C'était un lundi matin pluvieux lorsque M. Walter, comptable pour une entreprise de renom, quitta l'air morose son appartement du troisième arrondissement de Paris. Il devait se rendre dans le sud pour un voyage d'affaire fastidieux qui ne le ravissait guère. En effet, M. Walter appréciait la routine du quotidien, il aimait à ne pas avoir à organiser par avance ses journées et se plonger durant de longues heures dans les nombres.
Cependant, lorsque son directeur lui annonça le vendredi précédent qu'il avait besoin de lui prestement, il sût pertinemment qu'il lui était impossible de refuser l'offre.
C'est alors qu'il avait réservé avec dépit son billet de train pour le lundi matin aux aurores et qu'il avait rangé sans joie quelques chemises blanches dans une minuscule valise.
Au bas de son immeuble, un taxi l'attendait déjà dans les rues vides de la capitale et le dirigea avec une facilité déconcertante jusqu'à la Gare du Nord, ce qui eut le don d'énerver M. Walter qui avait compté sur les bouchons pour rater son train.
C'est en trainant les pieds qu'il se dirigea jusqu'à l'engin à vapeur, passa la porte avec un soupir et chercha un siège où s'asseoir. N'ayant pas envie de dépenser de l'argent inutilement dans un voyage qu'il n'avait pas choisie, M. Walter avait réservé son billet pour la seconde classe au lieu de la première qui lui était généralement accordée.
Bien qu'il eut une place attitrée, les wagons étaient presque vide et M. Walter conclut qu'il avait l'occasion de choisir son propre siège.
Il passa ainsi plusieurs compartiments, désirant être seul.
Le premier ne lui convenait guère en raison de plusieurs enfants qui, même s'ils étaient silencieux jusqu'ici, pouvait réveiller en eux une colère monstre au cours des cinq heures de trajet.
Dans le deuxième, un couple amoureux était en train de s'embrasser. M. Walter ne désirait nullement subir des bruits écœurants de bouches et de salives se collant et se décollant avec fougue si matinalement et, ayant pris un sandwich dans une boulangerie près de la gare avant de partir, il ne voulait point risquer de régurgiter son repas.
Lors du troisième compartiment, c'était une femme âgée qui le regardait de travers depuis son arrivé qui le dérangea.
M. Walter comprit que sa présence n'était pas souhaité et poursuivit, non sans un regard noir en coin, sa route.
C'est alors que le quatrième compartiment, désert, se présenta à lui. M.Walter choisit un siège au hasard du côté droit, dans le sens de la marche, juste à côté de la vitre afin de lui permettre d'observer le paysage si l'ennuie le gagnait.
M. Walter positionna sa valise sur le siège passager, désirant consciemment éviter tout contact avec un nouveau venu qui aurait souhaité l'importuner. Il observa alors les va et vient des passants, scrutant attentivement sa montre. C'est lorsque le train se mit enfin en marche que M. Walter se permit de pousser un soupir de soulagement. Il était seul dans son wagon et devrait le rester durant l'entièreté du trajet.
Il décida, dès cette réflexion faite, de sortir son journal du matin de sa mallette et de le lire, afin d'être au courant des dernières nouvelles ayant touché la ville lumière.
Il scella au bout de son nez des lunettes de vue réservée à la lecture et c'est à ce moment là qu'il remarqua, posé maladroitement au fond du siège de la banquette d'à côté, un carnet noir de la taille d'un roman. M. Walter poussa un juron, se maudissant de s'être installé près d'un inconnu. Il devina que ce dernier avait dû se rendre aux toilettes et serait bientôt de retour.
L'idée de changer de place effleura l'esprit de M. Walter mais, ne voyant pas d'autres affaires joncher le sol ou les hauteurs, il espéra que l'inconnu changerait de place face à son regard perçant.
Il commença dès lors sa lecture en apprenant qu'un vol avait eu lieu dans la soirée dans une bijouterie de son arrondissement. Deux jeunes avaient braqué le magasin lors de sa fermeture en menaçant la propriétaire avec un fusil de chasse. M. Walter se questionna un temps sur la raison de posséder un fusil de chasse dans la capitale avant de poursuivre avec une vaine attention sa lecture. L'on couvrait un débat politique entre deux ministres, inconnus au bataillon, qui reprochaient l'un à l'autre des détournements d'argent douteux.
C'est seulement au bout d'une vingtaines de minutes, en ne revoyant personne revenir à ses côtés, que M. Walter s'interrogea sur ce mystérieux carnet qui semblait être abandonné. Il l'observa, de loin, une curiosité maladive le gagnant et le poussant peu à peu à vouloir voir ce qu'il refermait. Il hésita longuement, ayant peur que l'on le surprenne avec le dit manuscrit entre les mains. Ce fut après une dizaine de minutes supplémentaires et la lecture d'une nouvelle affaire plus ennuyante que les deux autres que M. Walter se décida de reposer son journal et de se rapprocher de l'objet qui alimentait sa curiosité.
Il le prit délicatement, le retourna, les sourcils froncés, avant de l'ouvrir à la première page. C'est à ce moment qu'il vit, écrit délicatement avec un plume et de l'encre bleu, le prénom de la détentrice du livre : Roxane L.
Une adresse rayée figurait en dessous de son prénom et avait été remplacée par une nouvelle : 6 rue des colombes, Toulouse.
Un sourire sarcastique se figea sur les lèvres de M. Walter. Il se rendait lui aussi à Toulouse.
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La fille du train
Nouvelles« La vie, ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre à danser sous la pluie ». M.Walter, comptable parisien, doit se rendre dans le sud pour des affaires importantes. S'il avait trouvé une solution pour qu'une autre de ses c...