10 jours

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Voilà dix jours, que j'ai embrassé ton front pour la dernière fois.
Dix jours où j'ai été contrainte de te dire au revoir.
Ce que tu étais beau dans ton costume, il se mariait à la perfection à tes fameuses mèches blanches juste au dessus de tes tempes.
Elles ont toujours été ton plus grand charme.
Il te manquait un bouton au niveau du col de ta chemise... la beauté soulignée d'une imperfection était-elle ta signature ?
Je n'oublierai jamais ce regard que tu as eu quand tu as vu que tes trois filles étaient là pour t'accompagner jusqu'à ta dernière demeure.
Le dernier regard, la dernière fois où tu as été conscient du monde autour de toi.
Un monde sans paillettes, sans chichi, un monde qui t'a maltraité, détruit..
Pourtant dans tes yeux je voyais la lueur étincelante d'un monde merveilleux avec le soupçon d'une éternelle innocence.
C'est fou comme après ces dix années de souffrance tu as su tout effacer.
Comme si j'avais encore mes 10 ans.
Car oui, dans ces torrents de larmes que nous versions, nous avons eu le bonheur d'avoir un dernier regard empli de l'amour d'un père, notre père.
Je suis tellement désolée d'avoir laissé dix années nous détruire, te détruire ..
Tu as perdu tellement de poids, tu n'étais plus le même si bien que si tu n'avais jamais poser tes yeux sur moi, je ne t'aurais jamais reconnu.
On dit que le regard ne trahit pas, et cela prend tout son sens désormais.
Et maintenant ? Comment je me sens ?
Je dirais que je suis ensevelie dans un profond brouillard, perdue entre l'incompréhension due à ta perte aussi brutale, la haine que j'éprouve envers cette décennie jetée à la poubelle et cette tristesse profonde qui me prend les tripes.
J'ai passé mon enfance à me demander pourquoi tu t'étais enfermé dans l'alcool et c'est seulement à ton enterrement, quand j'ai rencontré ta famille, que j'ai compris..
Je suis navrée que tu aies été entouré de personnes aussi néfastes tout au long de ton existence.
Pardonnes moi mais j'ai longtemps pensé que tu étais mauvais.
Au final tu étais l'ange déchu des enfers.
Et j'aurais tellement aimer te protéger, si tu savais...
Peut être que ta vie aurait été différente loin de ces monstres.
En tout cas, je suis heureuse d'avoir eu la chance de savourer des appels téléphoniques avec toi.
Je suis heureuse que tu aies pris le temps de me parler de toi, rire avec moi.
Je n'aurais jamais imaginé que cela puisse se terminer.
Personne n'est immortel et pourtant j'avais espoir de ne jamais recevoir cet appel de l'hôpital.
Comment pouvons nous nous préparer à la mort d'un parent ?
Y a t-il des tutos sur youtube ?
Non certainement pas.
Tout ce que je sais c'est que la haine me donne la force de me lever le matin car je sais qu'un jour je te rendrais l'honneur qu'on t'a prit.
Un jour je te vengerai et je te promets que je ferais ça bien.

PS: Je regrette d'avoir longtemps été incapable de répondre à tes ''je t'aime'' glissés furtivement avant que nous ne raccrochions au téléphone.
J'aurais aimé être comme les autres enfants et avoir appris à répondre :
''Moi aussi je t'aime, Papa''.

Douce Insomnie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant