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Le groupe traversa le couloir menant au hall d'entrée dans le plus grand calme. Leurs talons claquaient contre le sol en pierre, vieux de plusieurs générations. La hauteur sous plafond offrait un élan de fraîcheur au lieu morne à la limite de l'austérité. Des statues à l'effigie des maîtres ayant habité les lieux ornaient l'espace. Tout était digne d'une reproduction de Breakfast at Tiffany's. Tom tendit un fusil à Pippa. Elle ne put s'empêcher de penser que son père l'avait choisi pour lui. Bradford n'était pas du type à laisser les autres décider par eux-mêmes. Un trait de caractère qu'il avait légué à son fils. Pippa accepta l'arme, non sans une pointe de dégoût.

— Quelle belle journée ! s'extasia Bradford Harris

— Mon cher, vous radotez.

Milldred leva les bras au ciel, agacée par la conduite de son époux. Peut-être même était-elle énervée d'être là ? Elle semblait être le genre de femme à avoir une vie très chargée, bien loin d'entretenir une existence routinière et bien rangée. Chaque minute comptait et quand elle ne se trouvait pas là où elle devait être, elle ne prenait pas de pincettes pour le faire comprendre. Quitte à rabaisser son tendre mari.

— Bien, bien, bien. Suivez-moi, poursuivit-il.

Le cinquantenaire avança à grandes enjambées vers les hectares de forêts entourant la propriété. Pippa s'arrêta un instant pour humer l'herbe fraichement coupée. L'air encore frais pour un mois de mai fouetta ses longues boucles rousses et dévoila les notes rondes de son parfum. Elle se figea, s'imaginant tirer dans des assiettes jetées en l'air plutôt que sur ses pauvres volatiles. Cette journée aurait pu être agréable, si les choses avaient été différentes.

— La campagne anglaise est si belle à cette heure de la journée, ne trouvez-vous pas ?

Tom la devança, marchant à reculons face à elle.

— Très, lui répondit-elle.

Pippa lutta pour ne pas faire tomber son fusil. Tirer une balle perdue ne figurait pas dans ses plans. Quoi que, encore fût-il qu'elle eût des plans.

— Ne vous inquiétez pas, tout ira bien, affirma-t-il, marchant à présent à ses côtés.

Pippa hocha la tête, perdue. Elle ne savait pas sur quelle jambe danser avec cet homme. Elle replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille comme elle le faisait chaque fois qu'elle cherchait à masquer son embarras.

— Je ne sais même pas tirer, lui répondit-elle. Comment cela pourrait-il bien aller ?

Tom rit, ce qui n'amusa pas le moins du monde Pippa. Elle détestait la moquerie. Ne pas savoir se servir d'une arme n'avait rien de drôle. Au contraire, cela était plutôt respectable, non ? D'autant plus, qu'un accident était vite arrivé.

— Je vous montrerai. Vous n'aurez qu'à suivre mes mouvements ou plutôt mes ... instructions.

— Et si je ne veux pas que l'on m'apprenne, rétorqua-t-elle, les bras serrés contre sa poitrine.

Il pivota puis s'arrêta face à elle. Son regard transperça le sien.

— Vous resterez en retrait. J'ignore pour qui vous nous prenez mais nous ne sommes pas des tirants.

Il afficha son plus beau sourire. Un de ces sourires qui auraient pu faire fondre n'importe quelle femme célibataire. À l'exception de Pippa. Elle semblait comme immunisée à son charme.

Eh oui, on ne pouvait pas gagner à tous les coups !

Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de se dire qu'en famille, le Tom coureur de jupons, parfois imbut de lui-même, qu'elle connaissait, était un tout autre personnage, très éloigné de celui qu'elle avait fréquenté à l'occasion.

EN SUSPENS - La folle histoire de Pippa AndersonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant