Publié le 05/12/2021
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Jules n'avait vraiment pas l'air content.
Il se tenait bras croisés, appuyé contre la porte d'entrée, à m'observer sombrement tandis que je garais sa voiture – empruntée sans son accord, évidemment. Je sentais qu'il se contenait, mais ses colères froides n'étaient franchement pas plus agréables que ses déchaînements de fureur.
Oui, je m'y connaissais pas mal en ce qui concernait les accès de colère de mon frère. Il faut dire que j'en étaitS généralement la cause.
Après un créneau parfaitement réalisé, je sortis de la voiture et lui adressai un sourire éclatant. Et aussi innocent que possible. Puis je lui tendis les clés tout en aspirant les dernières gorgées de mon soda.
Il referma la main sur sur celles-ci sans se départir de son air courroucé, fusillant mon gobelet du regard comme s'il était la preuve ultime de ma félonie.
« Où est-ce que tu étais, Maisie ? »
Et voilà, son cirque recommençait. Je roulai des yeux, prête à rentrer chez nous – mais il me bloquait le passage.
« Je suis allée au cinéma avec des copines ? Laisse-moi passer, s'il te plait. »
Il se décala juste assez pour que je puisse me faufiler à l'intérieur de la maison, mais je n'étais pas tirée d'affaire pour autant. Ce fut comme signer l'ouverture des hostilités, et les reproches commencèrent :
« Tu as manqué l'arrivée de nos invités ! (s'indigna-t-il. Il n'y a eu qu'une seule place vide pendant tout le repas d'accueil, et c'était la tienne !
– J'avais oublié, mentis-je, ça arrive !
– « Oublié » ? Il y a une visite diplomatique dans l'année, et toi tu trouves le moyen de disparaître ! Et pour quoi en plus ? Traîner en ville avec des humains ?! »
Je tentai de me soustraire à ses récriminations en filant dans la cuisine, mais il me suivait à la trace, toujours aussi furieux.
Sentant que je ne m'en sortirais pas par la fuite, je fis volte face pour le regarder droit dans les yeux.
« Désolée de ne pas partager ton complexe de supériorité, rétorquai-je en pointant mon gobelet vers lui, mais je ne vois pas où est le problème à fréquenter des humains !
– Ce n'est pas leur nature, le problème... » fit-il, tout à coup sur la défensive.
Plusieurs loups de notre meute avaient des humains pour âme-sœur : ce n'était pas vraiment bien vu de dire du mal de ces derniers. Surtout si on voulait éviter des conflits inutiles.
« Le problème, reprit mon frère, c'est que tu préfères consacrer ton temps à des gens qui n'appartiennent même pas à ta meute. »
Je grimaçai.
C'était pourtant la qualité principale de mes amis, de ne pas appartenir à la meute. Quand je sortais avec eux, j'étais juste moi, Maisie – et pas la fille de l'alpha.
Dans ces moments-là, personne n'attendait de moi que je déploie tact, douceur et trésors de diplomatie. Avec les humains, je pouvais toujours dire ce que je pensais, répondre quand on m'ennuyait et partir à la seconde où je le désirais. Personne ne considérait que mon dévouement allait de soi et ne méritait pas le plus petit des remerciements.
C'était la plus pure vérité, mais ce ne fut pourtant pas ce que je répondis à Jules.
À la place, j'essayai de relativiser.
« Je suis sûre que papa s'en est très bien sorti sans moi, assurais-je, c'est pas comme s'il avait besoin de conseils ou de quoi que ce soit d'autre de ma part.
– Ce n'est pas la question, Maisie. Tout le monde doit être présent dans les événements diplomatiques, tu le sais. Ce n'est pas juste un échange de politesse, on essaie de créer des liens. Tu ne te rends pas compte ! L'alpha de la meute des Topaze est arrivé avec sa famille, ses deux bêtas, et la famille des bêtas au grand complet, et de notre côté, personne n'était absent : Aiden, James, Max, leurs épouses, leurs enfants, et puis j'étais aussi là avec Melissa et...
– On parle de moi ? »
Une petite tête brune venait de passer par l'embrasure de la porte, et Melissa fit son apparition. Mon frère se détendit à la seconde où im croisa son regard, et ses yeux semblèrent comme aimantés à ceux de la nouvelle venue. Je n'existais plus – alors même qu'il me hurlait dessus depuis cinq bonnes minutes comme si j'étais la cause unique de tous ses malheurs terrestres.
Oh, bien sûr, Melissa était très jolie, avec sa peau d'ébène, sa chevelure coiffée dans un réseau complexe de tresses, et ses grands yeux sombres. Mais je soupçonnais qu'il l'aurait tout autant couvée du regard si elle avait été laide comme un poux et à moitié chauve.
« Maisie vient d'arriver, ma chérie, dit-il d'une voix que je ne reconnus pas. Je lui expliquais qu'il n'était pas acceptable d'oublier ses devoirs comme elle l'a fait ce matin.
– Ce n'étaient que la cérémonie d'accueil, tempéra Mélissa en se rapprochant de Jules, le plus important a lieu ce soir. »
Je me détournai pour jeter mon gobelet vide, et en profitai pour me laver les mains, fort réticente à contempler le spectacle de leur petit couple plein d'amour. Un bruit de baiser retentissant m'indiqua que j'avais eu raison de me détourner, mais quand je leur fis face à nouveau, Jules et Mélissa se contentaient de se tenir par la main.
« Je vais vous laisser, grommelai-je en quittant la cuisine.
– Attends, on n'a pas fini cette discussion !
– Laisse-la, Jules, souffla Melissa, Maisie a très bien compris ce que tu voulais dire. Et elle sera là ce soir, n'est-ce pas ? »
J'évitais le regard de Melissa. Il était clair qu'elle essayait de jouer au mieux son rôle de luna – de future luna, puisque mon frère n'était pas encore lui-même l'alpha. C'était charmant de sa part d'essayer d'apaiser les tensions, mais je ne comptais pas lui témoigner une once de reconnaissance. Ce n'était pas pour moi qu'elle faisait ça – il y avait bien longtemps que j'étais passée au dernier rang de ses soucis. Comme pour mon frère ou mon père, d'ailleurs.
Une boule monta dans ma gorge, ainsi qu'une soudaine envie de répandre ma colère – mais je me retins. Je savais par expérience que ça ne m'apportait jamais rien de bon de me laisser dominer par les émotions, surtout face à des interlocuteurs qui s'en fichaient de manière aussi éclatante.
« À plus tard, fis-je machinalement.
– Sois à l'heure ce soir ! » répondit Jules.
***
Et voilà, c'était le tout premier chapitre ! J'espère de tout cœur que l'histoire de Maisie vous plaira. Comme vous le voyez, ce n'est pas du tout le même genre de caractère que Mariposa (ni même que celui d'Ambre) si vous avez mes autres héroïnes en mémoire.
Ce fut court, mais le prochain chapitre arrive mercredi et vous aurez déjà plus à vous mettre sous la dent !
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Indomptable [anciennement "Maisie ne sera pas luna !"] [sous contrat d'édition]
WerewolfATTENTION : Seuls les trois premiers chapitres sont encore disponibles ! Maisie Brown déteste son existence en tant que fille de l'alpha. Son père a beau être distant, il exige d'elle un dévouement étouffant à l'égard de sa meute. Elle rêve malgré t...