Il y a des jours que l'on traverse et qui font partie de ceux que l'on préférerait oublier. Écrire est un remède pour certains. Leur terrain de jeu, tel un ring où deux adversaires lancent les coups, les uns après les autres, encaissant chaque douleur et repoussant leurs limites. Je suis sur ce ring chaque jour de ma vie. Je frappe et j'évacue la souffrance. Je me bats contre mes démons. Ces voix qui s'incrustent pernicieusement dans ma tête et qui me rappellent tout ce que je tente, en vain, de fuir. Elles me renvoient violemment ma peine, se jouant de moi, comme pour me montrer à quel point la souffrance est inévitable et à quel point elle me détruit. Elles ne sont là que pour ça.
Tout est à cause de lui. J'étais enfant quand il a voulu partir. Ça fait dix ans. Dix ans que le souvenir de cette nuit hante mes rêves les plus sombres. Les cris, les mots et les larmes. Je revis cette scène, inlassablement, avec l'impression toujours plus réelle de ne rien pouvoir faire, de n'être qu'un pion sur un plateau, spectateur de son sort, impuissant. Et j'essaye par tous les moyens d'y échapper. Je lutte et j'échoue.
Depuis dix ans, chaque jour est une nouvelle défaite. Pourtant, je relève la tête, avec le seul espoir qu'un jour tout disparaîtra. Mais je ne me fais pas d'illusions. Nous avons chacun nos peurs, nos démons et nos douleurs. Nous menons chacun notre combat. Et il est le mien.
Avez-vous avez déjà ressenti cette sensation au plus profond de votre cœur, l'envie de haïr quelqu'un à jamais et de laisser son souvenir périr comme s'il n'était que poussière ?
Pendant longtemps, j'ai ressenti cette envie. J'en ai rêvé si intensément que cela m'a rongé l'esprit. Des années, des mois, des jours, des minutes et des secondes. Tout ce temps. Tout ce temps perdu à rêver d'une illusion avant que je ne comprenne que ce n'était pas aussi simple.
Il est sans doute l'une des personnes que j'aime, et que je hais le plus au monde. Je ne saurai dire lequel de ces deux sentiments domine, parce que même durant les heures les plus sombres, mes pleurs ne cachent qu'une blessure profonde. Un cœur brisé. Un amour envolé. Une vie abandonnée.
Il a voulu partir. Il ne l'a pas fait. Mais le mal était fait.
Il est là, tous les jours. Il se tient face à moi, l'air de rien. Comme si chaque dispute n'était plus qu'un lointain souvenir. Comme si cette tension permanente entre nous n'affectait en rien sa vie. Une complicité fragile, aucune communication. Les surnoms sonnent faux, les mots doux se perdent dans les cris qui les suivent. Rien n'est réel. Excepté les blessures.
Je ne saurai jamais si ses mots trahissaient ses pensées ou non. Et je ne veux pas le savoir, parce qu'au fond je connais la vérité. Et elle me détruit à petit feu. Doucement, mais de la plus vicieuse des manières, comme une lame qui vient s'enfoncer dans ma poitrine, millimètre par millimètre ; me déchirant comme si je n'étais qu'une victime de plus. Puis, elle s'attaque à mon cœur et marque la fin de ma souffrance par un échec ultime et mortel.
Cette lame, il l'enfonce un peu plus chaque jour. Sans même se rendre compte de la dureté de ses mots et de ses actes. Pas une excuse sincère ne sort de sa bouche. Et je réalise alors que je ne suis rien. Que mon amour est à sens unique car le sien est dénué de pureté. Et c'est le pire que l'humain puisse connaître. Plus violent qu'un chagrin d'amour. Plus violent que la perte d'un être cher. Et ainsi je me laisse périr, spectatrice de cette vie qu'il a gâchée. Je n'ai plus la force de lutter.
On dit que l'amour est éphémère. C'est vrai. Il est l'exemple même de cette affirmation, que rien ne me permet de contrer. Il dit que je suis la prunelle de ses yeux. Mais que sont ses mots doux face à ses actes torturant mon âme ?
Rien.
Il m'a brisé il y a dix ans et l'un des piliers essentiels à ma vie s'est échappé. La culpabilité coulait dans mes veines, et trop toxique elle a finit par s'éteindre. Il nous a éloignés sans même s'en rendre compte, ne laissant derrière lui qu'un lien indestructible et naturel. Un lien infime pourtant si puissant, à l'origine de mon désespoir. Puisqu'aujourd'hui, je suis incapable de le haïr plus que je ne l'aime. Il ne sait pas ma peine, ma douleur et ma peur. Il ne sait pas mes pleurs, ni le profond vide qui habite mon regard et encore moins mes cris de désespoir. Il ignore tout de moi.
Je voudrais qu'il sache tous les sentiments dont il est à l'origine. Tout ce qu'il provoque en moi. Mais aurais-je un jour le courage de lui étaler tout ça, le regard neutre et stoïque et la mine détachée ?
J'ai essayé.
Mais à chaque phrase il manquait l'essentiel, bloqué au fond de ma gorge, comme enchaîné à mon cœur. Je ne veux pas le blesser. Je ne veux pas le briser. Je ne peux pas faire ça. Pourtant j'en ai besoin et rien ne m'en empêche. Mais je n'y arrive pas. Parce qu'au moment même, où je verrai perler des larmes au coin de ses yeux : mon cœur se brisera.
Encore une fois.
Je suis faible, mais mon cœur bat pour lui. Il chérit son souvenir même quand j'aimerais l'oublier. Et je le hais pour ça. Je le hais pour ce pouvoir qu'il a sur moi, pour ce lien qui nous relie infiniment. Même quand il ne sera plus là, et que je serai libérée de sa présence ; il persistera et hantera mes esprits. Ma souffrance n'en sera que plus intense car les plaies ne cicatriseront jamais.
Mon amour pour lui est dévastateur. Il brûle en moi comme un feu que nul ne peut arrêter et qui détruit tout sur son passage. Il me détruira. Si ce n'est pas déjà fait.
On ne choisit pas qui l'on aime.
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Les Etats d'âme d'une auteur
Non-FictionEmotion : État affectif intense, caractérisé par des troubles divers (pâleur, tremblement, accélération du rythme cardiaque, etc). Les émotions relèvent d'un phénomène envoûtant. Imprévisibles, elles fascinent par leur complexité. Elles subliment et...