- Chapitre 5 -

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[Puis, doucement, je me mis à pleurer sa mort et m’endormis en continuant de garder le cadre doré serré dans mes bras …]

                Je me réveillai au milieu de la nuit, les yeux rougis et gonflés par les larmes. La photographie se trouvait maintenant sur le vieux parquet en bois jaunis de ma chambre, tombée à terre lors de mes mouvements dans mon sommeil. Très vite, j’identifiai ce qui avait pu me réveiller en entendant, comme la nuit précédente, des coups à ma fenêtre. Hors cette fois-ci, je me levai en faisant le moins de bruit possible afin de ne pas alerter ma mère, enfilai mes tennis restées à l’endroit même où je les avais quittées la veille, passais une fine veste d’été noire à capuche et un jean slim  puis je sortis de la maison. Je me rendis directement vers la façade où se trouvait la fenêtre de ma chambre et, en essayant de ne pas faire crisser le gravier sous mes pas, je m’approchai discrètement. M’étant préparée vraiment à tout sauf à ce qui attendait sous le vieux chêne bordant l’allée, j’étouffais un cri en posant ma main sur ma bouche. Malgré tout –je ne sus jamais si ce fut mes pas ou bien ma voix qui l’avait alertée- elle se retourna. C’était une petite fille. Je ne lui donnais pas plus de huit ans seulement, mais son expression semblait appartenir à une personne d’âge beaucoup plus mûr. Elle avait cet air de vieux sage, qu’ont les personnes âgées lorsqu’elles se remémorent des souvenirs de jeunesse. Cependant, chez elle, c’était cet air qui la rendait si effrayante.

 Assise en tailleur, le dos bien droit contre le tronc de l’arbre, elle était vêtue d’une robe immaculée et fluide aux manches évasées. Et elle me regardait fixement. Mon cri provenait de l’horreur que j’avais ressentie lorsque nos regards s’étaient croisés et je m’étais figée en constatant avec effroi que ses pupilles étaient d’une couleur que je ne pouvais définir, une couleur inexistante. Comment cela était-il seulement possible ? Je ne voulais pas admettre le fait que cette couleur pouvait signifier que j’avais affaire à une enfant … D’un autre monde.

Ses yeux brillaient dans le noir, comme un chat ou un vampire, de telle sorte que son corps entier semblait entouré d’un halo de lumière argentée. Ses longs cheveux d’un blond vénitien  se soulevèrent lorsque, à mon approche, elle se releva avec une grâce bien trop mature pour son jeune âge. Elle vint vers moi de sa démarche plus féline qu’humaine et me pris la main tout en me disant de sa voix glaciale et tranchante :

« - Bonsoir mademoiselle Dright. Cela fait deux nuits que je frappe à votre fenêtre, cependant vous ne vous décidez que maintenant de sortir. C’est … Intéressant. J’aimerai vous expliquer tout cela plus en détail mais, malheureusement, nous sommes attendues d’urgence par le Grand Conseil. Si vous voulez bien me suivre … »

J’aurai voulue lui répondre, la questionner sur les mystérieuses pierres, ou sur le rendez-vous à l’ Arizona Science Center prévu pour le soir même, mais je m’aperçue que je ne pouvais prononcer aucun mot. Comme si mes lèvres étaient celées par ces sortes de colle ultra-puissante capable de tout coller et que l’on ne trouve seulement dans les magasins de bricolage. Sa poigne était ferme et je ne pouvais m’en défaire. Réduite au silence, ainsi qu’à l’impressionnante force d’une petite fille de huit ans, j’étais condamnée à la suivre.

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