Les Etats d'âme d'une auteur

Elle et Lui

Il marchait sous un ciel assombri, précipitamment, guidé par la silhouette féminine qui le devançait. L'eau déferlait sur son visage dont les traits crispés reflétaient son angoisse. Il l'avait faite pleurer, lui avait causé de nombreux chagrins et l'avait poussée à fuir. Il craignait d'avoir franchit la limite de l'impardonnable. Malgré tout le mal qu'il lui avait causé, elle l'aimait plus que de raison, comme s'il ne s'agissait que de la destinée, et lui, il l'avait repoussé, pendant de longs mois. Et seulement là, il réalisait son erreur.

Il se revoyait le jour de leur rencontre, totalement ébloui par sa silhouette et la douce expression de son visage. Ovale, surplombé par une chevelure brune et bouclée, couvrant parfois l'une de ses prunelles marmonnées, et marqué par deux pommettes rosées relevées encadrant une bouche pâle et pulpeuse. Il l'avait observé tant de fois qu'il en connaissait les moindres détails. Il aimait son sourire autant que le froncement de ses sourcils lorsque quelque chose la contrariait. Il aimait la lueur charmeuse que prenait ses pupilles quand elle les posait sur lui, faisant naître chez lui un violent désir jamais assouvi.

Il avait rêvé d'elle pendant de longues nuits ; son regard l'obsédait, il la voyait partout. Jamais il n'avait été aussi bouleversé par une femme, et cela l'effrayait. D'autant plus qu'il avait rapidement compris la signification de son trouble.

Il était tombé amoureux, sans même pouvoir résister.

Cela l'avait effrayé mais contrairement à elle, il ne s'était pas battu. Il avait préféré se défiler et il le regrettait. Elle avait cinq ans de moins que lui et des centaines de kilomètres les séparaient. Pour survivre, il leur fallait affronter la distance, les préjugés et le regard des autres, et ça, il en avait peur. Voilà pourquoi il avait fui. Et aujourd'hui, il marchait derrière elle, le visage inondé, mélange de pluie et de larmes désespérées, criant son nom à travers la nuit sombre, espérant qu'elle cède à lui, encore une fois et qu'elle redonne une chance à leur histoire. Seulement, cette fois-ci, il changerait d'approche, de comportement. Il ferait des efforts, avouerait ses peurs et foncerait tête baissée vers son cœur.

Elle était tout ce dont il avait rêvé, et elle lui offrait tout ce qu'il y a de plus beau. Alors pour elle, il se devait d'affronter ses peurs. Il regrettait le passé et il était prêt à tout pour la garder auprès de lui. Il l'aimait, la désirait et ne supportait pas l'idée qu'elle puisse trouver son bonheur auprès d'un autre. Pourtant, il lui avait démontré le contraire et désormais, l'unique peur de la perdre à jamais lui saisissait les entrailles, plus forte que tous ses démons qui hantaient son esprit.

Face à ses cris, elle ne ralentissait pas, bien au contraire, si bien qu'il fut obligé d'accélérer le pas pour la rattraper. Il enroula sèchement sa taille de ses bras et la ramena contre lui. Son dos heurta son torse, faisant écho au tintement du tonnerre qui sévissait dans le ciel. Elle se débattait, furieuse et blessée, lui hurlait de la lâcher mais lorsque des sanglots franchirent ses lèvres, il resserra son étreinte et enfouit sa tête dans le creux de son cou. Il lui murmurait à l'oreille, d'un ton doux, rassurant, lui apportant un peu de réconfort malgré sa résistance.

Trop souvent, il avait fuit. Désormais, il se battrait pour elle, qu'importe ce que cela impliquerait.

Progressivement, ses pleurs s'amenuisèrent alors que la pluie ruisselait toujours sur leurs visages, et elle se tourna afin de plonger son regard dans le sien. Véritable miroir de son âme, il y décelait toutes sortes d'émotions mais la douleur prédominait, soulignée par ses yeux bouffis. Il la faisait souffrir et se détestait pour ça...

Il engloba alors son visage de ses mains et chassa les dernières larmes subsistant sur ses pommettes. Il scrutait le moindre de ses mouvements, s'attendant à une énième tentative de fuite de la jeune femme mais rien. Elle restait là, face à lui, démunie, attendant sans doute qu'il prononce la moindre parole pour ensuite le blesser à nouveau. Pourtant, lorsqu'il la supplia de lui pardonner, elle ne fit rien. Elle le regarda, désemparée, perdue dans les pensées qui se bousculaient dans sa tête. Elle hésitait entre lui laisser l'occasion de s'expliquer, prenant le risque de succomber à nouveau, ou bien s'échapper une bonne fois pour toute, tant qu'il était encore temps. Son cœur trancha, et elle resta là, préparée pour l'affrontement ultime, lui intimant silencieusement de prendre les devants, au moins une fois. Et alors que la pluie se calmait, il murmura d'un ton empli de désespoir.