Phoe

Quatrième Ecume

Un soleil franc avait enfin remplacé le ciel brumeux des cinq derniers jours, apportant un peu de chaleur à leurs os frigorifiés.

Si Jeremiah devait véritablement tirer quelque chose de positif du temps, c'était sans aucun doute le nouveau vent de motivation qui avait ébranlé leurs rangs alors que leur moral se faisait aussi faible que les vagues.

Sept jours entiers s'étaient écoulés sans que l'ombre d'un navire ne brise l'horizon, et malgré l'envie de s'en sortir qui s'était fait sentir durant les premiers jours, les averses de la veille avaient soufflé le grain d'espoir qui subsistait encore chez certains d'entre eux.

Même s'il avait pu prendre pleinement part aux activités du camp, Jeremiah devait bien avouer qu'il ne s'était pas plus inquiété que ça de la situation jusqu'à ce matin lumineux.

Affirmer le contraire aurait été un mensonge.

Certes l'épreuve actuelle était de loin plus difficile que tout ce qu'il avait pu vivre durant sa courte vie mais malgré ses choix, il avait tant l'habitude que quelqu'un gère les principaux obstacles à sa place qu'il avait simplement fait ce qu'il avait à faire, sans creuser plus loin.

Et si dans un premier temps, son avis avait été recherché, la demande s'était par la suite tarie.

Mais alors que l'aube perçait avec clarté dans le ciel, la voix ragaillardie de Calixte s'était élevée, bien vite accompagnée par celle de Myria ainsi que celle de Solal, éveillant chez le fils de marchand une crainte qui lui coupa le souffle alors que son regard croisait le sourire pétillant d'Achille.

— Nous pouvons le faire, argua Calixte face au regard dubitatif que lui offrait Edmée.

— As-tu seulement la moindre idée de comment faire des nœuds suffisamment solides pour que ces arbres soutiennent six personnes, peu importe le courant que nous affronterons ? fit cette dernière alors qu'elle continuait d'alimenter le feu. Les cordes que nous avons sont tout juste assez bonnes à soutenir la toile tendue au-dessus de nos têtes en l'absence de vent.

— Avons-nous vraiment le choix ? Penses-tu que nous devons continuer d'espérer qu'un navire croise assez les côtes pour nous apercevoir, même si cela doit arriver dans six mois ? Nous sommes tous fatigués, quoi qu'on en dise, même blessés pour certains. Je pense qu'il est plus sage de tenter de rallier le continent plutôt que de vivoter ici. Et ne fait pas comme si tu n'avais personne pour t'attendre sur le quai des docks Edmée.

Cette dernière ferma les yeux dans une grimace avant de les rouvrir et de remuer les braises.

L'indécision que Jeremiah pouvait apercevoir dans son regard quelques instants plus tôt s'étaient tue, remplacée par une résilience ombrée d'une légère envie.

Un amant, elle ne semblait pas mariée, des parents peut-être ?

Jeremiah ne savait pas qui pouvait bien l'attendre, autant les autres se dévoilaient peu à peu qu'elle, malgré son entrain pratiquement inépuisable, était sur sa vie bien plus muette que l'était Achille, alors que ce dernier malgré sa condition trouvait toujours le bon moyen pour exprimer ce qu'il avait à l'esprit.

— Tu sais que si je propose ça, c'est que je suis certain que nous en sommes capables. Est-ce que tu m'as déjà vu prendre des décisions irréfléchies depuis toutes ces années où nous naviguons ensemble ? demanda Calixte alors qu'il s'était relevé, époussetant la terre de ses vêtements.