Partie 2

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- Et les zombies ils arrivent quand dans l'histoire ?

La jeune fille bâillonnée fait de grands gestes, outrée qu'il n'y ait pas de représailles pour Céleste. Je place mon doigt devant mes lèvres pour les faire taire et que l'agitation cesse.

- Qui dit qu'il y aura des zombies ? Pas besoin d'être mort-vivant pour errer toute sa vie plutôt que de vivre vraiment. Mais c'est un autre sujet ! Eléonore était assise à table alors qu'Alice préparait un gratin. Elle avait repéré la cucurbitacée qui pendait toujours dans la filoche. Elle avait proposé son aide mais l'hôtesse avait refusée. Le vieil homme ne voyait rien, il était sur le rockingchair face à la fenêtre du salon. Parfois on pouvait l'entendre tousser, un son d'outre-tombe. La brune se déplaçait très lentement et attrapait le coutelât. Elle n'était qu'à quelques dizaines de centimètre de la cuisinière.

Des protestations étouffées me dévient de mon faisceau lumineux que j'utilise comme micro depuis toute à l'heure et je constate qu'une fois de plus Cassandre fait de grands gestes et une sorte de « Voilà ! Je vous l'avais dit » tente de percer au travers du foulard. Clara se déplace et attrape sans soucis la petite pour aller à l'écart. Nous les observons quelques secondes avant que je claque des doigts pour que leurs yeux reviennent à moi.

- Elle était à seulement quelques centimètres et elle était armée ! Que croyez-vous qu'il allait arriver ? Alice se retourna d'un coup ! « Que fais-tu ? » Plus de formule de politesse, bien que débarbouillée, l'inconnue restait une fille du dehors et ça se voyait par son teint hâlé. Son autre main saisissait la courge « On ne va tout de même pas donner ça aux cochons, je sais quoi en faire ». Dubitative, elle regardait la jeune femme habile de ses mains découper le haut de la citrouille. Elle retirait tout le contenu et le lui tendait. Après avoir trié la chair des graines, elle commença à sculpter le légume orange. Des formes géométriques laissaient entrevoir une bouche, des yeux et un nez ! Impressionnée, la maîtresse de maison ne lâchait plus les mains de son invitée, elle les trouvait remarquables, son regard remontait également sur ses poignets qu'elle trouvait souples. Perdue dans sa contemplation, elle n'avait pas entendu ce qu'elle lui disait. « As-tu une petite bougie déjà bien entamée ? Pour que je puisse la glisser dans la citrouille ? ». Légèrement confuse, elle acquiesça et s'affaira à aller chercher ce qui lui était demandé. Elle revint avec des allumettes de surcroît ! Pour son four et pour la bougie. Délicatement Eléonore fit entrer la bougie à l'intérieur de la cavité qu'elle venait de creuser. « J'adore ce moment, l'allumer ». Sa voix était devenue plus rauque en même temps qu'elle soutenait le contact visuel avec Alice. Elle parfait en rajoutant le couvercle de fortune toujours accroché à la tige. « Je te présente Jackie la lantern, Jack Lantern pour les intimes ! C'est mon pote depuis que j'ai 12 ans ». La légende raconte que ces deux femmes ne se sont plus jamais quittées, et qu'à chaque automne, et plus particulièrement le 31 octobre est devenu le jour où l'on creuse les citrouilles pour en faire des lanternes... Fin !

- Wouah ! C'était trop cool
- Pff, non c'était nul y'avait pas de vampires...
- Roh, on s'en fout de ton twilight là, grandis un peu.

Je ne sais qui dit quoi alors que la cheftaine rallume la lumière et indique aux ados d'aller dans leurs dortoirs. Après un tour complet et les vérifications d'usage, nous nous retrouvons seules dans la chambre. Nous avions collé nos deux lits pour n'en faire qu'un.

- Pourquoi tu es chez les scouts, rappelle-le-moi ?

- Parce que je voulais apprendre à faire des nœuds, parce que ça faisait plaisir à ma mère et surtout parce que tu y es Clara.

Elle se mordille la lèvre en passant ses bras autour de mon cou, mes mains viennent se placer instinctivement sur sa taille. J'ai envie de l'embrasser et mes yeux se perdent dans les siens.
- Tu sais que si elles racontent ça à leurs parents tu vas être congédiée ?
- Quelle importance, tu sais bien que je ne vais pas rester, c'est ma dernière année.

- Pense à moi ? J'aimerais bien faire l'été prochain avec toi. Bougonne-t-elle.

Sa voix devient un peu plus basse. Je la pousse lentement jusqu'au rebord du lit.
- Oh mais je pense à toi chaque seconde ma citrouille.
Elle pouffe de rire avant de se reprendre très vite et de laisser courir ses doigts dans mes cheveux assez courts.
- Et toi, comment dois-je t'appeler cette fois ?
Je la fais basculer sur le matelas et avant de la rejoindre, je colle mon index et majeur entre eux et les fais onduler.
- Moi ? Je suis la bougie, je vais t'animer de cette flamme, et j'espère, te faire brûler de plaisir.
Elle ne peut s'empêcher de s'esclaffer et se redresse pour tirer sur ma main encore animée afin que je la surplombe. Le silence se fait mais il n'est pas pesant. Il est le préquel d'une nuit que j'attends depuis des heures, où l'on peut enfin se retrouver, sans eux, sans jugement, sans religion, rien que nous. Elle me sort de mes pensées en glissant dans sa bouche mes deux doigts, je bouillonne, c'est parti.
- Maintenant allume-moi... Que la légende de Jack Lantern soit.

Scout un jour, scout au secours !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant