
Et je veux continuer mon monologue, mais je n'y arrive plus. Car mon mutisme est ma façon d'exprimer ma colère. Ma mère me l'a toujours répété : on répond aux imbeciles par le silence. Mais mon père a toujours cru que quand je me taisais, il avait gagné. Et sa fierté s'entend dans sa voix.
- Oui ma cherie. J'ai enfin trouvé des personnes qui ne me déçoivent pas à chaque décision qu'elles font. Qui ne partent pas à l'autre bout du monde comme des fuyards.
J'ai raccroché avant qu'il ne puisse terminer, et mes larmes dévalent mes joues. Je mets ma main devant ma bouche pour la mordre, m'empechant de faire du bruit. Je m'etouffe, ma cage thoracique se compresse au maximum de sa capacité, et je suis à la limite de rejeter tout ce que j'ai dans l'estomac. Il vient me pourrir jusqu'ici. Il arrive à me faire du mal à travers un téléphone. Et je hais ces larmes que je suis incapable d'arrêter. Parce que c'est ce que je suis. Une incapable, qui ne sait même pas gérer ses parents. Quand je rouvre les yeux, je me rends compte que je suis devant la route. Je me retourne en essuyant mes larmes, juste pour aller chercher mes affaires et rentrer chez moi. Mais je me rends compte que Damiano me bloque le chemin.
- Non pas maintenant Damiano s'il te plaît...
Je l'ai chuchoté tandis qu'il s'est avancé vers moi. Avant que je n'ai pu résister, il m'enlace, tout en laissant une distance respectueuse entre son corps et le mien. Et ça me fait du bien. J'éclate en sanglots, et je me mords la lèvre pour essayer d'arrêter. Mais j'en suis incapable. J'ai trop mal. Je finis par me détacher de lui, et le remercie d'un hochement de tête. Je ne veux pas voir son visage rempli de pitié.
- Tu peux me ramener chez moi s'il te plaît ?
J'ai la voix enrouée, il hoche la tête et pose une main entre mes omoplates quand m'aider à rentrer dans la boîte. Ma tête pulse, et j'ai de plus en plus envie de vomir. Je m'arrête.
- Damiano...

Je vais m'évanouir.

My Måneskin SupremacyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant