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... Kaitlyn se mit alors à courir pour sa vie, fuyant à toutes jambes à travers les bois, trébuchant sur les racines humides, se griffant dans les ronces et priant n'importe quels dieux en qui l'on pourrait croire de la sauver des monstres qui la poursuivaient ...

La jeune Amethyst Alloways souffla fatiguée. Rien n'y faisait, rester enfermée toute la journée à s'occuper de la maison et écrire son roman n'était pas le genre de programme auquel une jeune fille de dix-sept ans en plein milieu de ses vacances d'été devrait s'adonner. S'occuper de la maison comme sa mère auparavant, avancer son projet de livre, rêver. Oui, rêver de retourner dans le passé, là où sa mère n'aurait pas eu son accident et serait encore en vie pour prendre soin d'elle et lui raconter les histoires des tribus Makah que sa grand-mère lui avait transmise. Ce qu'elle pouvait aimer ces histoires. Ou bien rêver avec un peu plus d'extravagance d'une nouvelle vie dans laquelle son père se préoccuperait d'elle comme un père le devrait, une vie dans laquelle elle trouverait amour et aventure comme dans toutes ces histoires qu'elle se plaît à lire ou écrire. Pourtant c'était la seule chose qu'elle trouvait à faire. Quand il y a deux ans sa mère était décédée, elle avait perdu tout ses amis, plongée dans une sorte de brouillard. Depuis, elle qui n'avait jamais vraiment aimé la ville et la chaleur étouffante, préférant de loin leurs sorties familiales dans les grands canyons ou les réserves naturelles protégées, n'a plus vu l'intérêt de sortir en ville. Et puis quelqu'un doit bien s'occuper de la maison, non ? Elle se répétait sans arrêt quand les doutes la prenaient par surprise. C'est vrai, ça n'était pas la première fois quelle se retrouvait seule tout une journée. En fait, c'était son lot quotidien depuis que sa mère les avait quitté. Waylon, son père, s'était alors effondré avant de s'enfermer dans son travail de chirurgien, sauvant des vies comme celle de sa femme qu'il n'avait pu sauver. Jamais il n'avait cherché à consoler sa fille et à la supporter dans son deuil, alors qu'elle aussi avait besoin d'aide, quand lui avait perdu l'amour de sa vie, Amethyst avait perdu sa mère adorée. Au lieu de ça, c'était elle qui prenait soin de lui, veillant à ce qu'il mange correctement, à ce qu'il ne se surmène pas, à ce qu'il ne se remette pas à boire massivement comme lors des premiers mois suivant la disparition de Grace. De même, c'était à elle de veiller aux tâches ménagères pour que la maison ne soit pas un véritable dépotoir invivable. Amethyst avait prit le rôle de sa mère alors quelle n'avait que quinze ans à l'époque.

Mais bien que cela ne soit pas chose aisée, et quelle se voit rêver d'une autre vie souvent, Amethyst n'en voulait pas à son père. Pendant quelques mois, les premiers sans sa mère, ça lui avait prit, elle lui criait des horreurs et se plaignait de lui tout le temps, elle croyait le détester, alors qu'elle ne supportait seulement pas sa propre douleur pour devoir subir celle de son père aussi. Mais avec le temps elle avait accepté cette peine, réussi à gérer la sienne pour pouvoir aider son père, son père qui était un homme bon, un sauveur, brisé par la perte de son amour.

Quand vingt heures sonna, Amethyst ferma son ordinateur et le posa sur sa table basse – simple plaque de verre sur un triple pieds en bois, de l'érable probablement. Son histoire attendra, elle avait bien assez écrit pour aujourd'hui, maintenant elle allait pouvoir faire à manger, cela lui occuperait l'esprit et la ferait bouger. La jeune fille attacha ses cheveux blonds cuivrés dans un chignon rapide et mal fait à l'aide de son crayon de note en se dirigeant vers la cuisine pour préparer une salade de riz. Elle prit soin de sortir riz, thon en conserve, tomates, maïs en boite, olives et cornichons avant de nettoyer consciencieusement trois cuillères à soupe de riz pendant que l'eau chauffait sur la plaque de cuisson. Puis une fois le riz dans l'eau bouillante, l'adolescente s'occupa des condiments. Il ne lui fallu au final qu'une grosse demi-heure pour finir leur repas de ce soir.

Puis elle attendit le retour de son père, s'installant à la table préalablement mise, avec un livre sur les genoux. Quand l'horloge sonna vingt-deux heures trente, elle se décida à manger distraitement, plongée dans les pages de son livre. Il fallu attendre alors le seizième chapitre vers vingt-trois heures et des poussières pour que Waylon fasse son apparition, poussant la porte qui commençait à grincer, semblant porter tout le poids du monde sur ses épaules fatiguées, tassant son mètre quatre-vingt-deux, les traits de son visage plus pâle que la normale, presque grise, tirée avec dureté, ses cheveux blond foncés tout ébouriffés. Aussitôt la jeune femme referma son ouvrage et le rangea pour servir son père le temps que celui-ci n'arrive à table dans un silence morose, comme toujours. Elle s'appuya ensuite contre le dossier de la chaise en face de celle de son père, le regardant manger comme tous les soirs, veillant à sa santé et attendant de voir si ce soir il avait une nouvelle à lui annoncer. C'était arrivé quelques rares fois, presque les seules fois où il lui parlait vraiment. Amethyst avait toujours eu un instinct très développé, sûrement hérité de sa mère comme ses yeux en amandes et le gène d'Alexandria qui lui procurait ces iris bleues violacées, et qui lui avait valu son prénom original, et elle sentait avec conviction que ce soir allait tomber une nouvelle importante.

― J'ai été muté à Forks, il annonça simplement au bout de quelques minutes.

La blonde resta perplexe quelques secondes. Forks ? Et ? Juste ça, pas de détail, rien de plus ? À croire qu'il ne parlait pas d'un déménagement soudain. Elle fini par craquer face à son silence et intervint.

― D'accord... Et c'est où ça, Forks ? Elle lui demanda en douceur pour ne pas le brusquer dans sa léthargie.

― Une petite bourgade dans l'État de Washington, c'est plus isolé et on... On pourra enfin s'en aller.

S'échapper. Fuir. Elle pensa plutôt. Fuir loin des souvenirs de Grace et la pression de la ville. Il faut avouer que Boise, capitale de l'Idaho n'est pas forcément le meilleur endroit pour un chirurgien en deuil et une adolescente qui rêve de nature comme sa mère.

― Attends, attends. Tu- Tu veux dire qu'on s'en va ? On part loin de la ville ? S'assura-t-elle, un sourire s'installant lentement sur son visage.

― C'est ça. Mais nous n'avons que deux semaines pour faire les cartons, le camion arrive le 29. Ils m'ont prévenu tardivement. Je commencerais là-bas le 22 août, que l'on puisse s'installer.

La jeune Alloways ne pu se retenir de pousser une exclamation de joie, surexcitée et gonflée à bloc à l'idée d'enfin partir, recommencer une vie à zéro, loin de la ville. Elle sautilla jusqu'à son père pour embrasser sa joue avec enthousiasme, le remerciant mille fois avant de se précipiter dans sa chambre pour déjà visualiser ce qu'elle garderait et ce qu'elle donnerait.

Les jours suivants se passèrent à peu près tous de la même manière. Les deux premiers jours qui suivirent la nouvelle furent les plus longs, dans l'attente des cartons. Mais ça n'est pas pour autant que la blonde se tourna les pouces ; elle commença le Grand tri. Elle s'y donnait à coeur joie, laissant son imagination vagabonder sur l'image qu'elle s'était faites lors de ses recherches sur la petite ville de Forks cette nuit là, où elle n'avait fait que ça, ne prenant que deux petites heures pour se reposer et être prête à se mettre au travail le lendemain. Waylon ne vint l'aider à cartonner la maison que la deuxième semaine, continuant à travailler un maximum la première, mais laissant cette fois sa fille seule mais heureuse, occupée de manière organisée et empressée. Sept heures le réveil sonne, huit heures elle a fini de prendre son petit-déjeuner et s'être débarbouillée, vêtue de vieux pyjamas pour pouvoir être à laise dans le cartonnage, jusqu'à midi la blonde se plie en quatre pour optimiser le nombre de cartons, les scotchant un à un.

Au final, quand le camion déménagement arriva, les cartons était déjà fait et fini depuis deux jours. Les trois jours qui suivirent elle ne pu que ronger son frein et obtenir quelques maigres informations sur leur nouvelle vie de la part de son père, attendant le jour où ils prendraient l'avion en direction de Seattle. Le temps passa alors à la fois tellement lentement quelle cru s'arracher les cheveux tant elle était impatiente, mais aussi très vite, si vite qu'elle se rendit à peine compte être enfin installée confortablement sur l'un des sièges de grande classe de leur avion. Ce fut là que que tout s'accéléra pour de bon, les trois heures et demi de vol qui séparait Boise et Seattle passèrent en moins de deux films clichés disponibles dans leur écrans de première classe, puis les quatre heures bercées par les ronronnements du moteur dans le 4x4 blanc que Waylon avait préalablement acheté et commandé à l'aéroport, furent passées tout aussi rapidement grâce au sommeil dont elle fut prise sur la route.

Elle se réveilla, peu avant leur arrivée à Forks, bien plus calme que les jours précédents, le sommeil l'enveloppant d'un nuage de coton et l'adrénaline du départ passée. Bientôt ils purent croiser le panneau d'accueil de la ville de Forks, la bourgade pluvieuse et perdue au fin fond de l'État de Washington, tout comme Amethyst peut aimer. Un panneau rustique en planches de bois peintes en bleu, inscrites de grosses lettres blanches et un logo de forêt rond. On pouvait y lire « Ville de Forks, 3 120 habitants ». 3 122 maintenant, elle se dit avec un petit sourire. Elle sentait qu'elle allait enfin pouvoir vivre la vie qu'elle souhaitait depuis tant dannées, elle en avait la certitude.

Amethyst - Twilight TentationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant