Chapitre 1 nouvelle version

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"Comme chaque vendredi depuis des années, nous revenons de notre sortie en famille au restaurant du coin. Mes parents et moi sommes très fusionnels. Dès que nous en avons l'occasion, nous partons à l'aventure tous les trois. Comme à chaque fois, ma mère et moi nous nous laissons porter par la musique qui sort des enceintes de la voiture et chantons. Depuis toute petite je suis bercée par la musique d'Édith Piaf et l'une de mes chansons préférées est "L'hymne à l'amour" qui passe justement. Comme d'habitude, ma mère et moi chantons sous le regard rempli d'amour de mon père et son sourire. Le trajet qui jusque-là se passait très bien dérape au moment où un animal traverse la route. Mon père tente de l'éviter, mais la voiture finit sa course dans le ravin qui borde la route où nous étions et termine dans un arbre. J'entends la carrosserie se tordre, le bruit du choc, ma mère qui me dit qu'elle m'aime avant de rendre son dernier souffle, le sang, la douleur et l'odeur de chaos qui règne autour de moi. À mon réveil, je suis seule dans une chambre d'hôpital et tous les souvenirs de l'accident sont flous. Une dame finit par rentrer pour m'expliquer ce qu'il s'est passé et me dire que mes parents n'ont pas survécu. La douleur me terrasse et je hurle. Je me retrouve à onze ans, orpheline, sans famille et plus personne à mes côtés."

Je me réveille en sursaut de ce cauchemar qui me hante presque toutes les nuits depuis bientôt sept ans maintenant. Je reprends doucement mon souffle et sèche mes larmes avant de tourner mon regard vers le réveil. Il me reste trente minutes avant que celui-ci ne sonne, mais je sais que je serais incapable de me rendormir après ce cauchemar alors autant me lever. Je me dirige vers la salle de bain après avoir récupéré mes affaires de sport. Après un regard dans le miroir pour voir les dégâts de mes larmes, je constate aussi que ma joue devient bleue après un énième coup de mon père adoptif.

Je me débarbouille rapidement et attache mes cheveux avant d'enfiler ma tenue de sport et sors de la salle de bain sans cacher le bleu, car je devrais quand même de nouveau le cacher après mon jogging et ma douche. Je descends rapidement et je retrouve Jasmine, ma mère adoptive dans la cuisine. Son regard bienveillant et son sourire m'accueillent comme tous les matins. Dans l'enfer qu'est devenue ma vie depuis la mort de mes parents, elle est la meilleure chose qui me soit arrivée. J'ai été adoptée par les Fields à l'âge de douze ans, ce qui est tard pour un enfant placé en foyer. J'étais contente de quitter cet endroit pour retrouver un semblant de vie normale avec des gens aimants qui prendraient soin de moi sauf que ce n'est pas exactement le cas. Jasmine est un ange tombé du ciel, mais son mari Josh est le démon en personne. J'ai rapidement compris que mon adoption n'était pas sans raison, il voulait avoir un nouveau punching-ball et si possible un qui était assez grand pour supporter un minimum et qui pourrait cacher les bleus causés par les coups.

Le rêve d'avoir une famille aimante s'est évanoui au moment où j'ai reçu la première gifle pour avoir eu le malheur de demander pour aller jouer chez une amie rencontrée au collège. Après cet épisode, je me suis éloignée des gens et je suis devenue une asociale. Je ne parlais à personne et me concentrais sur mes études. Moins de gens je côtoyais moins de risque, il y avait qu'on voit les dégâts causés par Josh. À y réfléchir, j'aurais peut-être dû en parler à un adulte à ce moment-là, ça m'aurait évité tous ces coups, mais j'avais trop peur des représailles que ça pouvait engendrer ou des problèmes que Jasmine aurait pu avoir.

Je suis sortie de mes pensées par la voix de Jasmine.

- Bon anniversaire, ma chérie. Me dit-elle d'une voix enjouée.

Et oui, nous sommes le vingt-deux juillet et aujourd'hui j'ai enfin dix-huit ans. Je les attends depuis tellement longtemps afin de pouvoir quitter cet endroit même si je laisse Jasmine derrière moi. Depuis le temps, nous avons beaucoup discuté et elle m'a toujours fait promettre de partir dès ma majorité atteinte et je compte bien tenir cette promesse. Je ne partirais pas tout de suite même si ça valait mieux pour moi. Je suis prête à subir encore quelques jours, le temps que le mois se termine et que je touche mon dernier salaire afin de le rajouter aux économies que j'ai faites depuis mes seize ans et que je travaille.

- Merci moun.

Elle me sourit et me tend mon sac avec ma gourde pour aller courir. Je la remercie encore une fois et lui fais la bise avant de mettre mes baskets et de sortir pour mon footing matinal. J'ai commencé à courir vers mes quatorze ans, ça me permet d'extérioriser la colère et la frustration, de supporter tous les coups et les cauchemars. Après une dernière vérification de l'heure, je mets mes écouteurs et commence mon footing d'une heure.

En arrivant devant la maison, je suis plus apaisée qu'il y a une heure et je suis prête à affronter cette nouvelle journée qui même si c'est mon anniversaire sera tout aussi pourrie que les autres années, car bizarrement c'est le jour où il est le plus violent. Comme si me donner des coups était sa façon de me souhaiter un bon anniversaire. Je monte rapidement dans ma chambre récupérer mes vêtements puis file sous la douche. Je me dépêche afin de partir avant que Josh ne se lève et éviter les coups dès le matin.

Après une rapide douche, je me sèche en examinant les dégâts causés par ses coups, mais je détourne vite le regard en voyant les cicatrices et les bleus. Une fois sèche, j'enfile rapidement mes vêtements et m'attelle à la tâche pour cacher mon tatouage derrière l'oreille et le bleu apparent sur ma joue. Josh ne sait pas que je suis tatouée et je ne compte pas lui donner une autre raison de me frapper. Ce tatouage est mon premier et il me rappelle ma vie d'avant ainsi que ma passion pour la musique que j'ai depuis abandonnée. Mon deuxième représente ma famille et se trouve sur le bas de mon ventre. Ils cachent tous les deux les cicatrices dues à l'accident et ils sont les premiers d'une longue série que je compte me faire quand je partirai enfin d'ici.

Au bout d'une bonne dizaine de minutes, le ravalement de façade est fini et je relâche mes longs cheveux châtains qui ondulent légèrement. Quand je ne travaille pas, j'en profite pour les laisser détacher, car au boulot je n'ai pas d'autre choix que de les attacher. Je revérifie qu'on ne voit ni mon tatouage ni mon coup bleu et regarde une dernière fois le maquillage de mes yeux avant de sortir de la salle de bain et de descendre. Jasmine est de retour dans la cuisine, elle me tend mon sac ainsi qu'un thermo et je l'embrasse avant de me diriger vers la porte.

- Bonne journée moun.

- A toi aussi princesse, soit prudente.

- Comme toujours.

Je passe finalement la porte cinq minutes avant que le vieux se réveille et je souffle enfin quand je m'installe à l'arrêt de bus. Celui-ci arrive quelques minutes plus tard et je m'installe pour les quinze minutes de trajet jusqu'au "Mirage" restaurant d'un chef étoilé français qui s'est implanté ici à Jackson. Je travaille rarement le matin et ce n'est pas l'horaire que je préfère, mais je n'ai pas le choix de le faire parfois pour ne pas que ce soit toujours les mêmes personnes qui s'y collent.

Alors que j'arrive au restaurant, je me dépêche d'aller enfiler la tenue règlementaire et je coiffe mes cheveux en chignon strict qui va parfaitement avec la tenue. Je finis par rejoindre mes collègues pour le débriefing de la matinée et du temps de midi. Ici, tout respire le luxe même si le matin la clientèle est plus des gens normaux que les riches qui viennent lors de la pause de midi ou pour le repas du soir, mais je ne vais pas me plaindre, grâce à leur gros portefeuille je me fais de beaux pourboires qui terminent directement dans mes économies.  

Apprendre À T'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant