ECHEC ET MAT

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Chère Ruby,

S'il fallait que je te fasse une liste des questions qui me traversaient l'esprit lorsque j'avais ma tête entre tes cuisses, je dirais que cette liste aurait pris autant de jours qu'avait duré notre mariage. Et l'une de ces questions serait: Aurais-tu voulu de moi dans la période la plus sombre de ma vie?

Il fût un temps où j'aurai préféré mourir que de redevenir l'ancien moi. Ce temps où j'aurai donné ma vie pour toi, pour Jacob, pour cette famille dont j'avais tourné le dos.

il fût un temps, mais aujourd'hui ce temps là est révolu car me voici, dans mon ancien corps, prêt à faire machine arrière pour réparer mes erreurs et surtout pour mettre fin à cette maudite génération qu'a créé mon père..

"Tu as l'air bien distrait aujourd'hui, Reeves. Est-ce une femme qui te travaille l'esprit?" Le ton moqueur de mon vieil ami provoque des gloussements étouffés dans la salle un peu trop sombre à mon goût, ce qui fait que la tension est encore plus épaisse qu'elle n'est supposé l'être.

Enfin, si on ne compte pas le fait que l'un de nous perdra la vie une fois que sera terminée cette partie d'échec.

"Tu ferais mieux de te concentrer sur ta manière de jouer au lieu de me fixer comme un con." Je retourne sans humour.

Une autre vague de gloussements remplit la salle.

"Ton père a vraiment créé une oeuvre d'art." Il souffle, le regard toujours scotché sur mon visage.

"Tu me déçois beaucoup, et moi qui croyais que t'étais immunisé contre ma beauté."

"C'est bien dommage que je sois obligé de te tuer, quand j'y pense, j'aurai bien voulu faire de toi ma pute."

Avec ces paroles, je serre les dents. Il vient de frôler un sujet sensible mais je ne le montre pas. Tout au fond, je sais qu'il y a encore cet homme, l'homme qui appartenait autrefois à une femme avec qui il venait d'avoir un fils. Je le sens encore mais je ne peux pas me permettre de le laisser sortir dans un endroit aussi dépourvu d'humanité. Il ne survivrait pas ici.

Je me pince alors les lèvres en lui faisant un sourire forcé. Il est plutôt confiant pour quelqu'un qui va se faire abattre dans les minutes qui suivent et voyant la position dans laquelle il vient de se mettre, je me permets un léger ricanement.

Son roi est coincé. Tout mouvement lui sera fatale et s'il décide de me laisser jouer, ce sera l'échec et mat le plus humiliant de l'histoire.

"Abandonne." Je lui murmure.

Il a le visage crispé de quelque chose que je n'arrive pas à décrire et il reste planté sur sa chaise en me fixant dangereusement.

"Je suis sûre que t'as triché pendant que j'avais le regard tourné." Il lance furieusement.

C'est une blague j'espère!

"Cristiano mon ami, toi et moi savons très bien qu'il est impossible de faire un quelconque mouvement sans attirer l'attention de tous ces hommes autour de nous et tout cela en moins d'une seconde." Je soupire, exaspéré.

Cette partie m'a donné faim.

"Avoues!" Il se lève d'un bond et mes hommes pointent tous leurs armes sur lui en attendant mon signal.

Je reste assis, les yeux rivés vers lui.

"Que t'aurait-il coûté d'abandonner la partie?"

"Pour quoi faire? Tu m'aurais tué de toute façon." Il me dévisage, le regard rempli de fureur.

"Ce n'est pas très fair play de ta part, Cristiano. Je t'aurai peut être laissé la vie sauve et décider de ton sort plus tard. J'ignorais que t'étais aussi mauvais perdant." Je lâche un rire presque inaudible en me levant à mon tour.

GRENADEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant