Chapitre 3

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《-... mais si tu avais vu leur tête ! C'est comme si ils ne savaient pas ce qu'est un ordinateur !
- L'horreur ! Comment ta fais pour survivre une semaine entière là - bas ?!》
La voix de Léna se brisa sur ces derniers mots. Cela faisait maintenant une heure qu'elle discutait avec Dark. Depuis le retour du garçon la veille, elle avait le coeur léger et riait gaiement. Mais le souvenir de la semaine passé en son absence lui revint soudain en mémoire. Le visage de la jeune fille s'assombrit d'un coup et ses yeux devinrent fuyants. De l'autre côté de l'écran, le changement de comportement de Léna n'échapa pas au garçon. Il s'en voulut. Et il ne pouvait rien dire pour la réconforter. Il avait fait une connerie. C'était le moment d'assumer.

《- Je veux te voir.》

Le garçon releva soudainement la tête vers l'écran. Me voir ?! Il avait peur d'avoir mal compris. AubeDesTemps n'avait jamais dévoilé ni son nom ni son visage à personne. Mais pour lui, elle avait déjà abaissé une barrière.

《- Mais Aube, tu n'es pas sérieuse... On sait dit OK pour Skype mais tu m'as dit toi-même que jamais on irait plus loin !

- Je sais ce que j'ai dit. Mais je veux te voir. Après demain, au Salon du Livre. Si tu n'y es pas, je quitterais définitivement ce monde.

- Au Salon du Livre ?! Mais tu peux pas me poser un dilemme pareil ! Non Aube attend !》

Trop tard, Léna avait déjà raccroché. Mais comment je vais faire ? Je peux pas y aller ! Mais si je n'y vais pas, Aube va... Le garçon secoua la tête énergiquement. Il ne pouvait pas manquer ce rendez-vous. Alors il irait. Comment, cela allait être une autre histoire...
Il connaissait Aube depuis maintenant un an. La première fois qu'il lui avait parlé, c'était pour l'interviewer. "AubeDesTemps, l'insaisissable star du web", il voyait déjà le nom de sa vidéo. Pour sûr, cela allait faire le buzz. Et bien évidemment, elle l'avait cordialement envoyé voir ailleurs. Mais il avait su attirer son attention. Alors qu'il ne pensait plus rien pouvoir tirer d'elle, Aube lui proposa une discussions sur Skype. Lui, DarthVador94, allait parler avec la plus intrigante figure du net ! Mais cela avait plutôt mal commencé. Aube avait gaffé. Elle n'avait pas prononcé correctement son pseudo. Elle avait dit "Dark" au lieu de "Darth"... Et ce surnom était resté.
Au fil des mois, le garçon s'attacha à cette jeune fille fragile. Il était convenu entre eux qu'ils ne devraient jamais parler de ce lien ni à leurs fans ni à leur entourage. Ils ne voyaient que trop bien la rumeur détruire leurs notoriétés. Il lui était reconnaissant de la confiance qu'elle lui accordait. Mais jamais il n'aurait pensé la voir en vrai. Il avait réussi à percer les secrets d'AubeDesTemps. Il le pensait sincèrement. Mais ce qu'il allait vivre remettra en cause toutes ses croyances les plus primaires.

*

Léna lâcha la souris d'une main tremblante. Elle se mordit la lèvre jusqu'au sang pour refouler ses larmes. Pourquoi es-tu si faible ?! Toujours à pleurer, à chouiner, toujours à faire la fière alors que tu ne peux même pas vivre sans ce mec ?! Léna se mordit plus profondément encore. Du sang coula le long de son menton. Elle était consciente de ses faiblesses. Elle dépendait de ce garçon et elle ne pouvait sans détacher.

Soudain ce fut trop. Un cri venant du plus profond de son être déchira sa gorge. Son hurlement résonna à travers toute sa chambre et la maison, à travers ton son être. Ce souffle venu du plus profond de ses enfers monta dans les aigus alors qu'elle renversait la tête en arrière et que les larmes se déversaient sur son visage. La douleur traversa son corps et son âme de part en part. Sa poitrine se souleva frénétiquement avec les hoquets de ses sanglots. Léna pleura longtemps. Très longtemps. Elle pleura comme jamais une personne saine d'esprit aurait pu pleurer. Ses pleurs et ses cris se mêlèrent à la musique de la folie qui entourait Léna. Et le tout entonna un sombre requiem. Le requiem de la souffrance dans la plus douloureuse de ses formes.

Léna retomba sur son oreiller comme une masse, le souffle court. Elle n'avait plus de force. Son être et son esprit était vide. Vide de tout. La pauvre enfant s'endormit sur le coup. Et le sommeil, compatissant, lui accorda un repos lourd et sans rêve.

*
Mme Smith vint comme tous les soirs voir sa précieuse enfant. Mais ce soir-là, cette dame fatiguée des tours que lui jouait la vie ne sentit pas le gouffre dans lequel sa fille était retombé. L'espoir avait réapparut dans son coeur, et elle comptait bien s'y accrocher. La vie lui avait filé entre les doigts. La sienne, mais aussi celle de sa fille. Alors l'espoir, elle s'y accrochait désespérément.

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