📚 ASILE - T1 - Sauver ou Périr

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AdrianMestre75

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AdrianMestre75

Critique avec spoils. Ne lisez que la conclusion si vous souhaitez les éviter.

Avancement de lecture : C20 - Fin de la première partie.

Contenu mature : seulement sur quelques chapitres et l'auteur a mis les warnings en entête.

Avec Asile, je m'attendais à de la grande littérature ; je n'ai pas été déçu. Je connaissais déjà les qualités d'écrivaine d'AdrianMestre grâce aux Alternautes (est-ce que tu comptes le reprendre un jour ? *yeux de cocker suppliants*) et les rares petits défauts de forme que j'avais pu surprendre dans cette histoire ont été totalement corrigés dans Asile.

C'est un point à souligner : ce roman est d'une qualité et d'une exigence que l'on attend d'un livre passé entre les mains d'un éditeur et vendu en librairie. Il y a un travail conséquent de réécriture et on en voit les fruits.

Je n'ai pas relevé de caractéristique stylistique particulière (sur la prévalence de certaines figures de style, entre autres), en revanche je salue la précision du vocabulaire. Nous avons affaire à un univers de SF à penchant post-apo, par conséquent, les descriptions occupent une place légitime et importante pour nous immerger dans cet environnement inconnu. Et le choix des mots mûrement réfléchi les rend efficaces et pertinentes. Je ne les ai jamais trouvées ni lourdes ni bâclées, juste en bonne proportion.

Un gros pan d'intrigue se base sur le médical, la biologie, la génétique... Là encore, les explications sont techniques sans jamais être pesantes ou floues. Il m'est arrivé de tomber sur des auteurs qui pataugent dans la semoule dès qu'il s'agit d'expliquer une science sans le background scientifique adéquat. Dans le cas, d'AdrianMestre, soit elle disposait déjà d'un bon socle, soit elle a poussé les recherches, ou les deux. En tout cas, l'effort se voit !

Mais bigre ! Je ne vous ai point fait de résumé que je commence déjà à parler de l'intrigue. On va rattraper ça :

Bienvenue sur Asile, planète d'accueil pour ces cons d'humains qui auront trop bousillé LaGaïa, leur terre mère. Et quoi de mieux qu'un terrain de jeu vierge pour répéter les erreurs du passé ? Vous croyez quand même pas qu'on est capables d'apprendre à faire mieux ?
Nous suivons donc les aventures de Gabriel, un traqueur exo (une sorte d'homme à tout faire qui marche en canard tant il en a dans le pantalon – bah oui, explorer les no man's land, c'est pas pour les bonnes gens tassés derrière les murs d'Eklonn, la cité état). Il est accompagné de Sativa (une IA panthère beaucoup trop puissante, mais dotée d'une empathie exacerbée un poil encombrante pour les affaires de notre traqueur) et de Sioban (une enfant des Franges – l'extérieur de la cité – toxicomane). Gabriel se voit contraint d'accomplir son contrat dans les terres désolées d'Asile chargé de ce boul... de cette jeune fille, à qui Sativa impose de porter assistance.
Hélas, tout ne se passe pas comme prévu. Rapidement détourné de sa quête initiale, Gabriel se retrouve mêlé à un vaste réseau de prostitution et trafic de drogue, à d'étranges disparitions et à des créatures passionnées de démembrement.

Ma première impression, au début de ma lecture, était : « houlala, ça part dans tous les sens. On dirait moi quand je joue à Fallout et que j'accepte dix milliards de quêtes jusqu'à en oublier la principale. » Par chance, l'histoire se tient. On doit parfois faire le grand écart entre les différents morceaux, mais ça tient bon.

On réalise que l'intrigue est finement pensée afin que les petits détails éparpillés (comme les hives ou les wu) se raccordent. C'est différent d'une histoire qui amène les éléments de lore au moment propice et dans laquelle les évènements vont s'enchaîner de manière quasi autonome : A -> B -> C... AdrianMestre a choisi de préparer une exposition longue pour tout faire fusionner, ce qui donnera plutôt : A + B + C = ABC.

Ainsi, cette latence et ce manque de perspective du début finissent par déboucher sur des enjeux clairs à la fin de la première partie. Les sous-quêtes, distribuées par les PNJ attirés par l'aura guerrière de Gabriel, fusionnent pour devenir LA quête principale (oui, Heurtebise va attendre longtemps ses madogs). Ce qui aboutit à une structure intelligente et finalement assez réaliste.

Je trouve qu'il n'y a rien de plus artificiel que le personnage qui se voit attribuer un rôle de sauveur du monde, d'emblée, par le biais d'une quelconque prophétie murie au schnaps dans l'antre enfumé d'une diseuse de bonne aventure. Bon alors, il y a un peu de ça avec le maître hive à la fin de la première partie, mais Gabriel n'était pas forcément désigné au départ : il s'est illustré par la somme de ses différentes actions. Et il a le choix.

Par contre, là où le réalisme pèche, c'est par certaines ficelles narratives. À plusieurs reprises, un personnage surprend une conversation entre deux méchants et ces derniers dévoilent, de manière bien pratique, les tenants et aboutissants de leur plan machiavélique. Une fois, ça passe ; quatre fois, c'était beaucoup. (Après, c'est cohérent, c'est comme dans les jeux où la conversation entre les PNJ se déclenche quand le héros a terminé sa phase d'infiltration.)

Je me doute que c'est quelque chose de difficile à améliorer quand tu as besoin de ces scènes pour faire avancer l'histoire. Peut-être qu'il serait possible de les rendre naturelles en exposant moins d'infos (par exemple, l'entrevue entre Isabella et Zermatt, Gabriel va de toute façon découvrir l'étendue de leur projet par d'autres biais plus tard, donc ils peuvent peut-être se contenter de quelques sous-entendus pour que G ait des doutes sur I). Tu peux aussi faire en sorte que ces discussions aient une raison d'être plus solide (par exemple, l'entrevue entre Ouerdji et Isabella dans son labo, j'avais un peu l'impression qu'elle lui faisait visiter son installation. Ça aurait pu être intéressant qu'elle le convoque pour lui donner une mission et que, dans la foulée, une machine fasse des siennes, provoquant les questions de Ouerdji et donc des explications de la part d'Isabella).

Concernant les personnages, je les ai trouvés bien cohérents et variés. Par contre, ils étaient très cloisonnés dans leur rôle de gentil ou de méchant. Il n'y a qu'un moment, C17, où Isabella se dévoile et qu'on apporte cette nuance bienvenue, grâce à son passé et ses motivations. J'ai trouvé ça très bien ! Mais à l'échelle du roman, un bout de chapitre, c'est peu...

Après, c'est intéressant d'avoir différents méchants aux objectifs divers, et qui s'opposent ! Ce n'est plus tant les gentils contre les méchants, mais les méchants qui se tapent dessus entre eux et les gentils qui essayent d'en réchapper.

Sinon, j'ai un peu regretté que Sativa et Sioban disparaissent de l'histoire. Bon, elles vont réapparaître, mais ça déséquilibrait un peu la situation au profit de Gabriel x Sorrow. Après, c'est pas un problème, juste que j'aurais aimé les découvrir un peu plus.

Dernier détail, dans le résumé de ton roman, tu marques :

« C'est compter sans le destin facétieux qui lui a collé dans les pattes un félin-droïde têtu, des enfants égarés et une chimère diablement séduisante. »

Perso, quand je lis « chimère » après une énumération comportant « félin-droïde » et « enfants », mais je m'attends à ce qu'il s'agisse vraiment d'une chimère, pas d'une image pour désigner l'inaccessibilité du docteur Sorrow. Ou alors, Sorrow s'avérera réellement être une chimère (ce qui expliquerait son habilité au combat), mais dans ce cas-là, c'est un peu du spoil, sachant que c'est une révélation qui n'advient avant très longtemps.

En conclusion :

Je retiens d'Asile la très grande richesse de son univers, les chouettes idées autour des différents clans (même si ça me fume un peu qu'un des clans ne se définisse que par sa consommation de drogues xD), l'effet « promenade » dans ce monde aux couleurs sinistres et la variété des enjeux et intrigues. Je verrai parfaitement Asile en jeu vidéo, étant donné le lore et la structure narrative en « quêtes ». J'ai vraiment apprécié la lecture grâce à l'écriture très travaillée et l'intrigue cohérente. Le fait que les personnages s'affrontent avec des objectifs différents donne du relief au scénario et le rend captivant malgré quelques ficelles. 

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