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Combien de fois m'as-t-on raconté la sombre nuit par laquelle ma mère a reçu la bénédiction de la magie? Combien de fois m'as-t-on répété que notre famille se devait d'offrir toute l'aide possible aux autres?

Je veux faire de mon mieux. Je veux aider, je veux être utile, je veux que mes pouvoirs puissent rendre fière ma mère, qui en attend tant de nous.

Je suis motivé, je suis sûr que mon don peut-être bénéfique à tous.

Alors pourquoi est-ce si dur ?


-Bruno !

Il lâche les grains de sable qu'il faisait tourner entre ses doigts, et cesse de se balancer d'avant en arrière. Il se lève,  secoue son poncho. La voix de sa mère, Alma Madrigal, qui continue d'appeler son nom, sonne comme un rappel à la réalité. Oui, il y a le futur. Mais il y a avant tout le présent. Et le présent te somme de venir.

Au sortir de sa grotte, il plisse les yeux. Le soleil qui brille au sommet du plafond inexistant de sa chambre accentue la différence de luminosité entre le dehors, et le dedans. Ce dedans sombre et rassurant.

Il traverse le pont de corde et de bois tendu au dessus d'un précipice, et dévale les escaliers. Une dune à monter, il passe sous le rideau de sable qui l'isole du monde. Sa mère, la mine droite et fermée, l'attend.

-Bruno, mi hijo, c'est le deuxième repas d'affilé que tu sautes. Peux-tu m'en expliquer la raison ?

Sa voix est bienveillante, mais il sent qu'elle est tendue. Elle s'approche, passe sa main dans ses cheveux, les secoue pour en retirer le sable.

-Yep, hum, je veux dire, oui. Je, j'étais en train de... méditer..?

Elle lève un sourcil. Son beau visage commence peu à peu à être marqué par le temps. Il n'épargne personne.

-Brunito, tu devrais sortir et voir du monde, au lieu de t'isoler dans ta grotte.

Le visage du garçon s'éteint un peu.

-Je sais, mamá, je sais.

-Vas dans la cuisine, chercher à manger. Julieta prépare toujours pour un régiment, il y a de quoi récupérer une semaine de jeun en un repas (elle prend ses joues dans ses mains et soupire, ses doigts caressent ses pommettes). Comment est-ce possible d'avoir des cernes aussi marqué à un si jeune âge ? Qu'est-ce que ce sera à 50 ans ?

Il lève les yeux au ciel.

-Mamá, tout va bien. Je vais bien.

-Je sais, Bruno, mais maintiens tout de même ton hygiène de vie. Utiliser un don, ça demande de l'énergie. Comment auras-tu tes visions si tu as le ventre vide ?

Elle tapote les épaules du garçon.

-Je ne serai pas à la maison, cet après-midi. Reste donc avec tes sœurs.

En sortant de la pièce, elle se retourne :

-Et cesse de t'isoler dans ta tour !

Le bruit de la porte qu'elle referme résonne. Le sable glisse, le rideau inlassable qui protège la chambre de Bruno tremble. Il tremble aussi. Cela fait cinq jours qu'il n'est pas sorti de la maison. La dernière vision qu'on lui a demandé de faire s'est mal finie, comme presque toutes les autres, et peu à peu, même le contact avec sa famille s'est tendu.

Quelques grains entre ses doigts, il sort timidement de sa chambre. La lumière dorée de sa porte brille comme lorsqu'il est entré. Il se glisse comme un fantôme le long des murs, jusqu'à la cuisine. Prévisible, sa sœur y est, en train de tester une énième recette. Elle le remarque, lui adresse un magnifique sourire:

Time flows like sand (Bruno x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant