Chevauchée

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- En chaque homme se cache une obscurité sordide, qu'il ne vaut mieux pas voir, si on le peux.

- Pas tous.

[...]

- Pas lui.

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Le convoi continuait sa route.
À l'arrière, le spectacle comique d'un enfant essayant de lancer un bâton à un dragon de presque deux fois sa taille faisait bien rire les gardes.

- Mais je suis pas un chien !

- Pourtant t'as l'air de bien savoir ce que c'est pour quelqu'un qui connaît pas les humains !

- J'ai jamais dit que je connaissais pas les humains ! Sinon comment j'aurais appris ta langue ?

- Je sais pas moi, avec ta magie ?

- T'es vraiment bête.

- Hé ho j'te permets pas chuis ton maître !

- Un maître vraiment bête.

Soudain le blond se mit à courir après le gros lézard, qui se prenant au jeu couru lui aussi. Et ma foi, il courait bien plus vite. Katsuki s'arrêta, essoufflé, et Eijiro revint vers lui.

- Déjà fatigué, petit prince ?

- Tais... huhhhh... toi...

- Quelle endurance !

Le dragon s'amusait gentiment des compétences physiques de son maître. Cela dit, ses jambes étaient chacune plus grande que l'enfant. Et comme le fit remarquer Katsuki, ayant repris son souffle :

- C'est pas juste !! Et je suis pas petit !

- Pourtant, petit prince te va si bien comme surnom.

- Espèce de gros lézard ! Tu vas voir c'est qui le patron !

Le blond s'approcha et essaya vainement de monter sur le dos de la créature. Celui s'exclama alors :

- Attend, ça sera mieux comme ça.

Et sous les yeux épanouis de la totalité du cortège, le dragon s'agenouilla humblement devant ce jeune souverain, lui permettant ainsi de s'installer sur son échine.

La scène était à couper le souffle. Bien que ce ne soit que pour un jeu, Eijiro semblait montrer sa totale dévotion à Katsuki, dans une révérence noble. Même l'enfant prit un instant tout comme le reste des voyageurs, pour contempler ce majestueux spectacle, émerveillé.

Il comprit alors l'incroyable chance qu'il avait.

Puis il sortit de sa contemplation, et cette fois réussit à monter sur le reptile. Il prit un peu de temps pour s'installer, c'est que les écailles sont un siège particulier.
Puis Eijiro se releva lentement, pour que le prince ne perde pas l'équilibre.

- Tu devrais essayer de te tenir à mes cornes. Je ne connais pas ton adresse sur une monture comme un dragon, et je pense que toi non plus.

- Dans tous les cas, chuis le meilleur !!!

- Héhé, je n'en doute pas.

Eijiro s'apprêtait à lancer sa course, quand la reine l'interpella :

- Eijiro, attends !

- Majesté, il y a un problème ?

- Que comptez-vous faire, exactement ?

- Oh et bien, un petit tour, j'imagine.

- Non, je reformule, tu ne comptes pas voler avec Katsuki sur ton dos, n'est-ce pas ?

La reine était inquiète. Elle n'avait jamais vu un dragon voler, sachant que ceux qu'elle avait étudiés étaient captifs. Et la perspective de voir tomber Katsuki de plusieurs centaines de mètres n'était pas la plus joyeuse à ses yeux. Ledit Katsuki s'exclama alors :

- Oh ouiii, aller on s'envole ! Je veux voir la terre depuis le ciel !!!

Eijiro se retourna pour le regarder comme il le pouvait, et lui adressa un sourire d'excuse :

- Désolé petit prince, mais je ne vais pas pouvoir t'accorder cette faveur.

- Quoi ?! Mais pourquoi ?!!

Mitsuki, la mère du garçon, s'outra alors :

- Parce que c'est dangereux Katsuki !!!

- Parce que ce n'est pas dans mes capacités. Planer me demande énormément d'énergie, je ne suis encore qu'un enfant et seul je ne peux planer qu'une dizaine de minutes. Alors imagine avec ton poids en plus. J'ajouterai que ce jour où vous m'avez retrouvé, cela faisait déjà plusieurs jours, je ne sais combien exactement, que je m'étais évanoui en plein vol, épuisé. Je pense que j'ai réussi à planer une heure entière, et le résultat a été catastrophique, comme tu as pu le constater.

Suite à la tirade du reptile, le garçonnet aborda une petite moue triste. Lui voulait voler. Maintenant qu'il possédait Eijiro, cette possibilité s'offrait à lui, et il avait du mal à s'en détacher.

- Ne sois pas déçu, petit prince. Ta mère a raison d'être inquiète, tu sais. Mais quand nous serons plus grands, quand j'aurais ma taille adulte, je pourrais voler des heures et des heures sans broncher, et avec toi.

- C'est vrai ?!

- Puisque je te le dis !

- Génial !

- En attendant, apprend à me monter à la perfection, entraînons nous sur la terre, et plus tard les cieux nous appartiendront !!

- D'accord, je patienterai. Aller, qu'est-ce qu'on attend, vas-y cours !!!

Le dragon capta le regard approbateur de la reine, puis s'élança à travers les dunes.

À sa manière de se déplacer, on aurait dit qu'il ondulait sur le sable, tellement sa foulée était souple et légère.
Cette tâche noir courait vers l'horizon, couronné d'une touffe dorée appartenant à un gamin dans l'extase de ce moment si précieux.

Leur première chevauchée.

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