Où les conduis-tu ?

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Ils avaient quitté Bree dès l'aube, échappant à l'agitation matinale. Se fondant parmi les ombres, les hobbits suivaient Grand-Pas, les yeux bouffis par la fatigue.

La nuit avait été longue. Ils avaient dû changer de chambre à la hâte, pressés par la menace qui planait sur leurs épaules. Le rôdeur avait veillé, épée en main, prêt à accueillir les intrus susceptibles de se présenter.

Frodon devait bien reconnaître qu'il n'avait eu d'autre choix que de lui faire confiance. Épuisés par leur récent voyage, les hobbits avaient trouvé le sommeil d'une traite, à peine remis de leurs émotions. Seul le porteur de l'anneau n'avait pas réussi à trouver la quiétude.

L'intrusion de l'œil dans ses pensées lui brûlait encore la peau. Il avait passé une bonne partie de la nuit à se tourner et se retourner dans sa couchette, sans aucun effet. Malgré lui, il s'était redressé, l'attention attirée par le silence soudain.

Ses poils s'étaient hérissés lorsqu'il avait entendu des bruits métalliques résonner dans les escaliers. Un long moment était passé, durant lequel il s'efforçait de ne pas respirer ou de déglutir trop fort.

Ces ombres qui les poursuivaient étaient maléfiques. Il le sentait. Elles continueraient à le poursuivre où qu'il aille, sans interruption. C'est pourquoi il devait trouver Gandalf.

Grand-Pas lui avait expliqué que ces ombres n'étaient en réalité ni vivantes, ni mortes. Qu'autrefois, ils s'agissaient d'hommes, à qui Sauron avait offert neuf anneaux de pouvoir, et qu'aveuglés par leur cupidité, ils avaient acceptés.

Frodon toucha le joyau du bout de ses doigts. Hier, il était encore un paisible habitant de la Comté, sans histoire ni tracas, et voilà qu'il se retrouvait avec l'arme la plus puissante de la Terre du Milieu entre les mains. La vie avait un cruel sens de l'ironie.

Relevant les yeux sur le chemin cahoteux, il frissonna. Les Nazgûls étaient à leur trousse. Ils devaient faire vite.

Sur les talons de Sam, il suivait Grand-Pas qui cheminait entre les prairies. Le jour s'était levé, mettant à la lumière l'immensité désertique qui s'étendait autour d'eux. Bree n'était plus qu'un minuscule point à l'Est.

Devant lui, Pippin et Merry s'arrêtèrent brusquement, bloquant le passage à Bill le poney, acheté en toute hâte à l'aubergiste du village pour transporter les provisions.

- Messieurs, nous ne ferons pas de pause avant ce soir, déclara le rôdeur les sourcils froncés.

Grand-Pas les fixait, visiblement déconcerté.

- Et notre petit-déjeuner ? L'interrogea Pipin, une main sur son ventre.

- Vous l'avez déjà pris.

L'homme semblait incrédule, ce qui n'étonna pas Frodon. Peu de personnes connaissaient les coutumes de la Comté, pour ceux qui savaient son existence. Gandalf faisait partie de ceux-là. Quel dommage qu'il ne soit pas présent.

- Le premier, oui, expliqua le brun, mais qu'en est-il du second petit-déjeuner ?

Grand-Pas acheva de prendre un air abusé par la situation, avant de continuer son chemin, sans prêter son attention à cette interruption.

- Il ne m'a pas l'air au courant pour le second petit-déjeuner Pipin, annonça Merry à son ami.

- Hein ? Et le souper, le thé ? Il est au courant, n'est-ce pas ?

Frodon soupira. Il s'en voulait d'avoir embarqué ses deux amis avec lui. Ils n'avaient même pas pris soin d'écouter ses explications. Ce voyage serait difficile, et ils ne pouvaient pas ralentir la marche. S'ils leur arrivaient quelque chose, le hobbit ne s'en remettrait pas.

Une Part De Chacun 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant