14- «y'a d'la meuf dans cette soirée mais moi j'ai vu qu'toi»

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Toujours dans le Flash-back.

"C'était une bonne journée." s'exclama mon frère.

Je posais mes affaires sur le canapé en souriant.

"Oui c'est vrai que c'était sympa..." répondis-je à moitié dans la lune.

"Juste sympa ?"

Je me tournai vers Clément qui me regardait avec amusement. Évidemment qu'il s'était rendu compte de ce je-ne-sais-quoi qui se passait avec Ken.

"Je ne sais pas ce que j'ai préféré aujourd'hui. Mon entretien à Canal ou te voir heureuse de nouveau."

"Ne dis pas de bêtises, Clem..."

"Je suis sérieux. Ça fait des semaines que j'ai pas vu cette lueur dans tes yeux."

"De quoi tu parles ?" dis-je en riant.

Mon téléphone afficha une notification.

"𝙼𝚎𝚛𝚌𝚒 𝚙𝚘𝚞𝚛 𝚕𝚊 𝚓𝚘𝚞𝚛𝚗é𝚎, 𝚙𝚛𝚒𝚗𝚌𝚎𝚜𝚜𝚎."

Je souriais en regardant mon écran.

"C'est de cette lueur dont je parle." dit-il en souriant.

"T'es pas en colère ?"

"En colère ? Pourquoi je serais en colère ?"

"À cause de Guillaume."

"Gui- ? T'as le droit d'aller de l'avant. Tu vas pas attendre éternellement quelque chose qui n'arrivera pas. Je sais que c'est dur, que ça te fait du mal mais ne le laisse pas te détruire."

"C'est juste que... C'est trop tôt. Et même, si jamais..."

"Non. Arrête de te chercher des excuses. Il ne reviendra pas et si jamais il le fait, ça sera trop tard parce que tu sera épanouie, sans lui."

Je fondais en larmes. Il me prit dans ses bras et me réconforta. Il avait des manières assez crues de dire les choses mais il fallait mieux retirer le pansement d'un coup.

Ceci dit, Clément avait raison. J'avais assez attendu, galéré et espéré pour cette relation devenue toxique -ou peut-être l'avait-elle toujours été ? - il était temps d'avancer.

Mon frère desserra son étreinte.

"Tu vas lui répondre ?" murmura-t-il.

Je fis oui de la tête en souriant timidement. Il me tapota l'épaule, doucement et me laissa tranquille, face à ma prochaine décision.

Je répondis à Ken en le remerciant à mon tour et en ajoutant que c'était très agréable de le revoir.

---

Quelques semaines plus tard, Ken m'invita à une soirée avec ses amis qui étaient presque tous des rappeurs, eux aussi, accompagnés par leur copines ou des meufs par qui ils étaient intéressés.

Comme à mon habitude, je m'eclipsais sur le balcon, histoire d'être un peu plus au calme et pouvoir fumer ma clope tranquille. Et comme à son habitude, Ken me rejoignait avec un joint près à être allumé. On se retrouvait tous les deux, coupés du reste du monde, dans notre bulle, à fumer. Sauf que ce soir, je ne voulais pas qu'il me rejoigne. Il était avec une femme qui n'arrêtait pas de danser, soit autour de lui, soit sur lui. J'étais donc assez surprise de le voir s'éloigner pour venir avec moi.

"T'abandonne ta danceuse ?" demandais je.

"T'es jalouse ?" dit-il en me passant le joint.

"Pas du tout." mentais-je.

"Elle trouvera une occupation."

"En attendant que tu ailles jouer sur d'autres tableaux, tu veux dire ?"

"Je suis pas sur de comprendre."

"Et moi je pense que tu as très bien compris."

"Attends, tu me fais quoi, là ?"

Le ton commença à monter, progressivement. La baie vitrée, la musique forte et le brouhaha nous couvraient et empêchaient les autres d'entendre quoi que ce soit.

"Je t'expose un problème."

"En quoi c'est un problème ? En quoi t'en aurait quelque chose à foutre de cette meuf, hein ?"

"T'es complètement con en fait."

"Moi j'suis-? Écoute, règle tes problèmes de cœur avec ton ex..."

"Mes problèmes sont déjà réglés. Sinon je serais pas là, réfléchis un peu !"

"Alors pourquoi tu les calques sur moi ?!"

"Je... Je calque rien du tout."

"Arrête de te mentir, Camille. Tu te fais du mal à penser encore à lui, tu le vois partout et moi je le vois en toi. C'est pour ça que j'ai pas..."

Il ne finit pas sa phrase et il n'en avait pas besoin. Je tirai sur son joint avant de lui tendre. Il le prit, en silence, sans me lâcher du regard. Regard que je n'étais pas capable de soutenir. Les larmes avaient envahient mes yeux et je ne voulais pas qu'il le voit. Au fond, il avait raison. J'avais beau me dire que c'était fini, que c'était du passé, je ne pouvais pas m'empêcher de voir ses erreurs à travers Ken. Pourtant, j'étais sincère dans mes sentiments pour ce dernier. Et ce n'était pas calqué. Peut-être n'étais je pas prête ? Peut-être que c'était trop tôt, trop vite, trop intense ? J'avalai ma douleur et levais les yeux vers lui.

"Je vais rentrer."

"Camille..."

"Amuse-toi bien."

"S'il te plaît, Cam..."

"T'as une danseuse personnelle, profite."

"Camille, attends..."

Je rentrai dans l'appartement, affichant min plus beau faux sourire. Je les saluais, prétextant être fatiguée à cause du boulot et qu'il était l'heure de rentrer. Je pris mes affaires et quittait l'appartement sans voir que Ken me suivait de près.

"Camille, attends moi, s'il te plaît."

"T'as raison. J'suis pas prête."

"J'avais pas l'intention de te brusquer."

"Je sais."

Il posa sa main sur la joue et essuya une larme qui s'était échappé. Le contact de sa main froide sur ma joue chaude me fit frémir. Je posais ma main sur la sienne, l'empêchant de s'enfuir. Nos regards s'entremêlerent en espérant que nos langues finiraient par faire de même. Si j'écoutais mon cœur et mon envie, ça aurait déjà été fait. Mais, par peur, ou par confort, je ne fis rien. Je repoussa sa main, doucement, la faisant quitter ma joue.

"Il vaut mieux que ça n'aille pas plus loin..." marmonais-je avant de quitter l'immeuble.

Cette fois-ci, il ne m'a pas suivi.

Fin Flash-back.

Le mal est faitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant