| Annulation | Satoru Gojo

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     Les cheveux gris foncé, les yeux bicolores, d'étranges cicatrices séparant ton corps en plusieurs parcelles. On aurait dit que tu avais été assemblée grâce à des coutures mal dissimulées. Chaque fois que tu passait devant un miroir, ta propre apparence te surprenait. Mais ce n'étais rien comparé ou jour ou tu avais appris ton propre décès en première page du journal.

     Avant, tu menais une vie dont tu rêvais. Tu travaillait avec toutes les écoles d'exorcisme du pays, menant de passionnantes recherches sur le phénomène des fléaux. Tu ne te lassais jamais d'expliquer avec brio chaque nouveaux cas, te rapprochant un peu plus de la vérité. Tu terminais chaque explications par le salut d'une foule imaginaire, et les quelques chercheurs sous tes ordres trouvaient le moment propice à quelques applaudissements, t'entraînant un peu plus dans ton rôle.
Traverser précipitamment ton laboratoire pour éviter une effusion de chair, donner vie à des fléaux d'expériences, malmener tes petits protégés. Tout était bon pour comprendre, et l'ardeur que mettais dans tes travaux t'avais amené si haut que tu atteins un jour un point de non-retour.

     Un soir, quasiment seule dans ton bâtiment, tu avais découvert l'unique secret de fabrication de ces étranges créatures. La moitié du chemin était parcourus, il ne te restait plus qu'à inverser le processus pour faire disparaître les fléaux de la surface de la terre. Ton expérience la plus concluante était même dotée de conscience. Une petite boule de chair qui pouvais se donner la vue et créer ses propres membres.
Tu ne l'avais quitté des yeux qu'une seconde, le temps d'écrire la date et l'heure de ta découverte sur un petit calepin. Quand tu sentis ton bras droit s'engourdir. Tu lâcha son stylo, perdant progressivement le contrôle de ton corps. Alors que tu t'écroulais, consciente de ton impuissance, tu le vis derrière toi. Ce petit fléau qui n'était autre que ta propre création s'était laissé passé à l'état liquide afin d'attraper la seringue. Il t'avais injecté le produit dans le bras alors que tu écrivait.

Peu de temps après, tu perdit connaissance.

     Plusieurs heures de sommeil profond plus tard, tu fus réveillé par ton prénom. Tes collègues te cherchaient tous et t'appelaient. Ce fut l'un des moments les plus frustrant de ta vie, tu était comme coincée dans une autre dimension. Tu ne cessait de leur répéter que tu était là devant eux, et tu compris vite qu'essayer le contact physique ne leur faisait rien. Certains sentaient un poids sur leur épaule qu'il voulaient chasser. Votre monde vous séparait alors que vous étiez dans le même pièce.
Lorsque tu appris ta propre disparition, puis ta propre mort, tu passait tes journées à observer les recherches que menaient tes camarades encore humains. 

Mais ça c'était jusqu'au pire jour de ta vie de fléau.

Une nouvelle venait d'arriver d'un pays étranger pour aider ton ancienne équipe, qui avançait au ralentis depuis ta mort. Elle avait les mêmes cheveux (c/c) que toi avant. Mais au lieu de te t'ignorer, elle s'arrêta face à toi et hurla au fléau.

Tu ne remis plus jamais les pieds au laboratoire.

     Ton sens de l'adaptation ne t'avais pas quitté lui. Tes années de scientifique te servirent aussi beaucoup. En quelques mois, tu avais déjà testé toutes les transformations possibles. Tu pouvais devenir un homme ou une femme, ou même un animal, changer la couleur de tes yeux, tes cheveux, ta peau, tout. Tu avais même retrouvé ton apparence d'humaine, mais tu ne voulais plus l'associer à ce que tu étais devenu.
Aussi, tu n'avais aucun lien avec l'énergie des exorcistes ou des fléaux. En fait, au delà de tes métamorphoses, tu n'avais absolument aucun pouvoir, aucune énergie et une aura presque effacée.

     Un jour tu te baladais dans les rues de Tokyo, évitant inutilement les passants. Parfois une pensée étrange te donnais l'impression de trouver ta situation intéressante. Mais tu pensais aussi qu'accepter et étudier ton propre cas reviendrait à céder à la folie. Y être tolérante t'étonnait déjà suffisamment, alors en devenir totalement consciente s'apparentait à un immense gouffre brumeux.

Manga x ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant