Troisième Ecume

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Ce n'était pas entièrement de leur faute mais, l'agacement qui résultait de leur attitude commençait à le ronger.

Ceci ajouté au manque de sommeil, de nourriture et au froid, n'arrangeait en rien l'abattement qui le gagnait d'heure en heure.

Les privilèges dû à son rang l'exécraient et il avait espéré qu'en ce troisième jour, les codes se seraient noyés en même temps que leurs espoirs.

Cependant rien n'y faisait, il restait le fils de leur employeur, son plus proche représentant et le laisser porter une brindille semblait être un sacrilège.

Mais ce qui le mettait le plus hors de lui, c'était ces sourires sincères qui le faisait espérer un pied d'égalité et qui finissaient toujours accompagnés d'un regard bas, réinstaurant brutalement la barrière des classes.


Aussi loin qu'il se souvenait, même dans sa propre maison, il avait toujours tenu à remercier timidement les domestiques qui gravitaient autour de lui, sous le regard interloqué de ses parents et de sa gouvernante.

Pendant un temps, il avait été rabroué par ses derniers mais il avait continué, si bien qu'ils avaient fini par mettre cette action sur le compte de la fantaisie de l'esprit.

Parfois encore, sa mère en riait avant d'ajouter : Remercierais-tu les esclaves lorsqu'ils cultivent ce qui termine dans ton assiette ?

Bien sûr, songea-t-il à nouveau, comme il avait pu le faire des millions de fois.

Fort heureusement il n'y en avait pas dans sa maison, son père jugeant que du fait de leur condition, leur travail s'en retrouvait médiocre car il n'y avait aucune récompense pécuniaire au bout de celui-ci.

Mais Jeremiah n'avait jamais pu s'empêcher de glisser un « merci », tout juste murmuré à ceux qui s'occupaient de ses habits lors qu'il se rendait sur le domaine de la famille d'Eléanore.

Leur regard étonné puis pétillant de bonheur, éclairait bien souvent sa journée plus que la présence de sa fiancée à ses côtés.


Pour lui, il était inconcevable que son rang dans la société, le rende incapable d'effectuer un travail manuel.

Après tout, des comtes s'occupaient eux-mêmes de tout l'entretien dû à leur cheval.

Des barons même !

S'il oubliait son bras droit en mauvaise posture, le gauche ainsi que ses deux jambes étaient parfaitement aptes à lui faire remplir des tâches simples comme ramener du bois pour le feu que les matelots entretenaient à tour de rôle.

Il aurait même pu aider à décharger les caisses qui emplissaient les cales du Clarisse, si ce dernier avait survécu à la tempête.


Concernant ce dernier, il n'avait jamais compris pour son père se bornait à ne faire commerce que de bois et de tissus, le long des côtes du vieux continent.

Aux yeux de Jeremiah, les épices n'étaient pas à négliger, surtout aux vues de leur popularité grandissante, et à quel prix elles s'arrachaient.

Et puis de surcroit, son père avait déjà évoqué sa jeunesse et raconté ses voyages en terres asiatiques.

Il savait qu'il n'hériterait jamais de l'entreprise de son père car à sa mort, celle-ci reviendrait à son frère ainé, Ovide mais parfois il se prenait à rêver de sa propre flotte, quittant les eaux qui entouraient l'Europe pour rejoindre des contrées plus lointaines, qu'il avait pu voir décrites dans les livres et les journaux de bord présents dans la bibliothèque familiale.

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