Une Part De Chacun 2

Gandalf ?

- Gandalf ? Répéta Monsieur Poiredebeurré circonspect. Gandalf ? Oh, oui ! Je me souviens, un vieux bonhomme, chapeau pointu, grande barbe grise ! Pas vu depuis six mois.

Frodon perdit instantanément son sourire. Où pouvait donc bien être le magicien si ce n'était ici ? Sentant ses compagnons s'agitaient dans son dos, il les rassura d'un signe de tête, indiqua à l'aubergiste qu'il prendrait un dîner et une chambre pour la nuit, et que si Gandalf se présentait, il devait les en informer dans la minute suivante.

Le hobbit partit s'asseoir à une table, imité par ses trois compères. Monsieur Poiredebeurré leur apporta une chope chacun, et il la porta à ses lèvres, appréciant ce contact familier.

Il se trouvait dans une auberge à siroter une bière, accompagné de bons amis comme il aurait pu le faire au Dragon Vert de sa Comté, mais pourtant rien n'était plus pareil.

Le souvenir de la visite imprévue de Gandalf à Cul-de-Sac était encore trop frais. Lorsqu'il lui avait annoncé qu'il devait partir, il n'y avait d'abord pas cru. Puis, forcé d'ouvrir les yeux par la fermeté du magicien, il avait enfilé un manteau chaud, entassé quelques affaires dans un sac-à-dos, attrapé Sam par le col, et ni une ni deux s'était engagé sur un chemin inconnu.

Ses yeux bleus se posèrent sur Merry qui quittait la table pour se diriger vers le bar. Lui et son cousin Pippin avaient décidé de les suivre sur un coup de tête.

Mais savait-il dans quoi ils s'engageaient ? Frodon entrevoyait de nombreux points sombres dans la demande de Gandalf, et craignait que la tâche ne soit plus compliquée. Mais le magicien les retrouverait certainement d'ici demain soir, et le déchargerait de l'anneau que son oncle lui avait légué. Et ils seraient tous rentrés à temps pour le déjeuner du deuxième jour.

- Attendez moi à l'auberge du Poney Fringant, à Bree, avait-il dit. Je vous y attendrai.

Mais où était le magicien ? Pas là, leur avait dit leur hôte.

- Ce bougre ne nous a pas lâché des yeux depuis que nous sommes rentrés, grommela Sam son fidèle jardinier à son oreille.

Interrompu dans le cours de ses pensées, Frodon remarqua premièrement que Pippin avait quitté la table. Puis il tenta discrètement d'apercevoir la direction que Sam lui désignait.

Dans un coin sombre de la pièce surpeuplée, deux silhouettes étaient attablées. Du moins était-ce l'impression qu'ils voulaient donner. Pas une seule fois ils ne collèrent leur bouche sur leur chope. L'un des deux hommes, le plus à gauche, maintenait son attention braquée sur eux.

Le hobbit fut parcouru d'un frisson. Caché derrière des capuchons sombres, et emmitouflés dans de longues capes, il était presque impossible d'apercevoir un morceau de leur corps.

Frodon sentait la puissance de son regard sur lui, qui ne décollait pas d'une semelle. L'aura sombre des deux individus contrastait terriblement avec l'ambiance fêtarde de la salle, et cela effrayait le pauvre hobbit. Que viendraient faire deux hommes dans une auberge si ce n'est pour manger ?

Apercevant monsieur Poiredebeurré passer devant lui, il lui attrapa le bras.

- Excusez-moi monsieur, mais qui sont ces hommes dans le coin, là-bas ? Demanda-t-il à voix basse, bien que les cris des hommes couvraient largement sa petite voix.

L'hôte tourna sa tête, et Frodon l'aperçut blêmir.

- Ce sont des Rôdeurs. Ils sont dangereux, ils errent dans la nature, expliqua l'aubergiste. Leur vrai nom je ne les connais pas, mais ici nous les connaissons sous les noms de Grand-Pas et Aka.