Une aide improbable

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2. Une aide improbable

Bouchot s'écrasa au fond de l'océan dans un petit nuage de sable. Paniquée, elle refusa d'ouvrir sa coquille pour voir où elle se trouvait. Elle avait peur. Elle avait si peur et personne ne pouvait venir à son secours maintenant. La moule tenta de s'enterrer dans le sable pour se cacher, mais celui-ci lui parut étrange, un peu trop dur. Elle hurla de plus belle quand il se mit à gigoter sous sa coquille. Deux grandes ailes se dégagèrent du sol. Bouchot voulut fuir, mais avant qu'elle en eût l'occasion, elle volait de nouveau au-dessus du sol. Elle entrouvrit la coquille. Un poisson. Elle était sur un poisson plat.

— Pitié, ne me faites pas de mal ! supplia-t-elle, tremblante. Je ne suis pas bonne à manger !

Le poisson s'arrêta. Deux choses qu'elle avait pris pour des antennes se retournèrent sur elle : deux yeux globuleux, surpris.

— Oh ! Je suis confuse ! Je ne savais pas que j'avais un passager aujourd'hui. Est-ce que je peux t'aider ? Les moules ne vivent pas dans le sable, d'ordinaire.

— Je suis tombée du Rocher, répondit Bouchot, un peu mois sur la défensive. Vous pouvez m'y raccompagner, s'il vous plaît ?

— Bien sûr, c'est la moindre des choses. Je m'appelle Sole. Je suis une limande.

— Bouchot.

La limande remonta, prenant garde à ne pas faire tomber son invitée. Il parut à la moule que la remontée prit moins de temps que la chute. En quelques brassées, elle était de retour. Sauf qu'il n'y avait plus personne ici. L'immense créature avait disparue, et avec elle, sa famille. Bouchot lâcha un sanglot d'horreur. La limande se contorsionna pour lui tapoter gentiment le haut de la coquille et la réconforter. Elle lui demanda de lui raconter ce qui s'était passé, et la moule s'exécuta. Elle avait besoin de vider ses valves sur quelqu'un.

— Je connais quelqu'un qui pourrait t'aider ! s'exclama Sole une fois qu'elle eut terminé. Tu as besoin de rejoindre la grande porte qui sent mauvais, tout proche de la côte. Je peux t'y emmener, mais tu devras ensuite voyager par toi-même à l'intérieur. Avec le courant, ça ne devrait pas poser trop de problèmes.

Bouchot ne trouva pas les mots pour remercier sa nouvelle amie. Comme promis, la limande nagea droit devant elle pendant plusieurs heures. Sur son dos, la petite moule prit le temps d'apprécier le paysage et posa plein de questions à Sole sur ce qu'elle voyait. Patiente, la limande se fit bonne professeur. Avant la fin de la journée, elles étaient arrivées à destination.

La grande porte qui sent mauvais portait bien son nom. C'était une porte. C'était grand. Ça sentait mauvais. L'eau avait changé de couleur pour un vert plus obscur, plus trouble et visqueux également. Il était difficile de voir devant elle et sa coquille grattait. La limande évita de nombreuses méduses mortes, de différentes formes et couleurs. Certaines débordaient de choses effrayantes qu'elles semblaient avoir avalé jusqu'à ce qu'elles n'en puissent plus.

Sole s'arrêta devant l'entrée, une espèce de grille ronde enfoncée dans une roche lisse.

— Nous y voilà, petite moule. Laisse le courant te porter vers l'est. Ma bonne amie Shein vit à l'intérieur. On dit qu'elle a des pouvoirs magiques. Peut-être qu'elle pourra t'aider. Bonne chance. J'espère que tu retrouveras ta famille !

Bouchot remercia son amie un millier de fois, puis se laissa tomber de son aile. Le courant la happa presque immédiatement à l'intérieur de la porte qui sent mauvais, droit vers l'inconnu. L'eau devint rapidement sale et boueuse, encore pire que ce qu'elle était à l'entrée. Bouchot ferma sa coquille et se laissa porter. Il n'y avait pas grand-chose qu'elle pouvait faire pour contrôler vers où elle se dirigeait de toute manière. 

VDM : Vie de moule | NouvelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant