Chapitre 10 : Je prendrai soin de toi

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   Finn. Mon Finn. Le garçon à la peau mate, aux cheveux châtains clairs et aux yeux bleus azur. Le garçon à la peau si douce lorsque j'y frôlais ma bouche, le garçon aux cheveux si soyeux lorsque j'y passais mes mains et que je les tirais doucement, celui aux yeux si prenant qu'ils me transportaient dans un autre monde. Mais pas le genre de monde parallèle où il y a de la magie et des choses surnaturelles, non. Le genre de monde totalement différent et éloigné de celui dans lequel on vit. Monde qui existe mais qui est rare et qui ne peut tenir que sur un fil. Monde où l'amour domine. Où les sourires et les rires sont par-dessus tout, où les disputes sont présentes mais se terminent dans de bonnes circonstances. Monde où les garçons aux fossettes sont toujours vus avec, contrairement à celui qui est en face de moi.

   Cela doit faire un moment que nous ne les avons plus admirés. À cause de moi.

   Sans cœur. Vide, toujours vide.

   L'être qui me fait face est couché –ou plutôt avachi, sur son lit, les yeux fermés, la respiration régulière. C'est déjà cela : il est encore vivant. Je l'observe un moment, sur le pas de la porte, les bras le long du corps, le cœur prêt à me faire exploser. Je n'arrive toujours pas à croire qu'il est là, devant moi, totalement endormi et anesthésié par l'alcool. Je n'arrive encore moins à croire que je suis dans sa chambre à le regarder dormir. Normalement, c'est l'inverse. Je suis sur mon lit, étendue, la respiration paisible, il est à côté de moi et se tient sur le coude droit, tout en m'observant avec un petit sourire aux lèvres. J'ouvre les yeux et tourne la tête pour le voir si heureux... ah non, pardon, pour le voir si malheureux.

   Je sens un coup de couteau se planter en plein dans la poitrine. Le sang commence à couler, la personne invisible en face de moi prend un malin plaisir à me le retirer lentement pour le replanter.

   Je ne reconnais pratiquement plus le garçon qui a fait mon bonheur et que j'ai abandonné telle une ordure. Ses cheveux ont quelque peu poussé, ils sont écrasés sous l'arrière de son crâne et quelques boucles retombent sur son front en sueur. Il fait des cauchemars, lui aussi. Ou bien est-ce l'alcool qui le fait transpirer ainsi ?

   Les volets sont fermés, il fait sombre, je ne distingue donc pas correctement les couleurs de son visage. Tout de même, je parviens à les deviner et observe qu'il est plus pâle qu'à son habitude. Voire du même teint que le mien. Mes yeux glissent le long de son corps, et une grimace s'empare de mes traits. Ses habits sont froissés, il porte un pullover rouge tâché de partout, et un jogging noir bien trop grand pour lui, cachant la forme de ses jambes. Lorsque je vois ses mains posées de part et d'autre de ses hanches, mes épaules s'affaissent, comme frappées brutalement afin de m'enfoncer dans le sol. Elles sont couvertes de plaies, quelques-unes même encore béantes, et d'autres refermées mais qui sont effrayantes.

   Une odeur nauséabonde s'insinue dans mes narines, cela pue le renfermé et le vomi. Je parcours le sol en cherchant d'où cela peut bien vient, lorsque je trouve enfin. Le tapis doit être bon pour la poubelle tant il est sali. Des bouteilles de tout alcool le jonchent, des flaques par-ci par-là se mélangeant aux débris. Des restes de nourriture, des sachets, des papiers, toutes sortes d'objets cassés, détruits, écrasés, probablement dans des accès de colère. Certains sont même colorés de sang. Chaque chose que je vois fait empirer mon état et me donne un haut le cœur, le couteau se plantant toujours plus profondément.

   Tout cela est de ta faute.

   Des frissons m'envahissent, j'essaye de me ressaisir. Je n'ai qu'une envie, aller dans le lit et rejoindre Finn, me glisser dans ses bras et oublier le reste. Mais ça m'est inimaginable.

Reviens moi (partie 3) ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant