Deuxième Ecume

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Lorsque l'aube pointa à l'horizon, amenant avec elle une brise qui gela une nouvelle fois Jeremiah jusqu'aux os avant de le faire tousser bruyamment, ce dernier concéda qu'il aurait dû faire comme les autres la veille et se départir de ses vêtements détrempés.

Sa chemise de lin, encore gorgée d'humidité lui collait tant à la peau qu'il craignait de ne pas pouvoir la retirer, tout comme son pantalon qui arborait des tâches de sel sur le tissu bruni par l'eau et la terre.

Plus tard, songea-t-il, quand le soleil sera présent et que je ne risquerais pas de geler de l'intérieur.


Jeremiah se leva péniblement, époussetant vainement ses habits de ses mains ankylosées par le froid avant de boitiller vers le feu qu'entretenait Achille, le plus jeune de leur petit groupe.

Muet, ce dernier lui offrit un grand sourire lorsqu'il l'aperçu, avant d'agiter sa main pour lui faire comprendre de venir s'installer près de lui.

Ses cheveux roux aux boucles croutées par le sel et les lèvres ainsi que le dessous des yeux bleuis par l'air glacial, s'agitèrent alors qu'il entreprit de lui faire comprendre avec un émerveillement certain, quels animaux il avait pu croiser depuis qu'il avait pris son quart.


Les sourcils froncés et les doigts rougis par la proximité du feu, il mima ce que Calixte avait déniché pour le premier repas de la journée, laissant à Jeremiah un goût amer d'inaction sur l'estomac.

Tout le monde autour de lui s'activait bien avant le lever du soleil alors que lui-même n'avait pas bougé le petit doigt, ne songeant qu'à Oh combien la nuit lui avait semblé interminable et douloureuse.

Il devait trouver une tâche où il pourrait se rendre utile.


Les autres ne tardèrent pas à les rejoindre, échangeant avec Jeremiah les banalités d'usage, qui allèrent de l'état du ciel à comment s'était déroulée sa nuit.

Achille s'occupa de ce que Myria et Calixte avaient pêché, ces derniers chuchotant à voix basses des mots que Jeremiah n'arriva pas à percevoir.

Il posa donc son regard sur Solal et Edmée qui s'attelaient à faire sécher ce qui semblait être des fragments de cartes marines.


Calixte était arrivé avec elles dans les bras, laissant à Myria le soin de porter les poissons, un sourire à demi soulagé sur les lèvres bien que ses yeux reflétassent son anxiété et ainsi que ses doutes.

Un coffre, marqué du sceau du Capitaine, avait été rejeté par l'eau alors que le soleil se couchait, contre les rochers qui bordaient la petite crique où ils s'étaient échoués.

Celui-ci débordait d'écrits personnels et de feuillets de journal de bord détrempés par les vagues mais, sous ceux-ci, se trouvait une petite cache qui renfermait plusieurs cartes.

L'encre avait coulé par endroits à cause de l'humidité mais Calixte avait bon espoir qu'une fois sèches, il leur serait possible de trouver l'endroit où ils étaient.

Et surtout d'estimer à quelle distance des côtes ils avaient chaviré.


L'estomac vaguement rassasié, Jeremiah s'achemina jusqu'à la lisière du bois où Calixte, Solal et Edmée s'étaient installés juste après avoir englouti leur repas, s'attelant déjà à décrypter les fragments de cartes qui étaient à peine secs.

Tous trois débattaient bruyamment, les sourcils froncés, peinant à s'accorder sur où se trouvait le nord.

Les séquelles de la veille commençaient à se faire sentir, quoi qu'ils en disent et les esprits se faisaient incertains.

Mais ils s'accordaient tous à dire que compte tenu du paysage où ils évoluaient depuis le naufrage, ils devaient se trouver sur une île non loin des côtes anglaises et écossaises.

Les évènements leur avaient semblé durer une éternité mais il était peu probable qu'ils aient tant dévié de leur route.

Ils n'excluaient pas s'être échoués sur une terre islandaise mais malgré le froid de ce début de printemps et la difficulté qu'ils avaient à se réchauffer, Solal affirmait que l'humidité et les vents glacés seraient plus prégnants s'ils étaient plus au nord des côtes qu'ils sillonnaient depuis des années pour livrer leurs marchandises.


- Le relief me fait penser à celui de l'archipel des îles Scilly, admit finalement Edmée du bout de ses lèvres gercées par le froid alors le soleil, noyé dans les nuages, atteignait son zénith. Quand j'étais sur l'Atlante, il nous arrivait parfois de faire une escale dans le port de St Agnes. Si cette idée est bonne, peut-être sommes nous sur l'un des îlots qui constituent l'archipel ? Le territoire est connu pour ses nombreux naufrages à cause des récifs alors...


Sa voix, chargée de timidité tremblait légèrement et Jeremiah crus un instant que les autres allaient lui rire au nez après l'énonciation de son hypothèse mais personne ne moufta, ils se contentèrent simplement d'acquiescer avant de reporter leur regard sur les cartes.

Voir tant de considération offerte aux dires d'une femme, lui laissa une sensation plus exaltante qu'il ne l'aurait cru.

Si seulement Henriette pouvait être écoutée de la sorte, que leur père accorde du crédit à ses envies et ses pensées, au lieu de la reléguer comme une potiche, juste bonne à distribuer son doux sourire, près des tapisseries lors d'évènements mondains.


- Qu'en pensez-vous ? Monsieur ? ajouta Calixte face à l'absence de réponse qu'il reçut.


Jeremiah se redressa, quittant du regard l'horizon où ses yeux s'étaient perdus et glissa sa main valide sur sa nuque, décontenancé.


- Je...commença-t-il avant qu'une toux rauque de gêne ne quitte sa gorge. Je ne sais pas. Je n'ai pas l'habitude des reliefs par ici, je serais incapable de me retrouver sur une carte.


Il allait au minimum passer pour un privilégié, loin des difficultés du monde mais que pouvait-il y faire ?

Il était le fils d'un riche marchand sans titre, qui connaissait la vie à travers les livres plus que par la réalité.

Ses compagnons d'infortune n'auraient besoin que de quelques instants pour déterminer qu'il mentait, s'il décidait de se positionner sur quelque chose autant en dehors de ses compétences.


- Merci pour votre franchise Monsieur, c'est tout à votre honneur. Et c'est bien loin de celle de feu le capitaine, fit Myria qui venait de les rejoindre, ses jupes humides abandonnées pour un pantalon de toile.


PhoeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant