Chapitre 21 : L'écriture

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   « Aileen ? »

   Je lève les yeux vers ma psychologue, assise en face de moi.

   « Il va falloir penser à affronter le nouveau monde. Voir des gens, ta famille. Te réhabituer. »

   Je fronce les sourcils, redoutant ce moment depuis longtemps.

   « Tu as fait de nombreux progrès. Tu as encore du mal à confier tes sentiments mais au lieu de rester bloquer là-dessus, je préférerais qu'on progresse sur un autre sujet. »

   Je ne peux pas attendre encore un peu ?

   « Non, Aileen. Il faut le faire maintenant avant que les livres ne prennent le dessus. Je ne t'ai pas fait lire pour que tu t'enfermes là-dedans et que tu oublies le monde extérieur. »

   Pour quoi alors ? Parce qu'il me semble que lire est justement une façon de s'évader.

   « C'est juste, ça aide pour cela. Ça t'as permis de te changer les idées, de penser à autre chose, mais pas seulement. »

   Je l'observe, haussant les sourcils.

   « En lisant, tu as pu te mettre dans la peau des personnages. Ressentir ce qu'ils vivaient et te faire comprendre qu'il ne faut pas tout garder en toi, en parler. Ça ne peut que t'aider, Aileen. »

   Donc tout cela était une sorte de coup monté ?

   La colère monte en moi, ainsi que la déception. Je pensais qu'elle voulait mon bien et faisait ça pour moi. En fait, elle veut juste me faire faire un truc que je ne veux pas. Le pire, c'est que ça marchait. Je mets la main dans ma poche et me rassure en sentant le papier sous mes doigts. Pourquoi est-ce que je l'ai emmené ? Il ne faut pas que je le perde. C'est important.

   « C'est faux Aileen. Ce n'était pas un coup monté, je ne te ferais pas ça. C'est uniquement une partie de ta thérapie, mais j'ai bien peur que maintenant que tu le sais, tu t'arrêteras. »

   Elle a raison. Ça m'a traversé la tête. Sauf qu'au fond de moi, je sais très bien que je ne m'arrêterai pas. Depuis mon réveil, je n'avais plus touché à un livre. J'étais la plupart de mon temps avec Finn, et quand James m'a offert le carnet, j'écrivais dès que j'avais un moment de libre. Je n'ai jamais vraiment pensé à relire mes livres qui sont dans ma bibliothèque, et je le regrette un peu.

   Mais maintenant que ma psychologue m'en procure, je me sens quand même un peu mieux. Ma vie est misérable en ce moment, le fait de me mettre dans la peau d'autres personnages me permet de m'oublier un peu. Penser à d'autres gens, à d'autres environnements, à d'autres problèmes ne me font pas oublier les miens, mais ils les mettent de côté.

   J'ai par habitude de les affronter et de me battre, mais ça fait trop longtemps que ça dure. Pour une fois, je laisse tomber et je mets tout de côté.
Me battre pour quoi, de toute manière ? "Pour sortir de cet endroit et faire échapper la folie de ton toi profond" me répondrait la psy. Si je pouvais lui dire que c'est faux, je le ferai. Je ne me bats pas, je laisse aller, c'est tout. Je fais des efforts pour faire un peu plaisir à la femme qui se tient devant moi, parce qu'elle a l'air d'avoir confiance en moi. Je ne veux pas la décevoir.
Enfin, je pense que je ne veux pas la décevoir, mais elle l'a fait. Pourquoi ne pas m'avoir dit dès le départ la raison de tout ce qu'elle m'a demandé de faire ?

   « Aileen ? »

   Je lève les yeux vers elle, elle m'observe calmement, un léger sourire aux lèvres.

   « As-tu entendu ce que j'ai dit ? »

   Je secoue la tête. Mes pensées m'envahissent tellement que j'en oublie la réalité. Enfin, façon de parler, parce que j'ai "oublié la réalité" d'une manière bien pire.

Reviens moi (partie 3) ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant